Le procès de Koné Katinan, le porte-parole de Laurent Gbagbo, qui devait avoir lieu aujourd’hui est reporté au mercredi prochain. Il devait se tenir à « High Court », en plein coeur du quartier des affaires d’Accra, l’équivalent du Palais de Justice du Plateau. L’audience d’aujourd’hui a été particulièrement expéditive (quelques minutes). Elle n’était pas ouverte au public, ce qui a eu pour conséquence une faible présence de la communauté ivoirienne d’Accra à High Court.(Info Frank Toti, à Accra – Nouveau Courier).
Katinan
Qui est Koné Katinan? (vidéo)
L’ancien ministre du budget de Laurent Gbagbo passé porte-parole de ce dernier, Justin Koné Katinan, se trouvait, le dimanche 26 août 2012, au Ghana après qu’il a été interpellé, vendredi, à l’aéroport international d’Accra-Kotoka par la police locale.
Il serait en « lieu sûr » si l’on en croit une source proche de sa famille. « En lieu sûr » ? L’expression, un peu évasive, semble dire que Koné Katinan, quand bien même il ne serait pas dans une geôle, est limité dans ses mouvements, son passeport lui a été retiré et il se trouve sous surveillance de la police. Une source proche des autorités abidjanaises assure, en revanche, qu’il est en garde à vue en attendant une possible extradition vers la Côte d’Ivoire.
D’extradition de Justin Koné Katinan, il a été question entre vendredi soir et samedi. L’information était prise au sérieux d’autant qu’Abidjan a dépêché un avion spécial vers Accra censé ramener le porte-parole de l’ex-président. Mais Koné Katinan n’a pas été extradé, l’affaire ayant tourné à une frémissante bataille juridico-politique. Abidjan reste confiant que son compatriote visé par un mandat d’arrêt émis par la justice ivoirienne lui sera remis. Dès qu’il a été saisi, Alassane Ouattara, alors en vacances sur les bords de la seine, serait resté en contact avec son homologue ghanéen, John Dramani Mahama, également en séjour à l’extérieur. Ouattara espère que cette fois-ci sera la bonne. Koné Katinan avait été au cœur d’une actualité similaire : son arrestation au Cameroun qui aurait dû être suivie de son extradition avait été annoncée par la télévision ivoirienne ainsi que de nombreux tabloïds locaux mais l’information s’est révélée peu crédible. L’interpellation de l’ex-ministre du budget à Accra était alors à suivre de très près. L’extradition vers Abidjan aurait pu être une formalité.
Mais les choses paraissent notablement plus complexes. Justin Koné Katinan a un statut de réfugié politique et de ce point de vue, induit une source proche de la défense, l’ancien ministre du gouvernement Aké Ngbo bénéficierait bien plus que d’une couverture. Le Ghana ne peut extrader un réfugié que s`il est prouvé que « l`exilé constitue une menace pour son pays d`origine, cela ne s’est jamais vu », a fait valoir son avocate, Me Lucie Bourthoumieux, depuis Accra. Me Bourtoumieux est citée dans une dépêche de l’agence France presse en date du samedi 25 août 2012.
Ce que dit la Constitution ghanéenne
Sur les conditions d’extradition d’une personnalité à partir du Ghana, quelques extraits de la Constitution de ce pays traduits par nos soins tiennent lieu d’éclairage : « Une personne arrêtée ou détenue devra être informée immédiatement, dans une langue qu’elle comprend des raisons de son arrestation (…) Dans le but d’une extradition, ou d’une expulsion ,une personne sur laquelle pèsent des soupçons d’avoir commis ou d’être en train de commettre des actes jugés répréhensibles par les lois du Ghana devra, si elle n’est pas libérée avant, être amenée devant une cour de justice 48 heures après son arrestation. (…) une personne arrêtée qui n’est pas présentée devant une cour pendant ce délai, devra être relâchée sans conditions, mises à part les conditions pour s’assurer qu’il comparaîtra plus tard pour les besoins de l’enquête » (article 14 de la Constitution). Ces extraits impliquent que l’ex ministre de Laurent Gbagbo, dans l’optique d’une éventuelle extradition, devra être traduit devant une juridiction ghanéenne qui décidera de son sort.
Dans l’ombre de la bataille juridique, il y a la bataille diplomatique. Les autorités abidjanaises ne sont pas naïves sur l’impact de la diplomatie. Elles savent tout l’enjeu que renferme « l’affaire Koné Katinan » aussi bien pour Abidjan que pour Accra. Cela n’a, d’ailleurs, rien d’un hasard si, Alassane Ouattara, de retour, hier de Paris, s’est abstenu de toute déclaration sur « l’affaire Koné Katinan ». Pure stratégie : la dernière fois, le chef de l’Etat s’était laissé interroger sur une éventuelle « extradition » de l’ex-ministre de Laurent Gbagbo, à partir du Cameroun où, dit-on, il avait été « arrêté ». « En ce qui concerne mon frère Koné Katinan, effectivement, il réside au Cameroun. Il a fait des déclarations et des prises de position qui sont contraires au statut de réfugié qu’il semblait avoir (…) Il est donc actuellement recherché par les autorités. Le Président Biya et moi-même sommes en contact pour régler cette question. Je préfère ne pas en dire plus. Les suites seront connues assez rapidement », dixit Alassane Ouattara, de retour d’une tournée, le 25 juin 2012, à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny. Ouattara a pris cette fois le parti de ne pas communiquer sur une question suffisamment délicate et encore pendante. Cette tactique paiera-t-elle ?
Le porte-parole de Laurent Gbagbo, lui, ne reste pas dépourvu de soutiens : l’ancien président ghanéen, Jerry Rawlings qu’on dit bien influent à Accra serait investi dans la bataille diplomatique pour éviter à Justin Koné Katinan la destination « Côte d’Ivoire » dans des conditions qui soient celles d’un « prévenu ». L’Afrique du Sud de Jacob Zuma aux côtés d’autres nations africaines, alors soutiens de Gbagbo lors de la crise post-électorale, compterait dans le lot des opposants à l’extradition de Justin Koné Katinan.
Le dernier ministre du budget de Laurent Gbagbo a été arrêté, vendredi, à l’aéroport d’Accra alors qu’il rentrait de Johannesburg. Il s’était rendu en Afrique du Sud le 19 août dernier, en compagnie de l’avocate Lucie Bourthoumieux, et en mission pour son mandant. Tous deux sont arrivés, vendredi, à Accra par un vol régulier de South African Airways. Katinan a été interpellé à sa sortie de l’aéroport.
Un communiqué du gouvernement ghanéen- dont nous avons pris connaissance, hier dans la soirée- confirme que le porte-parole de Gbagbo a été arrêté par les autorités sécuritaires du pays. Le communiqué ajoute que le président John Dramani Mahama a instruit le ministre de la Justice et les autorités judiciaires qu’ils étudient les conditions d’une éventuelle extradition de Justin Koné Katinan.
Kisselminan COULIBALY – Soir Info