De la création d’une filiale américaine à l’expérimentation du gaz naturel comme carburant automobile, l’entreprise publique Petroci a engagé une stratégie de diversification audacieuse. Et critiquée.
En pleine crise politique ivoirienne, le rebranding est passé presque inaperçu, Les stations-service de la Société nationale d’opérations pétrolières (Petroci) portent désormais un nom à sonorité très anglophone : Corlay. Derrière cette nouvelle appellation se cache une alliance avec le groupe nigérian MRS : Corlay est contrôlé à 87 % par le partenaire nigérian et à 13 % par la compagnie d’État ivoirienne. La nouvelle entité est présente dans six pays et son réseau compte 600 stations-service, dont les deux tiers au Nigeria. Sur le marché national, Corlay-CI Petroci se trouve renforcé. Après absorption du groupe Texaco Côte d’Ivoire, la filiale de la compagnie publique a quasiment doublé la taille de son réseau, avec désormais une centaine de points de distribution de produits pétroliers.
Stratégie d`expansion
Cette transaction assez complexe témoigne de l’inflexion de la stratégie de Petroci, qui affiche de plus en plus son ambition hégémonique dans le monde des hydrocarbures en Côte d’Ivoire. Historiquement, la firme est l’opérateur technique de l’État dans le secteur et centralise les participations publiques au sein des compagnies pétrolières qui ont pignon sur rue, notamment Afren (Nigeria), Canadian National Resources (CNR) et Foxtrot International (filiale du français Bouygues). Petroci représente également l’État au sein du conseil d’administration de la Société ivoirienne de raffinage (SIR). Depuis quelques années, l’entreprise publique réinvestit massivement dans un certain nombre de secteurs soigneusement choisis.
Au-delà de la distribution de pétrole et de gaz butane – sous-secteur dans lequel Petroci est leader
–, la compagnie a créé, en 2005, une filiale américaine qui exploite le champ pétrolier de Bay Springs, dans l’État du Mississippi (414 barils par jour). En 2009, elle a acquis 20 % d’un consortium chargé de l’exploitation d’un gisement pétrolier dans le bassin du Congo, aux côtés de la Société nationale des pétroles du Congo-Brazzaville (40 %), du canadien Prevail Energy (20 %) et du sud-africain Petrosa (20 %).
Un oléoduc vers le Mali
Petroci multiplie les projets. La mise en place de l’oléoduc Abidjan-Bouaké, dont la vocation à long terme est de s’étendre vers le Burkina Faso et le Mali, est lancée depuis septembre 2007 et avance vite. Petroci envisageait également de bâtir une raffinerie d’une capacité de 60 000 tonnes par jour avec des partenaires américains, mais la conjoncture semble désormais défavorable à ce projet. Enfin, en partenariat avec la Sotra, société publique de transport urbain, Petroci expérimente l’utilisation du gaz naturel (que la Côte d’Ivoire produit) comme carburant pour les véhicules.
L’ambitieuse stratégie de diversification de l’entreprise publique n’est pas du goût de tous les acteurs et observateurs du secteur. « Petroci pourrait aider la SIR à faire face à ses nombreuses difficultés au lieu de se disperser ainsi », persiflent certains experts. En effet, la SIR, première entreprise ivoirienne, contrôlée majoritairement par l’État à travers Petroci, croule sous une dette de 300 millions d’euros et un déficit de 56 millions d’euros en 2009, pour un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros. Petroci a, quant à lui, réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 313 millions d’euros et une marge bénéficiaire de 48 millions d’euros.
S: jeuneafrique.com