Un citoyen français écrit à Sarkozy : « Inquiets, nous le sommes devenus par la suite, lorsqu’il est apparu… »
C’est conscient des enjeux dramatiques et capitaux que revêtent pour nombre de vos administrés, les récents évènements survenus en Côte d’Ivoire et l’implication de nos forces armées dans une guerre civile que notre gouvernement a, de par son action, plus favorisée que tempérée que nous prenons la plume.
Nous sommes républicains et profondément attachés aux valeurs intemporelles et universelles qui sont les fondements de notre État. Nous tenons également à préciser notre neutralité quant aux enjeux internes ivoiriens. Respectueux des souverainetés, notre propos ne porte que sur les agissements de notre gouvernement et de nos forces armées présentes en Côte d’Ivoire.
Ne pouvant accepter qu’une puissance étrangère ne s’immisce dans le déroulement de nos affaires internes, nous ne pouvons accepter le rôle joué par notre propre pays sur une terre étrangère. Nous rappellant notre histoire parfois douloureuse, nous ne pouvons accepter la nature ambigüe de notre présence militaire.
De l’instant où, le conseil constitutionnel ivoirien, autorité légitime, a proclamé les résultats de l’élection présidentielle, au dénouement de la crise politique qui s’en est suivie, les réactions et actions de notre gouvernement nous ont laissé dubitatifs, inquiets, et aujourd’hui scandalisés.
Dubitatifs, car nous nous demandons encore quel pouvait être l’intérêt de la France d’attiser les braises de ce qui ne pouvait qu’immanquablement finir en brasier?
Inquiets, nous le sommes devenus par la suite, lorsqu’il est apparu que le soutien militaire français non voilé aux milices de M. Ouattara deviendrait par le fait des choses le blanc-seing d’exactions frappant la population ivoirienne.
Ces civils innocents ayant, comme tout être humain, droit au respect des règles les plus élémentaires du droit à la vie, cela en accord avec nos préceptes moraux.
Scandalisés, nous le fûmes, à la vue des bombardements opérés par notre armée, sur le palais présidentiel d’un chef d’État, qui, quel que fut le souhait du gouvernement ou le nôtre, avait été élu conformément aux normes en vigueur dans l’ordre juridique ivoirien.
Nous ajouterons que face à cette élection, le gouvernement français n’avait ni titre ni légitimité à faire valoir ou à défendre.
Scandalisés enfin, nous l’avons été par la propagande, le terme est fort mais exact, à laquelle se sont livrés les représentants de l’État français et la majorité de nos médias, à la suite du déclenchement des actions militaires visant les forces armées ivoiriennes et frappant sans discernement la population.
Nous notons que ces actions ont été engagées dans un premier temps en toute illégalité (les premiers engagements militaires ont eu lieu en dehors de tout mandat de l’ONU), et par la suite dans une légalité contestable, puisque nos soldats ne devaient user de la force uniquement pour protéger les populations contre l’utilisation d’armes lourdes du fait de l’armée ivoirienne (fait qui à ce jour reste peu étayé).
Nous relevons également la surdité de notre gouvernement aux appels de la Russie et de la CEDEAO à la cessation de cet usage disproportionné de la force armée.
Ayant comme tout un chacun des préférences, nous n’avons pas de parti pris, seul le respect du droit et des valeurs qui sont les nôtres nous anime, partant, comment tolérer que notre pays, alors qu’il était mandaté par l’ONU pour protéger les populations civiles se soit potentiellement rendu coupable de complicité de meurtres de masse, voire d’épuration ethnique à Blolequin ou à Duékoué en étant l’allié objectif et parfois agissant, des forces de M. Ouattara, dites aujourd’hui républicaines?
Comment tolérer qu’en vertu de ce mandat onusien, la protection de ces populations qu’il était du devoir et de l’honneur de notre pays de garantir, n’ait pas été assurée?
Comment tolérer que nos forces présentes à l’hôtel du golf aient laissé le siège du gouvernement ivoirien « reconnu par la communauté internationale », se muer en lieu de torture et d’assassinats, cela au vu et au su de tous les médias et de la « communauté internationale »?
Comment pouvons-nous tolérer que pour faire plier M. Gbagbo nos forces armées aient causé par leurs bombardements la mort de civils innocents se trouvant dans l’enceinte de la résidence présidentielle?
Comment tolérer que nos représentants gouvernementaux, au mépris de leurs engagements pris devant le peuple français, aient aidé à la capture de M. Gbagbo?
Comment tolérer que nos forces armées aient permis cette indigne exhibition de M. Gbagbo et de son épouse, non seulement humiliante pour les ivoiriens qui avaient voté pour lui, mais également choquantes pour les français issus des ex-colonies qui voyant ces images d’une rare violence, ont revécu le traumatisme de la brutalité de l’interventionnisme de la France coloniale? Images tout aussi inacceptables pour tout français connaissant le sens et la symbolique des termes droits de l’homme et dignité humaine.
Comment tolérer que nos forces présentes en Côte d’Ivoire se soient alliées à des mercenaires violents, à des chefs de guerre assassins, ayant démontré toute leur « expertise » dans la maltraitance des populations dans nord de la Côte d’Ivoire, et ce depuis la partition de 2002. Comment tolérer que notre gouvernement ait armé certains de ces hommes?
Comment accepter que ces mêmes hommes aient pu se livrer à des actes de représailles contre les proches de M. Gbagbo et la population civile sans que notre gouvernement ne les dénonce, sans que notre armée ne les en empêche?
M. le Président, face à tant d’accrocs aux principes et valeurs qui sont les nôtres, et que nous supposons également être les vôtres, nous vous posons solennellement cette question: Quels peuvent être les intérêts de notre pays en Côte d’Ivoire pour qu’il faille souiller l’image de notre république, brader l’honneur de nos troupes, tromper et mentir au peuple de France pour les défendre et les garantir?
Républicains et respectueux des idéaux de notre république nous sommes.
Ayant réaffirmé cette évidence nous ne pouvons rester sans réaction face à ce qui est pour nous une atteinte grave à l’idée que nous nous faisons de notre pays.
Nous ne pouvons rester silencieux face à ce qui est pour nous une atteinte claire à l’idée que nous nous faisons de l’exercice du pouvoir.
Nous ne pouvons rester sans dénonciation face à ce qui semble pour nous une atteinte inacceptable aux principes de transparence et de sincérité de l’action gouvernementale.
Nous ne pouvons rester sans proposition face à ce qui est pour nous une atteinte intolérable à notre honneur de citoyen français. Nous ne pouvons en rester au stade du constat.
Comme beaucoup de français nous demandons et exigeons des réponses aux trop nombreuses questions qui sont nées de l’action de la France en Côte d’Ivoire.
Comme beaucoup de français, que nous espérons de plus en plus nombreux à mesure que les éléments permettant de braquer la lumière de la justice sur ces évènements apparaitront au grand jour, nous en appelons aux institutions de notre république.
Les faits gravissimes qui nous interpellent ne peuvent devenir histoire sans avoir été révélés, sans avoir été éclaircis dans toute leur vérité, conditions sine qua non de la restauration de l’image de notre pays, et de la tranquillité de vos concitoyens.
Il est de votre devoir, M. le Président, d’y concourir avec la plus grande diligence et latitude qui peuvent être les vôtres.
Nous nous adresserons également à Messieurs Bernard Accoyer et Gérard Larcher, présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, aux présidents des commissions des Affaires étrangères et de la Défense, Messieurs Poniatowsky et Tessier, aux présidents des groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat, à l’ensemble des députés et sénateurs, pour que soit mise en place sans délai une commission d’enquête parlementaire chargée de lever toutes les zones d’ombres entourant notre intervention en Côte d’Ivoire.
Nous devons savoir pourquoi et comment la force Licorne est intervenue.
Nous devons savoir avec précision quel a été son rôle dans l’avancée des « forces républicaines » vers Abidjan.
Nous devons savoir pour quels motifs elle n’a pas protégé les populations civiles dans le nord de la Côte Ivoire.
Nous devons savoir si des éléments des troupes françaises étaient à proximité de Duékoué. Nous devons savoir quel est le nombre de victimes imputables à nos troupes lors des bombardements visant à protéger les civils ivoiriens. Nous devons connaître leur statut, civil ou militaire. Nous devons savoir avec précision et sincérité quel a été le rôle de nos forces dans la capture de M. Gbagbo et de son épouse. Nous devons savoir pourquoi le gouvernement nous a menti sur ce fait précis. Nous devons savoir où étaient nos troupes lors des exactions commises par les forces républicaines à Abidjan après la capture de M. Gbagbo. Nous devons savoir pourquoi elles ne sont intervenues, ni dans les rues d’Abidjan, ni à l’hôtel du golf. Nous devons savoir pourquoi le Parlement n’a pas été consulté préalablement à tout engagement de nos armées.
Ces nombreuses questions, M. le Président, en trouvant réponse, permettront de lever tout doute quant à l’action de nos soldats en Côte d’Ivoire et de nous redonner confiance en nos institutions. Cette demande, nous l’adressons aux leaders des partis d’opposition, la rendons publique car elle intéresse tous nos concitoyens et nous l’assortissons d’une pétition de soutien. La France étant une démocratie, vous nous lirez. Si la France, notre pays, est encore le porte-étendard des idéaux humanistes et universalistes des Lumières, vous nous comprendrez. Si la France, notre pays, est encore une terre de liberté et de droit, vous accèderez à nos doléances. Si vous êtes, M. Nicolas Sarkozy, président de tous les Français, vous pèserez de tout votre poids pour que lumière soit faite et que justice soit rendue. Il ne peut et ne doit en être autrement.
Respectueusement, pour Alternatives et Cohérences, M. Ahouansou Séyivé
M Ahouansou Séyivé
By: M Ahouansou Séyivé