Décision du Conseil Constitutionnel
rendant Monsieur Alassane OUATTARA éligible
Déclaration du Groupe de Réflexions et d’Appui au Programme d’Actions du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (GRAPA-PDCI)
Le 9 septembre 2015, le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision portant sur la liste des candidats éligibles au scrutin présidentiel de 2015. Cette décision a suscité la colère de bon nombre d’ivoiriens, qui estimant que la Constitution a été violée, occupent depuis les rues des différentes villes sur l’ensemble du territoire national.
GRAPA-PDCI fait les observations et lance l’appel qui suit.
L’Etat normal
La vocation d’un Système est de fonctionner de façon normale. Et NORMALE signifie « conforme à une norme, à une référence, exempte de toute pathologie ». Or pour les Etats, la norme du système politique est la Constitution, c’est pourquoi elle est dite « loi fondamentale ».
Dès lors toute autre situation dans laquelle le système politique se trouve régi, totalement ou partiellement, par autres choses que la Norme, est anormale, c’est-à-dire pathologique. L’Etat qui ne fonctionne pas selon sa constitution est un Etat malade, tout comme l’Etat malade, amoindri dans ses capacités, ne peut fonctionner de façon normale ! L’urgence absolue en pareille situation est de guérir de cette maladie, qui pour les Etats, s’appelle « crise ».
C’est cette urgence qui a commandé l’ensemble de la démarche politique qui dès 2002, suite à l’agression de la République par l’armée rebelle conduite par M. Guillaume Kigbafori SORO, avait pour objectif de sortir la Côte d’Ivoire de la crise ainsi créée. Il eut dans ce cadre des « arrangements » militaires et politiques, qui en situation Normale, n’auraient pas existé.
L’accord de Pretoria est l’un de ces « arrangements » que l’impératif de la sortie de crise a rendu nécessaire. Cet accord qui repose sur l’Article 48, lequel article atteste la situation de crise, est une « anormalité », une exception, qui vise uniquement la sortie de crise.
La crise une fois jugulée, l’accord devient caduque de fait, tout comme la médication prend fin une fois le patient déclaré guéri !
Mieux encore, les actes d’une situation anormale ne peuvent êtres susceptibles d’une récupération jurisprudentielle dans une autre situation qui elle est parfaitement normale. La jurisprudence relie deux environnements semblables dans leur nature. En l’espèce, pour l’élection de 2015 (situation normale), la jurisprudence ne peut provenir que du scrutin de 2000 (situation normale) et non point de celui de 2010 (situation anormale).
De la rééligibilité
Me Koné MAMAADOU dit avoir statué, pour le candidat Alassane OUATTARA, sur les conditions de rééligibilité. De telles conditions sont hypothétiques et inconnues de la Constitution ivoirienne. La République repose sur les principes de liberté et d’égalité des citoyens devant la loi. Cette égalité signifie que pour un même acte, tous les citoyens sont régis par une même loi. Or Me Koné MAMAADOU affirme dans sa décision, que tous les autres candidats sont soumis aux conditions d’éligibilité conformément aux exigences de l’article 35, à l’exception de Monsieur Alassane OUATTARA, qui lui est soumis à d’hypothétiques conditions de rééligibilité ! Ceci est contraire au principe d’égalité des citoyens devant la loi.
On observe d’ailleurs que c’est à dessein que le constitutionnaliste met à chaque échéance électorale, tous les postulants candidats sur le même pied d’égalité, sans considération de leur antériorité respective. En effet, les conditions d’éligibilité énoncées à l’article 35, sont pour certaines dynamiques, c’est-à-dire susceptibles d’évoluer dans le temps, cette évolution pouvant être à charge ou à décharge pour le postulant. Ainsi, un postulant inéligible parce n’ayant pas 40 ans, est susceptible de devenir éligible cinq ans plus tard. De même un candidat, aujourd’hui éligible, peut ne plus l’être dans cinq ans, du fait de la survenue d’une incompatibilité liée à la limite d’âge, à son état de santé, à sa probité morale ou à toutes preuves nouvelles.
Monsieur Alassane OUATTARA devra donc satisfaire, à l’identique des autres candidats, aux seules conditions d’éligibilité, autant de fois qu’il sera candidat.
De la décision anti constitutionnelle du Conseil Constitutionnel
Le GRAPA-PDCI fait observer que le Conseil est dit « Constitutionnel », c’est-à-dire le conseil dont les décisions sont en « accord » avec la Constitution. Il s’agit donc ici de vérifier si la décision rendant Monsieur Alassane OUATTARA éligible est en accord avec la Constitution du peuple de Côte d’Ivoire.
Or la décision rendue publique repose sur des considérations extérieures à la Constitution. Sans préjuger de la pertinence de ces considérations, le fait est qu’elles ne sont pas des articles de la Constitution. Le Conseil Constitutionnel s’est donc à l’évidence trompé de « matière » !
Le GRAPA-PDCI fait observer que le Conseil Constitutionnel par cette décision et la démonstration alambiquée qui la soutient, a voulu conférer l’éligibilité à Monsieur Alassane OUATTARA, au lieu de la constater simplement sur la base des actes présentés par le postulant. L’éligibilité est une capacité intrinsèque, elle ne saurait être ni conférée, ni induite, ni dérivée d’une cause extérieure à l’individu.
Au demeurant, le peuple de Côte d’Ivoire enjoint « son » Conseil Constitutionnel, de poser à chaque postulant candidat au scrutin présidentiel les questions précises suivantes :
- Quel est votre âge ? Le postulant devant avoir entre 40 et 75 ans pour être éligible.
2. Quelle est votre nationalité ? Le postulant devant être de nationalité ivoirienne.
3. Etes-vous devenus ivoirien par adoption, mariage ou naturalisation ? Le postulant devant être ivoirien d’origine, ce qui exclut les cas d’acquisition de la nationalité, par adoption, mariage ou naturalisation.
4. Votre père et votre mère sont-ils de nationalité ivoirienne ? Que les deux, ou un des géniteurs du postulant ne soit pas un national ivoirien, exclu le postulant.
5. Votre père et votre mère sont-ils devenus ivoiriens par adoption, mariage ou naturalisation ? une réponse affirmative ici, exclu le postulant.
6. Aviez-vous eu une nationalité autre que la nationalité ivoirienne ? Si oui, le postulant est exclu.
7. Sans être dans l’un des cas de dérogation prévue, aviez-vous résidé en Côte d’Ivoire, de façon continue durant les cinq années précédentes et totalisez-vous dix années de présence effective ? Si non, le postulant est exclu.
8. Etes-vous d’une bonne moralité et d’une grande probité ? Si non, le postulant est exclu.
9. Etes-vous capables de justifier votre patrimoine ? Si non, le postulant est exclu.
10. Justifiez-vous d’un état de bien-être complet physique et mental ? Si non, le postulant est exclu.
Voilà pour l’essentiel, en quoi consiste le travail dévolu au Conseil Constitutionnel, quand il se prononce sur l’éligibilité des postulants candidats au scrutin présidentiel.
Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 9 septembre 2015, sur le cas Alassane OUATTARA, s’est adonné à des explications aussi profuses que confuses, sans rendre compte des réponses aux questions précises que la Constitution l’enjoint expressément de poser au postulant. Le Conseil Constitutionnel a ainsi raconté sa vie au lieu de faire son travail !
Il s’ensuit que la décision du Conseil Constitutionnel du 9 septembre 2015, sur le cas Alassane OUATTARA, est inconforme en tout point, à la lettre et à l’esprit de la Constitution du peuple de Côte d’Ivoire et qu’il y a lieu de la qualifier d’anticonstitutionnelle.
De la légitimité du recours du détenteur suprême de la souveraineté : le peuple !
En démocratie, nul n’est plus souverain que le peuple ! Le Conseil Constitutionnel n’est pas plus souverain que le peuple ! Aussi, le refus du peuple de Côte d’Ivoire d’accepter cette décision scandaleuse est-elle pleinement légitime. Les hauts fonctionnaires, siégeant au Conseil Constitutionnel, viennent ainsi de se rendre coupables de haute trahison et de flagrant délit de violation de l’article 26 qui stipule que « tout Ivoirien investi d’un mandat public ou chargé d’un emploi public ou d’une mission de service a le devoir de l’accomplir; avec conscience, loyauté et probité ».
Appel du GRAPA-PDCI
Le GRAPA-PDCI note avec le plus grand dégoût que la Constitution est violée par ses propres gardiens ! Il partage en entier la colère légitime du peuple de Côte d’Ivoire, propriétaire de « sa » Constitution.
Le GRAPA-PDCI en appelle à l’humanité des femmes et des hommes du gouvernement de la République, pour surseoir le processus électoral en cours, déjà frappé de tant d’irrégularités et dont la fin s’annonce de toute évidence chaotique, pour régler définitivement le « mal » pernicieux qui ronge notre société : les dispositions constitutionnelles d’éligibilité aux différents scrutins ! Qu’ils comprennent bien qu’à l’autorité est pendante la responsabilité, qu’ils seront comptables, à titre collectif comme individuel, devant Dieu, devant le peuple de Côte d’Ivoire, devant l’histoire, du sang humain qui sera versé.
Le GRAPA-PDCI en appelle à la communauté internationale, Son Excellence Monsieur le Président François HOLLANDE, Son Excellence Monsieur le Président Barack OBAMA, Son Excellence Monsieur, le Premier Ministre David CAMERON, son Excellence Monsieur le président Jacob ZUMA, Madame la Chancelière Angela MERKEL, Monsieur le Secrétaire Général Ban Ki MOON, sur le fait que le peuple de Côte d’Ivoire est en danger de mort. Des projets d’épuration ethnique pure et simple sont susceptibles de voir le jour, si le processus électoral actuel, vicié jusqu’aux os, arrivait à son terme. Une partie au moins du peuple de Côte d’Ivoire n’acceptera pas une victoire de Monsieur Alassane OUATTARA, pour la simple raison qu’au regard de la Constitution ivoirienne en vigueur, il n’est pas éligible. La Côte d’Ivoire a fait le choix d’appartenir au monde libre et a été depuis cinquante ans un relai dans notre sous-région, des valeurs communes qui sont celles des sociétés ouvertes : la liberté, la propriété, la libre circulation des personnes et des biens. Aucune nation, en Afrique de l’ouest, n’a accueilli et intégré des populations étrangères comme la Côte d’Ivoire, aucune. Elle peut encore jouer un rôle, une fois l’Etat de droit implanté, pour contribuer à juguler la pression migratoire qui pèse de plus en plus sur l’Europe et l’Amérique.
Aux fiers ivoiriens, peuple affable de Côte d’Ivoire, le GRAPA-PDCI te rend hommage ! Si nous avons dans la paix, ramené la liberté, notre devoir est d’être un modèle de l’espérance promise à l’humanité ! Combattons donc sans relâchement pour notre Constitution, mais combattons sans haine et sans perdre de vue les valeurs qui font que nous sommes un peuple si spécial : la fraternité, l’hospitalité, le respect sacré de la vie humaine, l’attachement à la paix par le dialogue.
Pour GRAPA-PDCI
Le Président Exécutif
Tebily Roger LOUE