Le prix du kilogramme garanti du cacao bord champ annoncé par Alassane Ouattara , le jeudi 1er octobre dernier, à Yamoussoukro, est de 1000 FCFA. Un prix que le chef de l’Etat a qualifié d’«historique» , du «jamais vu», un «record». Et depuis, dans le camp Ouattara, on jubile d’avoir «répondu aux aspirations des producteurs de cacao».
Exit la comparaison qui ne tient pas la route contre le prix de 1100 FCFA sous Laurent Gbagbo, dans un contexte de première année de stabilisation. On se rappelle que c’est Anoh Gilbert, président du Comité de gestion de la filière café-cacao, structure étatique, qui avait annoncé ce prix et non la Bourse du café-cacao qui s’en chargeait auparavant.
Retenons qu’à Yamoussoukro, les producteurs ont applaudi par convenance et courtoisie. Mais en coulisse, à la Fondation Félix Houphouët-Boigny, ils ont donné leurs opinions sur ce prix de 1000 FCFA.
C’est l’acteur principal de filière, le producteur, qui connait le fonctionnement de la filière. Ce qu’il y a de méritant, c’est que la qualité de la production s’est considérablement améliorée avec la mise en œuvre du programme 2QC (Qualité-Quantité-Croissance) mis en place sous Laurent Gbagbo. Mais les producteurs éclairés soutiennent que le prix de 1000 FCFA que Ouattara a annoncé ne peut même pas leur convenir. Cela fait belle lurette qu’ils se plaignent des prix des intrants, notamment les engrais chimiques et les produits phytosanitaires, qu’ils jugent «très élevés». Ce qui majore exagérément le coût de production. Il suffit de visiter les zones de production pour s’apercevoir que plusieurs plantations ont été abandonnées parce que les propriétaires n’avaient plus les moyens de les entretenir.
Regret du gouvernement Gbagbo
En fait, il aurait fallu définir les dépenses du producteur, analyser sa marge bénéficiaire, pour pouvoir indiquer un prix d’achat qui serait consensuel, proportionnel au coût de production. Autrement dit, il faut toujours tenir compte du producteur au lieu de fixer un prix d’achat pour des intérêts égoïstes, voire électoralistes comme c’est le cas de Yamoussoukro. Car consacrer 60% du prix CAF aux producteurs n’a pas empêché que de nombreux producteurs délaissent leurs plantations pour insuffisance de moyens financiers. A titre indicatif, selon l’Etude sur le revenu et les investissements
des producteurs de café et de cacao en Côte d’Ivoire, publiée en 2010, le coût moyen de production dans les cacaoyères est de 142 FCCFA /Kg, soit 59.154 FCFA/ha.
Quand on écoute bien les producteurs de cacao, ceux-là même qui sont les propriétaires du produit, on s’aperçoit bien qu’ils ont été floués. «Si le coût de production du cacao avait été pris en compte, le prix du kilogramme de cacao serait fixé entre 1500 et 1600 FCFA et non au vulgaire prix de 1000 FCFA qui ne réjouit que ses concepteurs », soutient un membre du Conseil national des producteurs de café-cacao (Cnpp-ci), très remonté. Les comptes bien faits, depuis 2011, les paysans ivoiriens perdent presque 50% par campagne, de ce qu’ils devraient gagner normalement. Voilà ce qui pourrait bien expliquer la paupérisation criante dans le secteur agricole Ivoirien telle que dénoncée par le président du Cnpp-ci, N’Zi Yao Dinard : «Il y a des producteurs qui meurent pour 2000 FCFA d’ordonnance».
A l’analyse, les producteurs éclairés de cacao regrettent le régime Laurent Gbagbo sous lequel, «les agriculteurs ivoiriens étaient vraiment riches». Et ce ne sont pas que les Ivoiriens qui le reconnaissent. «La seule fois où nous avons vu une grande évolution de la production en réponse à une hausse du prix au producteur durant les dix dernières années était quand ce prix a oscillé entre 950 et 1000 F CFA», déclarait Euan Mann de Complete Commodity Solutions. Un observateur étranger.
Comme quoi, il suffit de comparer sur le marché, le coût exorbitant des intrants, de la main d’œuvre et de tout ce qui entre dans la production du cacao pour comprendre que le discours gouvernemental est simplement de la démagogie qui cache la misère des planteurs ivoiriens. Que peuvent-ils faire quand, de manière délibérée, au nom d’un libéralisme sans visage, L’État brade la filière à des hommes d’affaires.
Avec Notre Voie