Le gouvernement Kablan Duncan et son chef jubilent d’une bonne nouvelle absolument inédite en Côte d’Ivoire, et qui vaut son pesant d’or à l’Etranger. Le ministre Bruno Koné Nabagné nous informe d’un investissement durable et de qualité, dans la Côte d’Ivoire émergente de demain soir, voire d’après-demain, en la réalisation imminente de 10 immeubles d’habitation d’un genre nouveau, la fierté de toute dictature qui se respecte, des studios ou plutôt des internats spécialisés, régis par des normes internationales, répondant aux impératifs de protection des droits de l’Homme,selon le ministre.
Alors que l’on attend impatiemment des logements sociaux qui font cruellement défaut, des hôpitaux fonctionnels et la prise en charge médicale promise pour les populations défavorisées, des entreprises qui embauchent enfin, et qui ne voient toujours pas le jour à l’horizon 2014, voici l’annonce en fanfare de 10 nouvelles prisons, construites dans les plus brefs délais. Ainsi, à la suite des émeutes à la Maca, le gouvernement veut nous enfariner avec l’annonce de deux où trois morts, une histoire « officieusement officielle » de soit disant trafic de drogue à grande échelle par un caïd surnommé le chinois, que l’on aurait voulu déplacer à cause de son influence néfaste, mais voilà l’opération aurait mal tournée…
En fait, on a voulu simplement éliminer cette opposition « fossile » au point que le porte-parole du RDR Joël N’guessan a parlé de dissoudre le parti du président Gbagbo puisqu’il n’avait plus sa raison d’être, s’inspirant probablement sans le savoir de l’histoire des Protestants de France : en 1685, après avoir décimé et forcé à l’exil des millions de Protestants, le roi Louis XIV révoque l’Edit de Nantes, signé par son grand-père Henri IV, qui garantissait à ces derniers la liberté de conscience et d’exercice de leur culte; raison invoquée : l’Edit a perdu sa raison d’être, les Protestants ayant disparu ! Et les nouvelles de ce jour donnent raison à cette thèse, puisque les parents des prisonniers sont éconduits et n’obtiennent pas de droit de visite, le parquet – chargé de délivrer les autorisations – s’étant inscrit aux abonnés absents depuis le déplorable « incident » : pas d’informations, pas de droits de visites, pas de révélation du nombre exact de victimes, celles-ci ayant été transportées discrètement à la morgue de la Maca ou comme les rumeurs l’affirment, enterrées à la hâte dans la forêt du Banco.
Le FPI, parti du président « sortant sous la protection de la Licorne et l’Onuci » doit disparaître : il faut donc suffisamment de bâtiments pour recevoir tous les réfractaires de la Côte d’Ivoire en marche, que l’on n’aura pas pu discrètement éliminer par ailleurs. Embastillés, tous ceux qui refusent de monter à bord du train du progrès. Dorénavant celui-ci ne s’arrêtera plus aux gares du multipartisme, il s’engouffre maintenant à grande vitesse dans le cul de sac de la réconciliation forcée, via un mea culpa de la victime à son bourreau, avec aux commandes, toujours le même technicien en col blanc, ancien directeur adjoint du FMI, économiste de renom, un surdoué qui orchestre depuis deux ans le malheur d’une majorité d’Ivoiriens pour le seul bonheur de quelques élus rattrapés. A l’époque glorieuse de son passage remarqué au FMI, il avait été affecté aux… ressources humaines. Mais, malgré les renforts de publicité de ses anciens collègues issus du sérail, Stanley Fisher et Christine Lagarde, il n’a laissé aucune trace de son passage, pas même un livre, pas même une thèse de doctorat que l’on pourrait consulter en bibliothèque ou sur internet, pas même l’amendement d’un amendement si petit soit-il d’une loi qui porterait la griffe de sa contribution.
Son seul disciple, c’est sa chère épouse, celle qui est de tous les colloques, de tous les galas mondains à l’étranger via les vols privés sur « Magellan Airlines », une flotte de 6 avions maintenant, mais toujours arrimée au Trésor ivoirien. Sur place, elle est de toutes les ré-inaugurations d’hôpitaux, d’écoles de filles et de piscines qui portent dorénavant son nom. Dans l’esprit de son cher époux, elle explique à merveille la micro-économie entre deux voyages à l’étranger, dans un style simple et direct. Diplômée en « chers frères et sœurs» bien ciblés géographiquement, elle sait transformer le micro crédit en macro-intérêts de retour sur inveestissement, à 12 % l’an. C’est ce qui s’appelle « veiller sur les intérêts de la Famiglia », au côté du beau-frère, l’argentier Ibrahima, dit Photocopie. A la dernière distribution de prix à Korhogo, Fanta Ghbé souriait avec son conjoint et l’ancienne institutrice en congé pour convenances personnelles, Anne Ouletto alors que toutes les lauréates du chèque-cadeau, malgré l’immensité du chèque-poster qui les cachait à moitié, ne riaient pas, ne souriaient même pas, comme si on les avait forcées à poser sur la carte postale des Ouattara en villégiature.
Alors aujourd’hui, dans la Côte d’Ivoire émergente, on nous promet 10 nouvelles prisons ! Et pourtant, il ne devrait plus y avoir de prisons, puisque les véritables bandits sont tous à l’extérieur, en toute impunité, et que les seuls pourchassés sont des opposants politiques et la jeunesse pensante, l’avenir du pays. Les hommes et les femmes qui n’ont pas de sang sur les mains, eux sont enfermés ! Et que dire des dizaines, des centaines de jeunes qui ont été arrêtés par les milices rebelles et Dozo, conduits dans des lieux d’où on ne les a pas vus revenir, simplement disparus sans laisser de trace dans la nuit et le brouillard de la Côte d’Ivoire de Ouattara et de ses droits de l’homme bien particuliers. Pourquoi envisager de construire un univers concentrationnaire, si c’est pour y mettre des opposants politiques et non des droits communs? La Maca étant surchargée, on nous affirme que ces prisons viendront simplement décongestionner les locaux abidjanais. Effectivement avec ses 5800 pensionnaires, entassés dans des locaux prévus pour 1500, cela nous donne 4300 personnes à reloger. Ô miracle, justement le plan, c’est de construire 10 prisons de 300 à 500 places chacunes…La bonté et les sourires de maman Dominique ont déteint sur le papa de la nation pré-burkinabée et lui ont mis à cœur de se soucier enfin des populations exclues du rattrapage et de leur proposer des logements sociaux décents à leur mesure !
Le cadre est posé, les photos-souvenir de la Côte d’Ivoire radieuse où les chantiers explosent sont prêtes à être expédiées ; sur la dernière en date, le contremaitre Ouattara, costumé en travailleur, vient inaugurer devant les caméras la dernière tranche des travaux de l’oléduc Abidjan-Yamoussoukro, (90% des travaux avaient déjà été honorés par son prédécesseur);sur les photos, tout le monde est au travail, étudie avec des résultats mirobolants, les malades sont reçus dans des maternités et des hopitaux flambant neufs, les personnes aux revenus modestes sont intégralement prises en charge, il n’y a plus de mendiants ni de clochards, parce que saint Hamed Bakayoko passe chaque soir dans les rues pour les inviter à sa table afin de rompre avec eux le jeûne du Ramadan, Et les touristes et investisseurs tant attendus peuvent enfin s’extasier devant cette Côte d’Ivoire de rêve enfin devenu réalité ! Même les vaches laitières ivoiriennes figureront sur les prochaines cartes postales, à l’image de la Suisse, où chocolat et lait font bon ménage. Et le gouvernement pourra bientôt nous annoncer des reccords dans la production de lait, puisque une société israélienne, -spécialiste en la matière – va s’implanter en Civ et permettre l’émergence d’une ferme modèle, grâce à laquelle toutes les écoles seront livrées en lait, et tous les petits Ivoiriens boiront à satiété !
Mais voilà, dans cette Côte d’Ivoire virtuelle, en pleine expansion démographique burkinabée – destinée à pourvoir au remplacement avantageux de l’électorat ivoirien pour l’horizon 2015 –; dan cette Côte d’Ivoire où « l’argent qui travaille » se déplace à pas de velours, dans les coulisses de marchés de gré à gré, (60 % des marchés publics ces six derniers mois), il y a vraiment du souci à se faire : atteinte par une telle « cataracte » économique, la transparence des échanges va s’opacifier jusqu’à disparaître; l’argent ne travaillera bientôt plus qu’en aveugle, sans qu’aucun Ivoirien normal n’en voie jamais plus la couleur.
Ce que le gouvernement ne nous dit pas, c’est que le business des prisons est juteux pour les étrangers ! Les états européens comme la Belgique et la France privatisent les prisons peu à peu; et ce sont des entreprises florissantes comme les géants du BTP, Bouygues, GDF-Suez, et surtout la Sodexo qui occupent ce nouveau créneau. Ne croyons pas que Ouattara cherche sincèrement à décongestionner les institutions pénitencières, qu’il se soucie du bien être des prisonniers. Non comme à son habitude, il s’intéresse seulement au « cadre de vie»relooké, version photoshop, de ses adversaires politiques emprisonnés, de la jeunesse politiquement incorrecte ou désignée comme telle, qu’il pourra décrire à l’étranger comme purgeant sa peine dans un environnement agréable, et pourquoi pas enviable.
Ce faisant, il relaie une fois encore les sirènes du profit de ses grands amis de la finance internationale; tout est prévu, la prison est livrée clefs en main, tous les édifices concentrationnaires qui sortiront de terre seront pour l’essentiel gérés par des entreprises privées. « … hormis les fonctions régaliennes (direction, surveillance, greffe), le privé s’occupe de tout. Soit : la maintenance, l’entretien, la fourniture des fluides et des énergies, la restauration, l’hôtellerie, la buanderie, la « cantine », le transport, l’accueil des familles, la formation professionnelle et le travail des détenus. », nous révèle un site français. Les quelques emplois générés par ce monstre carcéral – gardes-chiourme, tortionnaires, FRCI corrompus, racketteurs, trafiquants de stupéfiants, empoisonneurs, violeurs – resteront réservés aux amis des amis de l’Economiste.
Abidjan, Adzopé, Abengourou, Aboisso, Daloa, Grand-Bassam, Korogho, Soubré, Sassandra et Issia verront bientôt Dramane avec un casque de travaux publics, une veste jaune fluo enfilée sur son costume trois pièces poser 10 fois sa « première pierre », Dominique, tout sourire, plantera 10 fois l’équivalent sahélien de son « olivier de la paix », et voilà encore dix nouveaux chantiers qui fleuriront dans une atmosphère de délation, d’arrestations arbitraires, de disparitions inexpliquées… dix chantiers qui étoileront les discours de Ouattara à l’étranger, lorsqu’il énumèrera tous les gros-œuvres de cette Côte d’Ivoire en ébullition, mais qui ne seront ni des écoles, ni des hôpitaux, ni des usines : de la poussière, des marteaux piqueurs et du bruit, une fois encore sans aucun emploi à la clé. Et que dire des universités restaurées qui n’ont toujours pas de connexion internet, pas de toilettes, pas de bureaux pour les professeurs, pas d’amphithéâtres conséquents… sans parler de cette fameuse Maca, qui avait pourtant elle aussi connu son coup de badigeon et sa certification « haute sécurité » sans plus de valeur que poudre aux yeux.
Ces prisons, nous dit Bruno Koné Nabagné, ministre des TIC et porte-parole du gouvernement seront dès leur construction «aux normes de sécurité et répondront aux impératifs de protection des droits de l’Homme.(…) elles seront, en ce qui concerne le traitement des prisonniers, internationalement admises».Comment évoquer les droits de l’homme quand on emprisonne arbitrairement des personnes qui ne sont pas jugées, ou si elles le sont, sont accusées de fomenter des coups d’état ? Pourquoi construire des prisons pour des opposants, dont le seul délit est d’être politiquement opposés, dans une « démocratie » de façade sensée garantir le droit à la différence ? Comment prendre au sérieux un gouvernement si prompt à favoriser des mœurs à l’occidentale réputées « évoluées » – quoique toujours synonymes de décadence, de dégénérescence et de mort des civilisations–, et qui refuse l’ éducation, les écoles et les hôpitaux à un pays que l’on veut émergent ?
Le ministre Lazare Koffi Koffi rappelle, dans un extrait de son livre à paraître, la recommandation de Victor Hugo aux dirigeants de son époque « ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons ! ». Ouattara, depuis le début s’obstine à faire le contraire. Et ce n’est pas une négligence, une erreur involontaire de sa part d’avoir nommé une ministre de l’éducation nationale totalement incompétente : elle fait certainement beaucoup plus d’efforts que l’on ne le croit pour être à la hauteur de sa tâche,sans jamais y arriver, elle, la sportive étrangère que rien ne prédisposait à un travail intellectuel, dans une langue qu’elle ne maîtrise pas; il ne s’agit pas de se moquer d’elle, mais de souligner à quel point il était inconcevable de confier de telles responsabilités à une personne qui n’était pas taillée pour le poste. Ouattara a volontairement sacrifié cette Guinéenne, certainement plus à l’aise dans la langue de Shakespeare que celle de Victor Hugo, l’exposant à la vindicte des étudiants, des élèves et de leurs parents. Grâce au fusible Kandia Kamara, l’Economiste en chef peut manipuler à loisir les foules analphabètes et dozotiques qui ont phagocyté l’armée, les douanes et les ministères; Aujourd’hui, les écoles sont vétustes, chères, de bas niveau. Une grève récente a montré des enseignants manifestant parce que leurs salaires sont toujours impayés depuis 3 ans!
Près de trois ans après la clôture de la campagne présidentielle, rien n’a changé : les chantiers restent des chantiers, les routes sont devenues des pistes d’accès aux chantiers, aux nids de poule indescriptibles, causant accidents et pannes de voiture; tout le pays s’est transformé en un immense chantier, sans que les travaux n’avancent pour offrir des emplois, des formations, des études. Les universités promises restent “dues”, les examens du BEPC sont bradés, ramenés à un niveau si bas que les dozos analphabètes peuvent y réussir afin de recevoir les emplois réservés aux titulaires du brevet; ces mêmes concours restent bien entendu inaccessibles à ceux dont l’avenir devra s’écrire entre les quatre murs de ces nouvelles prisons sur le point de sortir de terre, de toute urgence, pour que d’ici les échéances électorales de 2015, il ne reste, de tout ce beau monde contestataire, personne qui n’ait été maté comme il se doit.
L’Ivoirien nouveau est arrivé, et continue d’affluer. Après l’ouest, c’est le pays baoulé qui le voit débarquer par cars entiers, se déversant comme un fleuve à la recherche de terres et d’espaces, bientôt muni de papiers en règle, candidat homologué à l’attribution de terres dont les propriétaires légitimes, s’ils ne sont pas déjà en exil, finiront extradés, s’ils ne sont pas décédés auparavant.
Communauté internationale, affiche ton joyeux sourire aux côtés du couple Ouattara, toi qui lui offres, avec tes prisons « aux normes », de prolonger à ton profit le jeu dangereux de la spoliation à l’échelle continentale; affiche ton sourire, à l’heure où ton roi-nègre et sa blanche colombe t’aident à brader la Côte d’Ivoire à une main d’œuvre étrangère servile chargée de remplacer les autochtones dans les mois et les années à venir, avant d’être à son tour éliminée au profit des nouveaux arrivants serviles d’après-demain…
Souriez de toute vos dents, vous, les grands et petits maîtres d’un jour : Hitler, lui aussi pensait qu’avec ses camps de vacances placés sous le signe de son « Arbeit macht frei » (le travail rend libre) il inaugurait un reich de 1000 ans…
Shlomit abel, 31 juillet 2013