Mamadou Koulibaly, vice-président du FPI et président de notre Assemblée nationale, fait circuler en ce moment, sur internet et dans certains journaux, des articles que j’avais écrits il y a une quinzaine d’années. Il me reproche d’avoir soutenu une idéologie qui a amené la guerre en Côte d’Ivoire, et de me renier aujourd’hui. Tout en le remerciant de contribuer à la diffusion de mes pensées, je trouve cependant dommage qu’il n’ait pas inclus dans ces textes deux de mes écrits que je trouve assez intéressants. Le premier, intitulé « la passion et la raison », avait été publié dans Fraternité Matin du 12 août 2004, et se trouve à la page 219 de mon livre « Nègreries », qu’il cite abondamment d’ailleurs. J’écrivais ceci dans ce texte : « Pendant des années, ceux qui soutenaient M. Bédié avaient tenté de démontrer que M. Ouattara n’était pas Ivoirien, mais Burkinabé. Nous étions de ceux-là. Les personnes lucides nous expliquaient que M. Bédié n’avait pas besoin de passer par cet artifice pour battre M. Ouattara, mais c’était parler à des murs. Nous étions emportés par notre passion. » Il y en a un autre que j’ai intitulé « adresse aux militants du FPI » que j’ai publié dans Le Nouveau Réveil du 1er octobre 2007, et que j’ai repris dans mon dernier livre, « Ngo n’di ou palabres », publié par les Editions du Nouveau Réveil, à la page 49. J’y écrivais ceci : « Je sais camarade, qu’il n’est pas facile de reconnaître qu’on s’est trompé. Mais le reconnaître n’est pas se renier. Moi-même, au temps où Bédié était au pouvoir, où je croyais qu’il était la seconde chance du pays, j’écrivais pire que pendre sur le RDR, son président, et tous ceux qui se réclamaient d’eux. Je me suis senti mieux le jour où j’ai reconnu que je me trompais et que je défendais une cause indéfendable qui conduisait mon pays dans le mur. » Mamadou Koulibaly dit que j’ai soutenu l’ivoirité, que j’ai traité M. Ouattara d’étranger ? Oui, je l’ai fait. Donc quoi ? Il est quand même drôle, ce Mamadou Koulibaly. C’est lui qui écrivait le 4 août 2007, ces lignes dans Fraternité Matin : « A l’époque de l’opposition, les Refondateurs n’acceptaient pas les atteintes à l’éthique de la démocratie et de la société ouverte. Aujourd’hui, avec la Rebfondation, nous gardons un silence coupable sur les violences faites à l’éthique, quand nous n’applaudissons les hauts faits de ces nouveaux « grilleurs d’arachides ». A l’époque, nous envisagions de conduire les faussaires et autres criminels devant les tribunaux ; aujourd’hui, nous leur dressons la table et nous leur passons le menu pour qu’ils viennent faire ce à quoi nous nous sommes laissés aller : manger. » Mamadou, lorsque l’on dresse un tel bilan de l’action d’un parti, qu’est-ce qu’on y fait encore, si l’on n’est pas lâche ? Il n’y a pas très longtemps, le même Mamadou Koulibaly avait dit à un meeting à Koumassi : « A l’indépendance, Houphouët a identifié le problème. Il a proposé la double nationalité. Les députés d’ici ont refusé et Houphouët n’a rien dit. Il a laissé la situation comme cela. Ce problème nous a rattrapés aujourd’hui. Va-t-on laisser cette situation perdurer et la léguer à nos enfants ? Et dans dix ans, ils vont continuer les palabres. Est-ce que pour construire ce pays, il n’est pas bon qu’on s’asseye et qu’on dise que si Mamadou est à Béoumi, sa maison, sa femme et ses enfants sont à Béoumi, peut-être même qu’il a épousé une femme de là-bas, on ne peut pas le chasser, on ne peut pas le tuer, est-ce que ce n’est pas mieux qu’on dise que comme son nom est sur la liste et qu’il veut voter, il n’a qu’à prendre ? … C’est important d’aller aux élections, mais la coexistence pacifique entre les populations est également importante. Dans ce débat, celui-là est ivoirien et l’autre ne l’est pas, on ne s’en sortira pas…Si j’ai un conseil à donner, c’est de vous demander d’amener nos hommes politiques à résoudre ce problème au mieux des intérêts du peuple de Côte d’Ivoire. Si on veut résoudre ce problème par des tactiques politiciennes, par des jeux d’intérêt, on risque de proposer des solutions qui ne seront pas des solutions optimales. Cela va résoudre des problèmes immédiats, tout de suite, mais à la longue, ça va nous conduire à la guerre. Comme on a choisi rapidement la solution en 2000, cela nous a envoyé la guerre. » Mais, quel est donc le parti qui cherche, par des tactiques politiciennes, à exclure des milliers de personnes des listes électorales et de la nationalité ivoirienne ? Quel est le parti qui parle de désinfecter les listes électorales ? C’est le parti dont Mamadou Koulibaly est le vice-président. Et, à votre avis, qui, d’entre les Kipré, Konan ou Koulibaly risque le plus de se voir contester la nationalité ivoirienne par le parti de Mamadou Koulibaly ? C’est bien sûr Koulibaly, et surtout les Koulibaly qui, comme Mamadou, sont soupçonnés de venir d’un nord encore plus lointain que le nord de la Côte d’Ivoire. Alors, pourquoi Mamadou Koulibaly continue-t-il de militer dans un tel parti qui l’exclut, lui ? Masochisme ? Manque de courage ? Schizophrénie ? Entre celui qui dit « j’ai pris une mauvaise voie, je rebrousse chemin », et celui qui dit « je sais que je suis sur une mauvaise voie, mais j’y reste », lequel est à blâmer ? « L’erreur est humaine, mais le propre de l’homme est de savoir la reconnaître. Et persévérer dans l’erreur est diabolique », dit-on. Koulibaly sait que son parti est en train de nous conduire vers la guerre. Et c’est celui qui dénonce ce parti qu’il blâme. Pauvre Mamadou ! Moi, j’ai tiré les leçons de l’histoire récente de mon pays. Celui qui ne tire pas de leçon de son histoire se condamne à la revivre. Et le FPI de Mamadou Koulibaly est en train de nous condamner à revivre la guerre.
Mamadou, je comprends ta tragédie. Tu avais probablement espéré que le FPI changerait positivement la Côte d’Ivoire. Et tu vois qu’il fait pire que ceux qui étaient là auparavant. Tu avais sans doute espéré que ton parti réparerait les erreurs passées. Et il ne fait que les empirer. Ton parti est xénophobe, tribaliste, corrompu, violent, incompétent à résoudre les problèmes des Ivoiriens. Tu le sais, Mamadou. Tu le dis partout. Tu sais aussi que dans ton parti, tu es traité d’étranger. Et tu sais très bien que les propos que tu as tenus à Koumassi ont aggravé ton cas au sein de ton parti où tu es considéré comme un pestiféré. Tu n’es pas aimé dans ton parti. Ton parti qui distille aujourd’hui les idées les plus vénéneuses et les plus dangereuses pour la cohésion sociale. Tu n’as pas froid dans le dos lorsque tu entends ton parti parler de désinfecter les listes électorales ? Ça ne te fait pas penser au Rwanda ? Mamadou, prends ton courage à deux mains. Quitte le FPI. Ta place n’y est pas. Prends ta liberté pour être en conformité avec ta conscience. Ce n’est pas difficile. Je l’ai fait et j’en suis heureux. Je suis libre. Le PDCI qui pourchassait M. Ouattara s’est réconcilié avec lui. Bédié et Ouattara sont les meilleurs amis aujourd’hui. Et la Côte d’Ivoire s’en porte mieux. Réconcilie-toi avec toi-même et tu te sentiras mieux. Rejoins-nous. Rejoins ceux qui se battent pour que les hommes comme toi aient leur place entière dans ce pays qui est aussi le leur. Tant que tu resteras dans cette situation schizophrénique, tu te feras du mal inutilement. Tu es rejeté par ton milieu naturel, celui de ceux qui rêvent d’une Côte d’Ivoire fraternelle, et tu es rejeté par ton milieu d’emprunt, le FPI tribaliste et xénophobe. Libère-toi, Mamadou ! Libère-toi. Tu es un garçon intelligent qui peut apporter beaucoup de choses à ce pays. Mais tant que tu resteras au FPI, tu ne te retrouveras jamais, et demain, tu seras tenu comptable de la destruction de ton pays. Très amicalement.
Venance Konan