Rien ne vaut une bonne campagne de marketing viral. Tous les publicitaires vous le diront. Au lieu de faire bêtement l’éloge de ce que vous vendez depuis des années, le marketing viral consiste à surprendre vos clients avec un message apparemment indépendant de votre produit, à les pousser à s’interroger, et leur faire redécouvrir ce dont ils s’étaient lassés. Dans l’incapacité de vendre le moindre espoir aux Ivoiriens terrorisés par les exactions des milices FRCI à chaque coin de rue, ainsi qu’à ses partisans de la diaspora qui commencent à regretter leur collusion avec le RHDP, notamment dans la branche PDCI, Ouattara ne peut que vendre son éternel argument « c’est la faute à Gbagbo ». Avec cette grille de lecture, voici comment Ouattara pourrait bien mettre un de ses nouveaux crimes au passif du président Gbagbo.
Tout commence avec un reportage aussi surprenant qu’affligeant, diffusé sur TCI, la Télévision de la Communauté Internationale pro-Ouattara : «Abobo, la commune martyre, n’a pas fini de souffrir. Après la crise post-électorale dont elle a payé un lourd tribu, c’est maintenant une maladie mystérieuse qui sévit » C’est avec cette référence à peine voilée aux 7 mortes d’Abobo que commence ce triste reportage, qui nous présente des malades atteints d’un mal mystérieux qui a déjà fait 7 morts. Les résultats des analyses médicales ne seraient pas encore connus, nous dit-on, et les symptômes vont de l’œdème des membres inférieurs, du visage, jusqu’à la paralysie. Parmi les hypothèses évoquées, le reportage insiste sur les déchets toxiques du Probo-Koala en 2007, qu’on pourra facilement ajouter au passif du président Gbagbo. Cette hypothèse, qui n’explique pas pourquoi cette maladie n’est apparue qu’à Abobo tandis que les déchets toxiques ont touché tout Abidjan, ni pourquoi cette maladie tuerait soudainement 7 personnes quatre ans après l’affaire du Probo Koala, a le mérite de mettre le téléspectateur de TCI sur une piste avec le mot « toxique ».
Après la phase du questionnement qui devrait durer quelques jours, au cours desquels l’intérêt du téléspectateur de TCI sera sans doute relancé, et où l’hypothèse d’une toxicité sera habilement évoquée, viendra la révélation. Une incroyable révélation qui devrait donner un peu de substance au dossier vide de Ouattara à l’encontre du président Gbagbo. L’association Survie, dont on peut saluer le réveil près d’un mois après la capture du président Gbagbo, vient de publier un article éloquent sur ce dossier censé envoyer le président à la CPI:
Elle est, en effet, en grande partie fondée sur un copié-collé pur et simple du mémoire d’un juriste renommé, le professeur Alain Pellet, qui traitait alors d’une toute autre question : la possibilité pour une entité non-étatique, la Palestine, de reconnaître la compétence de la Cour. Or, appliquée à la Côte d’Ivoire cette démonstration n’a plus de sens, et pour cause !
Ainsi l’ONU découvre 68 cadavres à Yopougon, après les bombardements meurtriers qu’elle-même a effectués sur les populations civiles en violation de sa propre résolution 1975, cadavres aussitôt attribués à des « tueries commises le 12 Avril par des milices pro-Gbagbo » alors que la commune a été un véritable champ de bataille pendant des semaines. Mais cela risque de ne pas suffire pour condamner irrémédiablement Laurent Gbagbo. Il faut à Ouattara une accusation nouvelle, lourde, une de ces accusations qui a condamné Saddam Hussein : « Laurent Gbagbo a utilisé des armes chimiques contre les civils d’Abobo ! » Voilà un dénouement Ouattaresque digne du premier épisode de la mystérieuse maladie, afin de vendre sa nouvelle accusation contre Gbagbo comme Procter & Gamble vend ses nouvelles lessives.
Pour accomplir cette tâche, Ouattara s’est équipé de deux avocatsfrançafricains. D’abord Me Jean-Paul Benoît qui, entre autres domaines de compétences précisés sur son site internet, indique intervenir pour des projets d’entreprises françaises à l’étranger, notamment en « Afrique du Nord, au Moyen-Orient ou en Afrique noire ». Ensuite et surtout le médiatique Me Jean-Pierre Mignard, dont les références sont plus précises : « Jean-Pierre Mignard a conseillé plusieurs Etats (Djibouti, Cameroun, Tchad, Bénin, etc.) à l’occasion de conflits frontaliers, mais aussi de négociations de concessions pétrolières ». JP Mignard est aussi membre du Conseil national du Parti Socialiste français. Après avoir soutenu en pure perte Ségolène Royal aux dernières élections présidentielles françaises, l’ambitieux avocat, dont on disait qu’il a la fibre sociale chevillée au corps, n’a pas hésité à virer gauche caviar en soutenant Dominique Strauss Kahn, candidat potentiel aux élections présidentielles françaises, président actuel du FMI et proche de Ouattara. L’avocat « humaniste » s’était ainsi dit satisfait des frappes françaises sur la résidence du président Gbagbo, avec les conséquences que l’on sait.