Il s’est imposé à nous et on le prend comme tel. Guillaume Soro est donc le président du parlement ivoirien, le premier responsable de la représentation nationale. Une Chambre qui enregistre des représentants de toutes les régions de Côte d’Ivoire. Le sait-il seulement ? Pas si sûr si l’on se réfère au communiqué qu’il a fait publier dans la presse par ses services. Dans ce texte, l’enfant de Ferkessédougou se rappelle aux terribles souvenirs de la crise armée qu’il a enclenchée à partir du Burkina Faso dès septembre 2002 pour se terminer en avril 2011.
Guillaume Soro, de son propre chef, informe les Ivoiriens sur les circonstances qui l’ont emmené à prendre les armes pour attaquer les institutions de la République de Côte d’Ivoire, son pays. Il est d’autant heureux que le Conseil constitutionnel, selon lui, en validant la candidature d’Alassane Dramane Ouattara, lui donne raison, lui l’initiateur de la rébellion armée. Puisque, selon ce qu’il nous apprend, ses camarades et lui ont pris les armes pour que Ouattara soit reconnu comme Ivoirien, même s’il est étranger et qu’il ne passe pas par la voie classique d’obtention de la nationalité de son pays d’accueil.
«Ce combat, écrit Guillaume Soro, il convient de le rappeler, transcende les questions endogènes à notre pays et prend une forme panafricaine: personne ne doit être honni parce qu’il est étranger. La construction de l’Afrique unie et intégrée n’est possible qu’en admettant que partout en Afrique tout Africain est chez lui.». Le combat en question n’est rien d’autre que la guerre qu’il a livrée aux Ivoiriens de 2002 à 2011 et qui a fait tant et tant de veuves, de veufs, d’orphelins et brisé des dizaines de milliers de foyers.
Lisons-le encore : «En effet, assure-t-il, le 19 Septembre 2002, de jeunes ivoiriens ont décidé de combattre cette autre bêtise humaine qu’est l’IVOIRITÉ au prix de leurs vies. Rétablir la dignité de tous les citoyens. Nul ne doit, en effet, être spolié de sa nationalité. Dès lors, le Conseil Constitutionnel vient de consacrer la justesse de notre combat débuté depuis le 19 septembre 2002 en reconnaissant la validité de la candidature de Alassane Ouattara; mettant ainsi un point final et définitif à l’Ivoirité. ».
La question qui lancine et qui mérite d’être posée est celle de savoir si le message que Soro veut faire passer aux jeunes générations est que pour chaque frustration subie, il faut prendre les armes pour s’imposer et réparer la faute, si frustration ou faute il y a. Etant entendu que chaque frustré apprécie le degré de la faute et agit en fonction. Au moment où malgré les humiliations, les souffrances physiques endurées, les divisions créées et entretenues entre les Ivoiriens, ceux-ci ferment les yeux sur tout pour s’inscrire dans une dynamique de paix, les hommes politiques devraient tourner sept fois leur langue avant de parler en public.
Soro est d’autant concerné au premier au chef par cette approche consensuelle qu’il est le chef de la rébellion devenu par la force des choses président de l’Assemblée nationale. Il devrait, à ce titre, éviter par tous les moyens de remuer le couteau dans la plaie. En se félicitant publiquement d’avoir conduit une rébellion dont il sait qu’elle a été nuisible au pays et à ses compatriotes, en narguant les millions de victimes de cette rébellion, il ne choisit pas la voie de la sagesse. Celle-ci devrait l’incliner à plus de souplesse, ne serait-ce que parce qu’il est le «vainqueur» de sa guerre.
Mais Soro se sent si fort et si intouchable qu’en rendant hommage aux victimes tombées de son aventure, il a sélectionné les morts. Quel drame ! Lisons-le : «À cet instant précis j’ai une pensée émue pour tous ceux qui ont consenti le sacrifice suprême (Zaga-zaga, Yereguégo et tous les anonymes qui ont péri.), leur combat n’est pas vain.». A le lire, on a le net sentiment qu’il n’a pas encore pris la pleine mesure de ce qu’il est devenu : président de la représentation nationale. Qu’est-ce qui l’empêche, comme il est vraiment décidé à parler de son combat, de profiter de cet instant merveilleux pour lui pour faire ses excuses à toutes les victimes de son «combat» ? Il se serait montré grand et aurait montré au monde entier qu’il est prêt à aller de l’avant.
Malheureusement, il y a plus grave dans sa démarche. Dans ce communiqué qui est bon pour la poubelle, il montre combien il hait ses compatriotes qui n’ont pas la même vision que lui et a une vive répugnance pour eux. Il a osé écrire : «J’ai exécré et j’exècre tous ceux qui ont voulu catégoriser les ivoiriens.». Cette idée, à elle seule, démontre que la guerre n’est pas terminée chez Soro.
S’il est vrai, comme l’a dit l’UNESCO, que la guerre naît dans les esprits des gens, il y a lieu de surveiller Guillaume Soro comme du lait sur le feu. Et, si lui qui a pris les armes pour défigurer le pays avec ce que cela a entrainé comme pertes en vies humaines et dégâts matériels mais qui a réussi à s’asseoir sur le perchoir abhorre tant ses concitoyens, que nous réserve l’écographie du cœur de ceux qui ont été victimes et qui n’ont même pas le moindre espace pour crier leur colère et relâcher leur tension nerveuse ?
Abdoulaye Villard Sanogo (Notre Voie)