L’ancien Secrétaire d’Etat américain aux affaires étrangères Robert Gates avait rendu publique la décision de l’administration Bush de créer un commandement spécial pour l’Afrique (Africom) sans le consentement même des Africains. L’information relayée par tous les médias publics panafricains n’a suscité nulle part en Afrique une quelconque réaction sous une quelconque forme des autorités publiques de ce continent. On peut même soupçonner qu’ils s’en réjouissent. Á la différence des Africains qui donnent l’impression de ne pas cerner les grands enjeux de ce monde, les Occidentaux ont un sens très poussé de la prévoyance. Ils sont très sensibles à leurs intérêts dans le présent et occultent les moyens de les sécuriser dans l’avenir. Au moment où les Africains passent inutilement leur temps à se tordre le coup sur les questions du pouvoir, les Occidentaux se concentrent déjà sur les questions de l’avenir. Le souci de sécurisation de l’approvisionnement en sources d’énergies, la montée du terrorisme international, la concurrence économique chinoise et dans une moindre mesure les risques d’un dérapage aux conséquences raciales en Afrique du Sud sont autant de mobiles pour les stratèges américains de disposer d’un centre de commandement spécial pour l’Afrique.
Une décision géostratégique
C’est en Occident qu’il faut se rendre compte de la qualité et de l’efficience de l’organisation du travail. Chaque section s’occupe strictement et professionnellement de son domaine mais collectivement toutes les sections se concertent entre elles. L’efficacité et l’efficience du personnel est de temps en temps soumis à un examen. C’est en Occident où l’étranger peut constater l’ampleur du travail en réseaux. Ainsi quand un ministre africain fait une lettre de requête d’argent au Fond monétaire international, il n’est pas à exclure qu’une copie de cette lettre se retrouve comme document confidentiel dans une section spéciale d’un ministère d’un pays occidental. Ils ont un excellent niveau de travail collectif. Ils savent que le monde est un lieu de combat et qu’ils doivent défendre les intérêts de leurs peuples. On ne sait pour quelle raison la nature ne leur a pas pourvu de ressources minières stratégiques et énergétiques qu’ils sont obligés d’aller chercher ailleurs par la ruse mais aussi par la violence si nécessaire. Par contre, ils ont les moyens intellectuels et techniques pour dompter la nature. La science, l’organisation et le travail en réseaux sont leurs armes pour survivre et préserver leur domination sur les autres peuples.
Pour rentrer dans le vif du sujet, les Occidentaux notamment les Américains ont dominé pendant longtemps la région du Golfe arabe. Pour sécuriser leur approvisionnement en pétrole dont regorge la région du Golfe, ils soutiennent les dynasties royales qui y règnent sans regard pour l’opinion populaire dans ces pays. En Irak qui détient les secondes grandes réserves mondiales d’hydrocarbures après l’Arabie saoudite et où le pétrole fut nationalisé, ils y sont militairement intervenus sciemment sous le prétexte que ce pays dispose des armes de destruction massive, accusations qui se sont révélées par la suite fausses. Malgré la pendaison de l’ancien rais Saddam Hussein et malgré l’envoie d’un nouveau nombre important de soldats américains dans le pays, la rébellion s’intensifie au point que les experts parlent toujours d’un nouveau Vietnam. Pour un esprit lucide, une victoire rapide en Irak comme leurs stratèges l’avaient prévue, les auraient déjà conduits en Syrie et en Iran d’après un soi-disant plan aux connotations religieuses et missionnaires concocté pour apporter la démocratie dans le monde arabe. Avec le nouveau militantisme arabe exacerbé par la religion Islam promettant le paradis après la mort pour un combat juste, l’ouverture de l’esprit encouragée par la diffusion de l’information par la chaîne Al Jaseera, la course à l’armement de l’Iran et la récente débâcle des forces israéliennes dans leur guerre contre les combattants et milices du Hezbollah au Liban, les stratèges américains tournent leurs yeux vers l’Afrique surtout que le contrôle de tous ces paramètres dans la région du Golfe arabe n’engendrait pas seulement un coût considérable mais reste incertain.
L’Afrique, le nouvel eldorado d’approvisionnement en sources d’énergies
D’après tous les experts en énergies, l’avenir semble n’être pas radieux pour l’approvisionnement en énergies dont les réserves s’épuisent lentement à l’échelle planétaire et malgré les prospections prometteuses dans certains endroits du monde. Ils prévoient même une montée accélérée du prix du baril au point que la discussion s’enflamme déjà en Occident tout particulièrement en Europe pour une reconsidération de l’énergie nucléaire dont la production pour des raisons de sécurité et sous l’effet de l’activisme des verts et écologistes militants a connu entre-temps un ralentissement.
La région du Golfe de Guinée en Afrique allant de la Côte d’Ivoire en passant par le Nigéria jusqu’en Angola semble très prometteuse en réserves d’hydrocarbures notamment le pétrole. Partout les prospections sont en cours, même au Togo, ce petit pays vu de superficie. Déjà le Nigéria et l’Angola sont de grands producteurs africains de pétrole. Les Américains sont connus pour leur gourmandise en énergie. À eux-seuls, la part de leur consommation de l’énergie atteint environ le quart de l’énergie totale consommée dans le monde. Depuis les fameux attentats du 11 Septembre 2001 qu’auraient commis les militants terroristes de l’Al-Qaïda dont un nombre important serait d’origine saoudienne et suivis de la seconde guerre du Golfe, les Américains lorgnent le pétrole africain. Ils envisagent d’augmenter la part de leurs importations du pétrole à partir des pays du Golfe de Guinée au quart de leur consommation dans les dix années à venir. Leurs stratèges perçoivent la région comme une zone stratégique pour les intérêts américains. Forts de leurs expériences dans la région du Golfe arabe avec la détermination des jeunes à mener une lutte sans merci contre les envahisseurs étrangers malgré leurs considérables moyens technologiques de guerre, ils sont déjà en train d’anticiper ce qui peut aussi leur arriver en Afrique. Les générations de jeunes africains à venir ne vont probablement pas accepter de vivre sous des dictatures ou des dictatures déguisées en démocratie trompe-l’œil. La guerre d’intensité basse qui se passe au Nigéria est déjà un signe annonciateur des résistances armées face aux pouvoirs corrompus et anti-patriotique. Les patriotes ivoiriens chez eux livrent une lutte sans merci contre l’impérialisme français. Partout en Afrique, les dirigeants sont décriés par les jeunes, l’intelligentsia et la diaspora. Les Occidentaux en l’occurrence les Américains se convainquent lentement que les choses ne sont plus comme auparavant et que quelque chose bouge en Afrique et que potentiellement il y aura des solutions armées face à la crise de leadership. Les rebellions armées au Tchad et en Centrafrique ne font que prouver cette tendance qui se dessine lentement en Afrique. C’est leur inquiétude.
Actuellement, ils brandissent l’argument du terrorisme international. Les attentats simultanés de Nairobi au Kenya et de Dar-es-Salam en Tanzanie en Août 1998 servent d’alibi à cette prétention. Ils craignent également que la Somalie n’abrite les terroristes de l’Al-Qaïda. D’après les informations crédibles venant d’Asmara, les Américains auraient été à l’origine de la décision des autorités éthiopiennes d’intervenir militairement à Mogadiscio. D’ailleurs ils sont eux-mêmes intervenus dans le conflit par des bombardements sur les supposées cachettes des milices islamistes dans le Sud du pays. Depuis la fin de la guerre froide, apparemment le danger terroriste a remplacé le danger communiste et ils mènent une guerre sans merci pour l’endiguer. Juste la semaine dernière, l’administration Bush faisait apprendre au monde qu’il installerait des batteries anti-missiles en Europe de l’Est notamment en Tchéquie et en Pologne pour une prétendue protection de ces pays contre les dangers potentiels de missiles iraniens et nord-coréens. Ce qui naturellement suscite des inquiétudes à Moscou qui a déjà prévenu les autorités américaines de prendre des mesures appropriées y compris la reprise de la course à l’armement.
Le forcing chinois en Afrique est aussi l’une des raisons de leur acharnement à repositionner l’Afrique dans leur approche de contrôle universel. À peine perceptible en Afrique dans les années 60 et 70, la présence chinoise s’est fait d’abord remarquer notamment en Afrique australe dans les années 80 avant de s’étendre sur toute l’Afrique aujourd’hui. En un temps éclair, les Chinois ont démultiplié les échanges commerciaux avec l’Afrique. On note également une intensification des investissements chinois en Afrique particulièrement dans le secteur énergétique et notamment au Soudan, en Angola et au Nigéria. Ils multiplient les prêts aux taux concessionnaires aux pays africains. Tout cela suscite des interrogations voire des inquiétudes chez les Occidentaux qui ont toujours considéré l’Afrique comme leur arrière-cour et comme un butin de l’esclavagisme et de la conquête coloniale une source d’approvisionnement « naturelle » en matières premières et sources d’énergies. La redoutable concurrence chinoise ne les arrange pas.
Enfin, il me semble bon de mentionner que les Américains suivent de près l’évolution de la société sud-africaine. L’ancien Président Mandela et l’actuel Président Mbeki dans une moindre mesure leur ont été appréciables. Ces deux dirigeants en dépit des réformes pour démonter les vestiges de l’Apartheid et rendre les chances sociales plus ou moins égalitaires pour les races blanche et noire, n’ont pas touché au point névralgique du système économique foncièrement capitaliste. L’après Mbeki pose aux Occidentaux notamment les Américains des interrogations. Avec l’élection d’un nouveau Président, une radicalisation de la politique économique en faveur des Noirs avec l’expropriation des terres des fermiers blancs n’est pas à exclure. En effet, les lents progrès dans la politique de redistribution des terres en faveur des Noirs provoquent la grogne voire la colère générale de ceux-ci. L’exemple zimbabwéen est toujours vivant dans la mémoire. L’élection d’un Président populiste favorable à la cause noire peut radicalement modifier la donne d’où les soucis des Américains.
Les nouveaux risques pour l’Afrique
Comme susmentionné, si la Russie réagit violemment contre la décision américaine d’installer des batteries anti-missiles en Europe de l’Est, c’est qu’elle n’a pas confiance dans les Etats-Unis qu’elle accuse d’avoir des ambitions de domination universelle. Ce ne sont pas les États-Unis qui ont pour tâche de lutter contre le terrorisme en Afrique. Cette responsabilité incombe les Africains eux-mêmes. Qu’on ne nous trompe pas! Ce sont aussi l’injustice, la faim, le manque de perspective global et autres maux sociaux qui constituent un terrain favorable pour la violence terroriste. Les dirigeants africains peuvent eux-mêmes prévenir le terrorisme sur leur sol s’ils s’attaquent à ces maux et organisent la démocratie de façon transparente couplée du rehaussement du niveau de vie des populations. Cependant, avec la paupérisation croissante et l’abaissement généralisé du niveau de vie des populations africaines notamment les jeunes qui par millions sont des laissés pour compte, le maintien des structures de dictature ou de démocratie trompe l’œil et le soutien cynique des forces étrangères aux dirigeants vomis par leurs peuples, il y aura certainement à court ou à long terme des violences notamment de la jeunesse qui n’aura rien à perdre. Il y a toute raison de craindre que l’appui militaire des forces étrangères aux dirigeants fantoches et inconscients, tout juste animés par le désir de figurer là-haut pour jouir les délices du pouvoir, face aux révoltes populaires pourra donner lieu à des sinistres spectres de violence qu’on est en train de d’observer actuellement en Irak et en Afghanistan. Déjà, le désordre somalien est là pour nous alerter sur les risques que court notre continent dans sa corne orientale. Malgré ce qui est apparu comme une rapide victoire des forces gouvernementales aidées par les forces éthiopiennes et appuyées par les Américains à chasser les miliciens islamistes, ceux-ci mènent déjà une résistance qu’il faudrait prendre au sérieux. Que le bon Dieu nous épargne encore d’un nouveau bain de sang inutile en Afrique! Mieux vaut prévenir que guérir!
Conclusion
Contrairement à ce que les Africains pensent, la création de l’ »Africom » relève plutôt du souci des Américains de suivre de près les pays d’Afrique, maintenir leur influence et assurer l’approvisionnement des ressources minières et énergétiques surtout que la Chine leur livre une concurrence économique et féroce. En outre la conscientisation de la jeunesse africaine, leur mobilisation, l’émergence des miliciens islamistes en Somalie et le militantisme armé des forces du MEND (Mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger) au Nigéria sont autant de raisons qui mobilisent les Américains de mieux plancher sur l’Afrique dont les stratèges parlent déjà de zone stratégique du fait de ses richesses minières et surtout énergétiques. Les récitations qu’ils font dans le sens de coopérer avec les pays africains et de les aider pour les protéger contre le terrorisme ne relèvent que du langage diplomatique. Les dirigeants africains manquant de clairvoyance croient que d’autres peuples viendront travailler à leur place. On est sur terrain politique oublient-ils et ce sont les intérêts qui comptent là! Quant aux Américains, s’ils ne prennent pas les aspirations des peuples en compte dans leur entreprise de domination universelle, il faut parier qu’ils auront un jour à intervenir militairement chez leurs propres voisins d’Amérique du Sud. Une fois encore, il faudrait le répéter: le pouvoir n’est pas une place de jouissance des vices de tout genre mais une place où il faut utiliser à fond la matière grise pour déceler les pièges des intelligences des forces extérieures étouffantes et protéger son peuple contre leur emprise.
Vienne – Autriche – Par Kofi Asike pour Etiame.com
Tanyatad dit
L’Afrique ne refuse pas de donner son pétrole ou ses autres richesses… Simplement elle veut en être véritablement maîtresse: Vendre à des prix qui permettent, en retour, l’acquisition des outils de développement pour le bien être du peuple. Dans le processus de vente du Cacao ivoirien pae exemple le planteur qui est le producteur, celui sans qui il n’y aurait pas de cacao doit participer activement aux débats qui aboutissent à la fixation du prix du kg…