Crise ivoirienne qui demande pardon à qui ?
Au cours de sa visite d’Etat dans le Nord de la Côte d’Ivoire, le chef de l’Etat a tenu des propos qui ont créé l’émoi au sein des populations. Quelques morceaux choisis :
1) « (…) Bien sûr, SORO a estimé à un moment donné que nous les anciens étions engagés dans une voie qui, peut – être, allait prendre trop de temps pour faire aboutir notre combat. Il a fait preuve de courage, il a fait preuve de sacrifice (…) »
2) « (…) SORO a fait preuve de courage, de sacrifice et il s’est battu pour que les populations du Nord puissent recouvrer leur dignité par la nationalité ivoirienne (…) »
3) « ….au milieu de mes parents, je voudrais, une fois de plus, lancer un appel et inviter nos frères du FPI à entrer dans le processus de Paix… »
4) « ….il faut que le FPI…….ait la force de demander pardon aux victimes et aux parents des victimes… »
Extraits du discours du 08/07/2013 à Korhogo.
Depuis 1990, la côte d’ivoire est confrontée à des crises politiques multiples et multiformes dont la dernière en date est caractérisée par la rébellion armée revendiquée par SORO Guillaume et appuyée par les forces coalisées (France, ONU, CEDAO) a abouti au renversement du Président Laurent GBAGBO le 11 avril 2011. Alors que les ivoiriens s’attendaient à la recherche de solutions consensuelles et durables pour un règlement définitif de cette grave crise, le chef de l’Etat « garant de l’unité nationale » pointe un doigt accusateur sur une partie des ivoiriens en l’occurrence le FPI qui doit demander pardon selon lui en même temps qu’il livre au monde entier sa recette pour l’accession au pouvoir d’Etat. Face à cette conception pour le moins troublante de la lutte politique et de la réconciliation, le CNRD s’interroge sur la volonté réelle du Président OUATTARA à conduire les ivoiriens vers la démocratie et la réconciliation ?
En effet, avant ce discours de Korhogo, M. Alassane Ouattara avait toujours nié son implication directe dans la rébellion qui endeuille notre pays depuis le 19 Septembre 2002. Il vient d’avouer publiquement son accointance avec la rébellion :
1) Pour la première fois, M. Alassane Ouattara lui-même confirme les affirmations de Koné Zakaria à Kani : « nous avons pris les armes pour que Alassane soit président » ;
2) Alors qu’il donne à croire à ses soutiens internationaux qu’il est un démocrate patenté, M. Alassane Ouattara, en rendant un vibrant hommage à Sorø Guillaume et sa rébellion, démontre clairement sa préférence pour la prise du pouvoir d’Etat par la force et son opposition à la lutte politique pacifique.
3) M. Alassane Ouattara, le chef de l’Etat, garant de l’unité nationale, en justifiant une lutte armée à caractère tribal, ethnique et régional dont la finalité était de permettre « aux populations du Nord de recouvrer leur dignité par la nationalité ivoirienne », porte un coup fatal à la cohésion nationale. Pire, sur cette base ethnique et régionale, M. Alassane Ouattara demande, avant l’heure et en violation, une fois de plus, de la Constitution, le suffrage à 100% de ses « parents du Nord » pour l’élection présidentielle de 2015 ;
A l’évidence, ces propos de M. Alassane Ouattara dans le Nord de la Côte d’Ivoire, loin de favoriser le dialogue et la cohésion nationale, sont aux antipodes de ceux qui auraient pu appeler les Ivoiriens (toutes tendances confondues) à s’inscrire dans le sens d’une réconciliation vraie et sincère.
A ce sujet, M. Ouattara aurait tout à gagner en s’inspirant de la gestion humaniste de la vie politique de Laurent GBAGBO.
En effet, c’est bien le président Laurent GBAGBO et son parti, le Front Populaire Ivoirien qui, fidèles à leur crédo « asseyons-nous et discutons » ont :
– Organisé en 2001, le Forum de la réconciliation nationale pour permettre à messieurs Alassane OUATTARA et Henri Konan BEDIE de mettre fin à leur exil volontaire ;
– Proposé en 2002, le dialogue à la rébellion armée d’Alassane OUATTARA et de SORO Guillaume, comme moyen de sortie de la crise ivoirienne ;
– Fait voter en 2004 par le parlement, une loi d’amnistie pour permettre aux rebelles de rentrer dans la République ;
– Actionné en 2005 l’article 48 de la Constitution Ivoirienne pour permettre à messieurs Alassane Ouattara et Henri Konan BEDIE d’être candidats à titre exceptionnel à l’élection présidentielle de sortie de crise ;
– Permit en 2007, la Signature de l’Accord Politique de Ouagadougou à l’initiative du Président Laurent GBAGBO ;
– Proposé en Décembre2010 le recomptage des voix ;
– Sollicité en Septembre 2011 le dialogue direct avec le pouvoir issu du coup d’Etat du 11 Avril 2011 pour la normalisation de la situation sociopolitique.
Ce qui n’est pas le cas pour monsieur Alassane Ouattara et son parti, le RDR, qui depuis leur avènement sur la scène politique ivoirienne sont dans une posture de violence, de haine religieuse, de guerre, de division et de falsification des faits et d’irrespect des lois. Pour l’affirmer, le CNRD tout comme le FPI s’appuie sur les faits suivants :
– En 1999, à Paris, M. Alassane Ouattara déclare : « On ne veut pas que je sois candidat parce que je suis musulman et du Nord. »
– En 1999, parlant du régime Bédié : « …je frapperai ce pouvoir moribond en temps opportun et il tombera… » ;
– En 2002, à Bouaké, M. Alassane Ouattara dit : « …il n’y aura plus d’élection sans moi. S’ils veulent qu’on mélange le pays, on va le mélanger» ;
– Le 18 Septembre 2002, la branche armée du RDR tente un coup d’Etat qui se mue en rébellion armée dirigée par SORO Guillaume, candidat aux élections législatives de 2000 à Port-Bouët pour le compte du RDR . Cette rébellion a causé :
– L’assassinat du Ministre d’Etat BOGA Doudou, dans la nuit 18 au 19, des officiers supérieurs de l’armée ivoirienne non armés , notamment : DALLY Oblé, DAGROU Loula, YODE Gnonleba ,ZOUZOUA Bi…, le massacre de 57 gendarmes non armés et de leurs familles à Bouaké , Le massacre des danseuses « d’ADJANOU » de Sakassou, les tueries par étouffement dans des conteneurs à Korhogo ,le massacre de civils à Guitrozon et Petit Duekoué , les viols collectifs des femmes ,les femmes éventrées et les tueries de civils dans la plupart des villes tenues par la rébellion ;
– En Décembre 2010 : Monsieur Alassane OUATTARA s’autoproclame président de la République et auto organise par écrit sa prestation de serment.
– En 2011 : le massacre de plus d’un millier de Wê à DUEKOUE, les 29 et 30 Mars ; le massacre des populations de Lakota, d’Anonkoi-kouté, de Sago….
– Le Lundi 11 Avril 2011, les forces armées internationales coalisées que sont l’armée française de Nicolas SARKOZY, l’ONUCI, appuyées par les mercenaires de la sous région et les rebelles de monsieur Alassane Ouattara et de SORO Guillaume renversent par coup d’Etat le régime du président Laurent GBAGBO, démocratiquement réélu et investi par le Conseil Constitutionnel, le Samedi 4 Décembre 2010.
– Le 11 Avril 2011 : assassinat du ministre Désiré TAGRO , massacres et arrestations des Pro GBAGBO. Depuis cette date, Les massacres, les arrestations, la confiscation des biens privés, la persécution, l’exil forcé des Pro GBAGBO continuent .
– En 2012 : le massacre des déplacés du camp de réfugiés de Nahibly, le 20 Juillet
Au regard de tous ces faits et en mémoire de toutes ces victimes innocentes de la barbarie humaine et qui sont de tous les horizons dont la plupart appelle au secours et interpelle notre conscience, le CNRD s’interroge : qui demande pardon à qui ?
Face à cette volonté d’humiliation et de diabolisation de l’opposition par le Président OUATTARA, le CNRD invite tous les partis politiques, tous les mouvements politiques et les organisations membres à plus de vigilance et à un engagement fort pour la résistance démocratique.
Le CNRD souhaite que M. Ouattara soit gagné par la sagesse en se mettant au dessus de la mêlée. Son rôle aujourd’hui est de créer les conditions d’une réconciliation vraie telle que prônée par ses soutiens extérieurs en libérant tous les prisonniers politiques et en favorisant le retour apaisé de tous les exilés afin d’instaurer une discussion vraie entre les protagonistes dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi le CNRD soutient le FPI dans sa quête du dialogue direct qui doit être sincère et emprunt d’humilité pour aboutir à la normalisation de la vie sociopolitique et à une réconciliation durable.
Pour le CNRD
Président
Bernard BINLIN-DADIE