Quand la question de l’orientation sexuelle plombe les débats à la conférence sur la population – Bien que n’étant pas inscrite comme principale préoccupation de la conférence africaine sur la population et le développement, la question de l’orientation sexuelle s’est invitée à la conférence ministérielle et plombe les débats depuis jeudi soir à Addis-Abeba.
Susurré dans les coulisses de la pré-conférence, le sujet n’a pas clairement fait l’objet de débat au niveau de la conférence des jeunes et de la concertation de la Société civile. Néanmoins, c’est la déclaration des jeunes lue à la conférence ministérielle qui a lancé le débat.
Au point 3 de leur déclaration, les jeunes Africains invitent les gouvernements à ‘mettre à l’échelle l’accès complet des jeunes à l’information sanitaire et aux services de l’information, y compris ceux marginalisés et à risque, comme les jeunes handicapés, les jeunes en milieu rural et ceux urbains-pauvres à travers une approche basée sur les droits quels que soit le sexe, l’âge, le statut de séroprévalence et l’orientation sexuelle’.
Outre cette déclaration, le groupe de travail de haut niveau pour la conférence dirigé par l’ancien président mozambicain, Joachim Chissano, a évoqué la question de l’orientation sexuelle dans l’une de ses recommandations.
Ainsi, le directeur exécutif de l’UNFPA, Dr Babatundé Oshotiminhin, a expliqué que ne sera pris en compte que ce qui figure dans la déclaration finale approuvée par tous.
Cette intervention de l’UNFPA n’a pas réussi à calmer les ardeurs des pro-et anti liberté d’orientation sexuelle, jusqu’à la suspension des travaux jeudi.
La vice-présidente de la Gambie, les représentantes du Gabon et du Tchad qui, jeudi soir déjà s’étaient fait les farouches défenseurs de la suppression de la partie concernant l’orientation sexuelle du document final, ont été rejoints ce vendredi par plusieurs pays à la lecture du paragraphe 17 du projet de déclaration d’Addis-Abeba.
Ce projet de déclaration fait prendre aux ministres africains l’engagement d’’adopter et protéger les droits fondamentaux de tous les individus, sans distinction d’aucune sorte et garantir l’égalité devant la loi et la non discrimination pour toutes les personnes’.
Apparemment anodin, ce paragraphe inscrit dans la partie concernant le droit à la santé sexuelle, a tôt fait de raviver la méfiance de tous ceux qui, la veille, déjà, soupçonnaient des manœuvres pour faire adopter une déclaration donnant libre cours à la légalisation de l’homosexualité.
Pour Aminata Sow, ambassadrice et militante des droits de la femme du Mali, ‘c’est une façon détournée de nous faire accepter la question de l’orientation sexuelle que nous avons déjà rejetée hier’.
Pour la ministre gabonaise de la Famille, Mme Honorine Tsamé Nzeitbete Ghe, ‘le Gabon adhère à la Santé de la reproduction. Ce que le Gabon refuse, c’est de violer ce qui est dans les textes. Dans le discours de la CIPD, il est fait mention de l’orientation sexuelle, derrière cette expression, il y a l’homosexualité’. Le Gabon relève que dans son code civil, le mariage ne peut se faire qu’entre un homme et une femme. ‘Ceux qui ont accepté l’homosexualité doivent aller jusqu’au bout de leur choix. Pour nous, je n’ai pas eu mandat de mon pays que l’homosexualité est une priorité; ça contredit et le code civil et la Constitution’, a-t-elle insisté.
Pour la République démocratique du Congo, ‘la liberté d’orientation sexuelle est un thème tellement ouvert que si nous le maintenons, il peut détruire le peu qu’il nous reste de valeurs intrinsèques. Nous ne prônons pas la violence contre ces personnes, mais nous suggérons qu’on les laisse vivre leur liberté telle qu’ils entendent la vivre, mais qu’on retire du texte le thème orientation sexuelle’.
Le représentant du Congo a pour sa part déclaré que ‘l’Afrique gagnerait plus en privilégiant les priorités soulignées par les jeunes dans les documents que de leur imposer l’homosexualité’.
La délégation du Tchad qui, la veille déjà, s’était démarquée de la position soutenue par certains pays de ce que l’orientation sexuelle est un droit et que chaque pays prendra ses responsabilités à l’interne, a menacé de claquer la porte si une telle résolution venait d’une manière ou d’une autre à être insérée dans la déclaration.
Le Liberia prône pour sa part le maintien du paragraphe parce qu’il s’agit de protection de droit humain tel qu’énoncé dans tous les textes internationaux.
Pour le Congo, ‘il faut gagner du temps en extirpant des textes tous les éléments de malentendus et qui posent des problèmes d’interprétation’.
L’Egypte également opte pour la suppression du thème de l’orientation sexuelle ‘parce que chaque culture a des valeurs qu’il faut absolument respecter’.
Le Ghana est pour l’adoption du texte en l’état en mettant l’accent sur les réserves afin que les Etats fassent l’application conformément aux textes nationaux.
L’Afrique du Sud trouve le texte très équilibré et dénonce les interprétations malicieuses.
Pour le Bénin, ‘il faut débarrasser le document de tout ce qui divise surtout que retirer cette partie n’enlève rien à la substance du document’, a martelé le chef de la délégation qui en appelle à la sagesse et à la clairvoyance de tous pour que ce paragraphe soit supprimé.
Le Niger déclare le paragraphe incriminé en flagrante contradiction avec ses réalités socio- culturelles. La Tanzanie suggère qu’on garde le paragraphe et que chaque Etat le lise sous la coupe de sa législation. Ce que rejette le Togo, arguant que sans consensus, il faut carrément éviter de le mettre dans la déclaration.
Même dans les coulisses de la rencontre, la tension est vive entre pro et anti ‘orientation sexuelle’, chaque partie soupçonnant l’autre de vouloir lui faire changer de position.
Pour Mlle Fatimata Bah, la jeune Mauritanienne qui a lu la déclaration des jeunes, ‘la déclaration n’est pas de moi, mais des jeunes Africains. En ce qui me concerne, j’émets des réserves sur les sujets concernant la décriminalisation de l’avortement et l’orientation sexuelle’.
Par Thérèse Isséki, envoyée spéciale à Addis-Abeba
Pana 05/10/2013