Depuis quelques semaines, nous vous offrons, en plusieurs séries, de révélations sur les dernières minutes au Palais Présidentiel à Cocody-Abidjan, au regard de témoignages et écrits de certains témoins de la crise postélectorale ivoirienne, dont Jean-Christophe Notin. Dans son livre Le crocodile et le Scorpion’’ l’auteur fait des révélations sur les ultimes heures d’intrigues meurtrières de la chute de Laurent Gbagbo.
Le Baltic est sur pied de guerre. Oh, finit en beauté alors ! Après les deux premières séries de frappes et l’exfiltration de l’ambassadeur japonais, la crise connaît un temps mort, rapporte Jean-Christophe Notin!
Le capitaine du GIGN Jacques Servat est joint au téléphone par le chef des opérations des FRCI, Wattao, qui afin d’éviter toute méprise, lui annonce l’arrivée de ses troupes dans la nuit. Par la faute d’un blindé en panne, l’assaut est repoussé jusqu’à 4 heures du matin où une percée est tentée dans la rue du Bélier. Mais la tentative fait une fois long feu, pour une raison qui échappe aux français.
Sans doute Wattao a-t-il eu peur des blindés protégeant le repaire de Gbagbo. Les combats reprennent au nord ce 8 avril à 14 heures 30. Un constat inquiète toutes les autorités : les forces de Gbagbo ont repris de la vigueur en chassant les FRCI des quartiers du Plateau et Cocody. Leurs capacités guerrières, fortement mises sur la sellette depuis la descente facile des FRCI en provenance du nord, ne sont plus en doute. «La réaction de l’ennemi nous a beaucoup surpris ; reconnaît le lieutenant-colonel Stéphane G. il a prouvé qu’il savait manœuvrer et s’adapter. C’est une véritable armée à laquelle nous faisions face».
9 avril, privé du port, de l’aéroport, acculé dans les quelques kilomètres carrés de Cocody, le régime va-t-il enfin céder ? L’exaspération l’emporte définitivement. Dans la presse française et internationale, les avocats Jean-Paul Benoît et Jean-Pierre Mignard font paraître une tribune au fort retentissement : «Aller jusqu’au bout du droit» appelant la France et l’ONU «à éliminer sans délais les armes lourdes, neutraliser les miliciens à la solde de Gbagbo qui constituent une force d’occupation illégale et remettre à la justice le candidat battu».
Dans l’après midi du 9 avril, le général Puga, chef d’Etat-major particulier de Sarkozy, se réunit avec l’amiral Guillaud, CEMA et le général Denis Mercier, chef du cabinet militaire du ministère de Défense français : «Que fait-on ?», lance-t-il. «Nous étions à un instant charnière, relate le général Mercier. Si nous échouions, il y avait un grand risque que la situation dégénère sérieusement à Abidjan…».
SARKOZY : ‘’J’ASSUME TOUT…GBAGBO N’EST PAS UN ASSASSIN’’
Tandis que le général Mercier se charge de l’expliquer à général Longuet, l’amiral Guillaud rencontre Nicolas Sarkozy qui se montre preneur de ce dernier coup de rein puisque, affirme-t-il : «Ouattara se dit prêt à y aller». Il se fait didactique en décrivant la route que le Baltic devra suivre dans Abidjan. «Le président de la république [Sarkozy] m’a demandé, relate l’amiral : ‘‘Alors malgré tout, le coup est jouable ?’’. ‘‘ J’ai répondu que je pensais que nous pouvions y aller et qu’il y avait de gros risques pour nos troupes, non pas d’un massacre, mais de pertes sérieuses».
Comme pour le raid aérien très osé du 19 mars, qui brisa net la ruée des blindés de Kadhafi vers Benghazi, Nicolas Sarkozy donne son accord en disant, assumer toutes les éventuelles conséquences. A partir de cet instant, l’Elysée, l’Etat-major des armées françaises, l’ambassade, Licorne vont marcher sur des œufs. Tout le monde sait que la solution certaine à la crise actuelle est le départ de Gbagbo. Il ne s’agirait certainement pas de l’éliminer physiquement comme Nicolas Sarkozy le répète simultanément pour Kadhafi, ‘’Il n’est pas un assassin’’. Le but serai comme le disent les militaires, de ‘‘le neutraliser’’, en clair de lui retirer tous ses pouvoirs ou plus concrètement de l’arrêter.
Mais là encore, Licorne ne peut s’en acquitter elle-même :‘‘Ce serait renier des années d’impartialité. Elle va donc conformément aux souhaits de Paris, jouer le tout pour le tout en profitant du coup de pouce donné par le plan d’Abidjan. La résidence de France est voisine de celle du président ivoirien, le général Palasset et son état-major préparent une opération d’envergure avec une ambition première, réelle, nécessaire…
En arrière plan, bien évidemment, Paris et Port-Bouët espèrent très fortement que les FRCI profiteront de l’aspiration pour vaincre leurs craintes et porter le coup de grâce à Gbagbo. La mission s’annonce périlleuse ! Tout doit se jouer dans un carrée de cinq kilomètres de côté autour de la résidence de Gbagbo. Un espace confiné pour quatre Gazelle et un Puma qui doivent veiller plus que jamais à la précision de leurs tirs.
Une nouvelle et dernière vague de frappes pour la fin d’après-midi du 10 avril
A 16 heures 45 ; les MI-24 blancs de l’ONUCI réduisent en pièces trois armes lourdes au palais présidentiel. La riposte s’avère plus faible que la première nuit : «Ils avaient compris qu’en nous tirant dessus explique le capitaine E., ils se dévoilaient. Et puis ils économisaient leurs forces. C’étaient de vrais soldats, pas des candidats au suicide».
A 17 heures 35, une Gazelle canon arrose au 20 mm le poste de la garde républicaine. A18 heures 40, deux Hots filent vers les cantonnements, suivis trois minutes plus tard, par deux autres qui détruisent le cortège de voitures planqués à l’arrière du bâtiment central. Gbagbo ne peut plus fuir par la route. A 22 heures et pour quarante minutes, la kermesse reprend avec huit Hot destinés cette fois aux alentours de la résidence, le Puma Pirate tirant au 20 mm sur les cantonnements. Une Gazelle canon prend enfin pour cible l’esplanade de la rue du Bélier…Pendant qu’elle frappe depuis les airs, Licorne peaufine son action à terre.
L’Alat reprend service à 2 heures du matin pour quarante minutes : six Hot administrés à la résidence de Gbagbo qui est également visé par le Puma Pirate et une Gazelle canon. Le ballet n’est pas sans causer une grosse frayeur à la résidence de France où, à cause du souffle des explosions, le mur mitoyen s’écroule sur une dizaine de mètres. Les tires d’un bitube qui échappe à la vue de tous, planqué dans un bosquet. Deux Gazelle y destinent un missile. Quelques secondes plus tard, le Puma approche en rase-mottes par la lagune, ce qui est d’habitude proscrit, puis, pour se mettre en position de tir, il traverse le faisceau d’un projecteur qui l’éclaire comme en plein jour. Il parvient tout de même à lâcher une cinquantaine d’obus, jusqu’à ce que son arme s’enraye. «En tout cas, relate son commandant de bord, le capitaine B, le bitube n’a plus jamais tiré…» En tout une quarantaine de Hot et 3.500 obus de 20 mm tirés soit deux tiers des minutions utilisées durant cette semaine décisive.
‘’LES PROS-GBAGBO : C’ETAIENT DE VRAIS SOLDATS’’
Le régime s’enferme. Vers 20 heures, donnant le coup de téléphone de la dernière chance, Choi s’est vu confirmer par Alcide Djédjé que les durs derrière Désiré Tagro, ont définitivement pris la main et qu’il n’y a plus rien à espérer. Nettement plus contrariant est le nouvel échec des FRCI qui, parties à 22 heures du boulevard François-Mitterrand, ont buté sur une résistance acharnée, organisée, bien équipée. «Ils étaient terrifiés après les pertes qu’ils avaient subies », décrit le lieutenant-colonel Régis A.
En fait tel un cycliste qui n’a pas mesuré son effort au pied du col, ils sont partis de trop loin, du corridor nord et se sont essoufflés sous le coup des tirs précis des mortiers et des snipers adverses. 4 heures du matin, l’ambassadeur Simon demande à Ouattara où ils en sont : « On est bloqué, réplique celui-ci. Nous ne pouvons atteindre Cocody ».
Après s’être logiquement vu refuser un appui de l’ONUCI, les FRCI finissent même par refluer en abandonnant une partie de leur matériel : «C’en est fini de l’effet d’aspiration imaginé par Licorne». Il revient donc aux Français de resserrer un peu plus que prévu le nœud autour de la résidence de Gbagbo. Le pas supplémentaire oblige Licorne à réévaluer les menaces.
Le plan d’attaque entièrement revu. L’axe nord-sud ayant démontré ses capacités de résistance, le colonel Hintzy suggère de progresser d’ouest en est, ce qui impose donc d’emprunter cette route corniche, le long de la clinique libanaise Pisam, jusque là considérée trop dangereuse. «Nous pouvions justement escompter un effet de surprise et il n’y avait pas de solution explique-t-il «J’étais persuadé que nous aurions de la casse pendant deux jours. Peu auparavant, avec l’échec de l’extraction du Britannique, on avait vu ce que cela pouvait donner quand des Ivoiriens se battent réellement».
Vers 4 heures 30, toujours au PC du Baltic, le capitaine Pierre-Erwan G. est apostrophé par le colonel, le visage fermé de retour de ses discussions avec le Comanfor : «G. prêt à déboucher ?
-Oui, comme prévu, depuis 3 heures 30.
-sois 5 heures 15 au sud des ponts ».
En fer de lance du bataillon, le sous groupement du capitaine doit désormais conquérir tous les carrefours du boulevard de France. Chacun passe le temps comme il peut. Le capitaine boit beaucoup d’eau en raison de la chaleur, son pilote grille cigarette sur cigarette.
A 8 heures 57 précises, soit près de cinq heures et demie après le premier horaire prévu, pierre-Erwan G. reçoit l’ordre de déboucher des ponts, appuyés par un Puma et une Gazelle. Les équipages du 1er RHC repoussent leurs limites puisqu’ils sont engagés depuis 17 heures la veille au prix de deux machines impactées. «Au bout de dix jours, nous étions vraiment très fatigués, témoigne le capitaine E., mais le rythme nous permettait de tenir. Et puis nous y sommes entraînés par des stages commandos». Le commandant F., «la voix d’Abidjan» était complètement épuisé.
La première intervention des hélicoptères est pour la base des commandos marine de Locodjro. Le débouché des ponts se déroule ainsi sans incident, mais un imprévu survient à l’autre bout du parc. Déployées en couverture aux palmes, la section du 16è BC et celle des Togolais de l’ONUCI sont clouées au sol par un feu nourri, le groupe du sergent S. ayant détruit à la grenade un pick-up. Le plan est encore ajusté.
En un quart d’heure sans rencontrer d’opposition, le sous-groupement atteint l’entrée du boulevard de France où tout est à craindre. Un canon antiaérien ZU-23 garde l’entrée, mais sans doute surpris par la furia frencese, il n’ouvre pas le feu. Le sous-groupement progresse ‘‘en tiroir’’ : la section Bravo 2 s’empare du dernier carrefour, appuie le peloton Alpha1, qui le dépasse et prend le deuxième avant d’appuyer à son tour Bravo 4 qui assure le contrôle du dernier. La queue de colonne des cuirassiers est à présent rejointe par la compagnie du 13èBCA.
LA GARDE DE GBAGBO SE REND
N’ayant pas reçu le baptême de terrain pour n’avoir été raccrochée à la manœuvre qu’à la dernière minute, son chef capitaine Sylvain D., repère le VBL de Robion G. Et part à sa rencontre, à pied, comme c’est de coutume chez les fantassins. Quelle n’est pas sa surprise de se voir entourer d’hommes en armes dont il réalise non ans inquiétude qu’ils appartiennent au mauvais camp ! En guise de baptême terrain, c’est en effet la charge de la compagnie d’un dur du régime ; membre de la garde rapprochée de Gbagbo, le commandant M’bra, qu’il récupère.
Derrière un drapeau blanc, entouré de cinq de ses gardes républicains, celui-ci est venu annoncer sa reddition à Robin G. «La partie est finie, a-t-il ensuite dit au téléphone au reste de son unité. Venez vous rendre ! ». Lui était arrivé par le sud, mais c’est du nord qu’une cinquantaine d’hommes sont apparus, armes dans le dos comme demandé par Robin G. qui n’a ni le personnel ni le temps pour s’en occuper puisqu’il doit se tenir prêt à éventuellement roquer vers le sud. Comme dans l’ancien temps, Sylvain D. commence par demander à M’bra son pistolet Glock.
«Nous nous rendons, n’ayez aucune crainte », lui répète l’Ivoirien à vrai dire pas très rassuré. Et d’expliquer que l’arrivée des chasseurs alpins l’a dissuadé d’ouvrir le feu sur Pierre-Erwan G. et Robin G. le rapport de force est devenu vraiment trop défavorable. Un arsenal impressionnant de quoi permettre de faire du boulevard un solide rempart de la résidence de Gbagbo est récupéré par la compagnie.
Licorne apprend justement que les FRCI, appâtés sans doute par la facilité de l’avance française, se mettent en branle et affluent du nord et de l’est, mais moins nombreux et moins bien équipés que prévu. Leur chef se présente sur le boulevard de France. C’est le Comzone Vétcho et ne fait montre d’aucun empressement à prendre le relais pour fondre vers la résidence de Gbagbo. Pourquoi, suggère-t-il au capitaine Pierre-Erwan G. de ne pas inverser les rôles ; et si plutôt, que de l’appuyer, les Français passent devant, lui se faisant fort bien sûr de les soutenir… ?
A 10 heures ! La mission première de Licorne reste de sécuriser le quartier. Sa limite physique, intangible, est l’enceinte de la résidence de Gbagbo. «Nous avons eu l’interdiction formelle de Sarkozy de pénétrer à l’intérieur non pas simplement de la villa occupée par Gbagbo, mais l’enceinte même de la résidence, explique l’amiral Edouard Guillaud ; sinon disait-t-il, on affirmera que c’est nous qui avons mis en place Ouattara». A l’extrême, que les FRCI ne suivent pas et le repaire demeurera inviolé.
La réussite repose encore et toujours sur le bon vouloir des FRCI. «Aucune coordination avec elles. La scène ressemblait plutôt à un méli-mélo avec leurs combattants qui commençaient à se mélanger aux nôtre», assure le colonel Hintzy. Un code est mis en place. Les FRCI doivent se présenter derrière…un brassard blanc ! Choix étrange puisque dans tous les théâtres au monde, il est synonyme d’absence de velléités de combat…
10 heures 30, l’offensive est déclenchée avec Detalat en appui pour détruire la dernière résistance et renseigner
La résidence de Gbagbo n’est qu’à 600 mètres au nord-est. Pierre-Erwan G. et Robin G. se voient alors confier la conclusion de dix ans de relations franco-ivoiriennes mouvementées. «C’est parce que nous étions là depuis six mois que nous avons pu juger que si nous n’ouvrions pas un passage dans la résidence, jamais les FRCI n’oseraient y pénétrer », commente le, lieutenant-colonel Régis A.
Une fois encore, si la peur continuait à paralyser les FRCI, les occupants de résidence en seraient juste quittes pour barricader l’ouverture pratiquée. Au sud-ouest, le capitaine Robin G. Fait détruire à la sagaie la grille fermant la voie privée sur laquelle il est venu buter. A l’opposée, en tête de la colonne de Pierre-Erwan G., le lieutenant H. du 12è Cuir hésite : il doit viser un portail vert, mais il y en a deux, dont un surmonté d’un drapeau français.
«Mais putain, hurle Régis A. à Pierre-Erwan, ouvrez-moi ce portail !». Ce que le capitaine retranscrit lui aussi à son tour à H. « Si le portail de la résidence est à tes midi, dit-il calmement à la radio, c’est que la résidence de Gbagbo est à tes 3 heures, donc balance moi ton putain d’obus dans le portail de cette baraque ! ».
Le coup part finalement de la rue le Bélier où, même tenue à distance par la barricade, une sagaie aux ordres du maréchal des logis R. est mieux placé dans l’axe. La chance est au rendez-vous : le char tire le premier obus qui défonce l’entrée. Normalement il aurait dû s’arrêter là, mais à peine est-il chargé qu’un second coup part, le tireur ayant sans doute gardé le doigt sur la mise à feu. Et qu’elle ne fut la surprise pour Licorne d’entendre l’explosion qui suit. Un canon antiaérien était tapis derrière la grille sous un porche, invisible donc aux Gazelle, prêt au tir tendu. Comme au far west, si celui-ci n’avait pas été mouché, c’est lui qui aurait pu occasionner bien de dégâts chez les Français.
Le sous-groupement réserve trois autres obus au mur d’enceinte de part et d’autre du portail afin d’offrir plus de passage aux FRCI. L’accès à la résidence par la rue du Bélier est également libéré grâce au MPG du génie qui a enfin été acheminé…
CE DIALOGUE ENTRE JEAN-MARC SIMON ET DESIRE TAGRO
L’ambassadeur Simon reçoit un appel d’Alcide Djédjé : «Tagro vient de m’appeler, ils sont dans une situation difficile !
-Qu’il m’appelle directement ! lui a-t-il suggéré ! ». C’est donc le ministre lui-même qu’il a dorénavant au bout du fil : «Il y avait un fort brouhaha en arrière-plan, des cris, se souvient-il. ‘‘On est enfermé ! explique l’Ivoirien. On va tous mourir ! ». Comme lui, Gbagbo et ses proches se sont refugiés au sous sol où l’air devient de plus en plus irrespirable par la faute involontaire de l’ALAT. Le quatre-vingt-neuvième et dernier Hot des opérations a en effet visé un 4X4 vide, garé devant l’entré de la résidence qui, selon les renseignements, était prévu pour permettre à Gbagbo de prendre la fuite. L’incendie s’est propagé aux véhicules voisins, invisibles depuis les airs, mais aussi au bureau de l’ancien président qui était juste en surplomb.
«Il suffit de sortir derrière un drapeau blanc et de vous rendre », annonce Simon à Tagro. Peu après le ministre le rappelle pour lui expliquer qu’il a obtempéré, mais qu’on lui a tiré dessus ! «Recommencez !», riposte l’ambassadeur. «Tout est allé très vite ! Relate-t-il. Quand j’ai appelé Ouattara pour l’informer de la démarche de Tagro, c’est lui qui m’a annoncé que Gbagbo était déjà dans son antichambre ! »….
Il ne manque plus que les FRCI qui se font désirer. Ce n’est qu’à 11 heures 30 que les chasseurs alpin les voient déferler sur le boulevard de France ; non sans un certain effarement face aux chasseurs dozos, sanglés d’amulettes et d’armes de tous genres, qui ont même réussi à effrayer l’auxiliaire sanitaire féminine de la compagnie ! «Suivez nos véhicules installés en couverture, c’est à droite de la rue du Bélier », leur indique le capitane sylvain D.
Les troupes de Vetcho n’approchent qu’avec précaution puisqu’il leur faut trente minutes pour atteindre la résidence de Gbagbo. A 12 heures 17 précises, les FRCI y font leur entrée. Un quart d’heure après le bréchage, donc. Un quart d’heure qui a duré l’éternité à Port-Bouët, au CPCO, à l’ambassade, à l’Elysée, où tout le monde se demandait si les Ivoiriens n’allaient pas trouver un prétexte pour se défiler une nouvelle fois.
‘’Gbagbo ne peut plus fuir’’
Aucun français ne les suit. Ni chasseur, ni cuirassier, ni mêmes les forces spéciales. A quoi bon les gaspiller dans des opérations de nettoyages quand il suffit de s’assurer que les chefs menant l’assaut FRCI ont bien compris ce qui est attendu d’eux ?
En ce 11 avril les FRCI ont déferlé dans la résidence. Le bréchage n’est que la conclusion, certes fracassante, de quatre mois intenses d’efforts politiques diplomatiques, économiques, financières et militaires que le projecteur braqué sur lui fait, hélas passer à la trappe. Le sort de Gbagbo s’est joué à l’ONU, à l’Union Africaine, à l’UEMOA, à la BCEAO, et bien sûr à l’Elysée comme à Bruxelles, pas sur les derniers coups de canon…
Le sous-groupement de Pierre-Erwan G., qui s’installe en sécurité autour de la résidence, décrit la radio les bruits d’affrontement qu’il perçoit par delà l’enceinte. En surplomb, l’équipage du Puma Pirate ressent le souffle des RPG-7 que les FRCI n’hésitent pas à employer pour faire sauter les portes à l’intérieur.
A 13heures passées, le capitaine Pierre-Erwan G. voit apparaître l’ancien président, cornaqué par Vétcho qui lui a promis de veiller sur lui, ordre de Ouattara. Le guerrier à la barbe drue ne lâche pas Gbagbo qui avance, le teint gris, revêtu d’un casque et d’un gilet pare-balle, logiquement terrorisé au milieu de la foule exubérante. Son épouse a moins d’égards qui se fait arracher ses rajouts capillaires, injurier, malmener, tout comme son fils aîné Michel qui reçoit de nombreux coups. Par respect des anciens, les FRCI épargnent la mère de Gbagbo qui ouvre le cortège dont plusieurs petits-enfants.
Désiré Tagro apparaît mal en point, ayant été tabassé, il succombera le lendemain à ses blessures. Cent six autres personnes son arrêtées dans la résidence. Des malheureux, sortis manu militari par les FRCI, doivent sans doute la vie au capitaine Sylvain D. qui au carrefour de la rue le Bélier les voient presque nus. Il demande à rencontrer un responsable FRCI et approche en conséquence, pas très rassuré, d’un gaillard de deux mètres, armé d’une machette :
«C’est quoi ce bazar ? lance-t-il. Arrêtez tout de suite, l’armée française ne peut pas vous laisser faire. ‘’Il s’agit de la garde rapproché de Gbagbo ! réplique le géant. Ils ne méritent pas de vivre ! ». Et de continuer à administrer des coups de pied à l’un d’eux recroquevillé à terre. Le capitane profite de l’annonce du transfert de Gbagbo vers le Golf hôtel qui fait détaler l’Ivoirien, lui laissant la responsabilité des neuf hommes.
Interdiction de Koné Zakaria d’accéder à chez Gbagbo
Le peloton alpha 10 est posté devant le portail avec une Sagaie, les sections Bravo 4 face au nord et Bravo 2 face à l’ouest. Le capitaine passe la fin de la journée en longues palabres avec les innombrables candidats au pillage qui n’hésitent pas à tenter de l’acheter. Parmi les refoulés, figure un groupe au comportement déluré, sans doute sous les effets de produits divers. Dans la cohue, l’incident pourrait passer inaperçu, sauf qu’au milieu, lui parfaitement stoïque, se trouve un ancien Comzone de Séguéla, puis un des principaux artisans du commando invisible, Koné Zacharia, est l’un des chefs de guerre.
Se voir barrer l’accès à la demeure de Gbagbo n’est vraiment pas pour lui plaire. Il insiste, mais sans s’emporter le capitaine français tient bon. Pierre-Erwan ne peut rien faire en revanche pour faire sortir ceux qui ont réussi à s’y infiltrer. Toute la nuit, le capitaine Servat du GIGN dans la résidence de France entendra les bruits des perceuses des braqueurs improvisés tentant d’ouvrir les coffres-forts de Gbagbo…/… »
Ainsi, témoigne Jean Christophe Notin, de l’ultime bataille d’Abidjan.
LE COUP D ETAT EST REUSSI .
Avec imatin.net