Bruno Lemaire, Le ministre français de l’économie et des finances s’est entretenu, le lundi dernier, à Abidjan, avec Alassane Ouattara.
Selon les informations de la présidence ivoirienne, Bruno Lemaire a fait une importante déclaration concernant deux des grands projets d’Abidjan qui sont en l’occurrence le train urbain d’Abidjan, surnommé abusivement le Metro d’Abidjan et l’extension de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan.
« M. LE MAIRE a indiqué être en Côte d’Ivoire dans le cadre de la réalisation des grands projets d’infrastructures lancés à Abidjan, notamment le Métro et le chantier d’extension de l’Aéroport international Félix HOUPHOUËT-BOIGNY de Port-Bouet. S’agissant du Métro d’Abidjan, il a fait remarquer qu’il est l’un des plus gros projets du continent auquel la France attache un intérêt tout particulier, d’autant que c’est un projet social et ambitieux, qui va bénéficier à des millions d’Abidjanais et améliorer leur vie au quotidien. Mais au-delà, c’est un projet qui marque le lien fraternel entre la Côte d’Ivoire et la France, et dans lequel les autorités ivoiriennes se sont beaucoup investies en y apportant leurs énergies, compétences et leur détermination, tout comme la partie française.
Concernant le projet d’extension de l’aéroport FHB d’Abidjan, le Ministre français, de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique, y voit un symbole, non pas seulement du lien fraternel entre la France et la Côte d’Ivoire, mais également le symbole du succès de la politique du Président Alassane OUATTARA.
Le Ministre Bruno LE MAIRE a souligné que la Côte d’Ivoire a renoué, depuis une dizaine d’années, avec la croissance, la création d’emplois, d’infrastructures nouvelles, la mise en oeuvre d’un vrai dynamisme des entreprises, notamment des PME. Toutes choses qui présentent un nouveau visage de notre pays. »
Commençons par le dernier point : Comment et en quoi l’extension de l’aéroport FHB peut-il un symbole du lien fraternel entre la France et la Côte d’Ivoire ?
Avant de répondre à cette question, il faut d’ores et déjà dénoncer l’énoncé propagandiste selon lequel la France et la Côte d’Ivoire auraient des liens fraternels. La France étant un pays de l’Union Européenne et la Côte d’Ivoire, un pays de l’Union africaine, ce n’est que pure démagogie que de voir des liens de fraternité entre ces deux pays.
Maintenant revenons à la question elle-même : qu’est-ce qui permet à Bruno Lemaire de déclarer que la construction d’infrastructures de développement en Côte d’Ivoire est un symbole de fraternité entre un pays africain et un pays africain.
La réponse la plus évidente est l’attribution des marchés à la France sans véritable appel d’offres. La France ne considérant sa fraternité avec l’Afrique qu’en termes de profits immédiats et à longs termes, pour l’hexagone, il va sans dire que l’attribution de la construction de l’extension de l’aéroport FHB à des entreprises françaises ne peut que sacrifier aux coutumes établies depuis les années obscures de la colonisation.
Le symbole de la fraternité entre l’Afrique et la France, c’est que tout œuvre économiquement stable en Afrique francophone doit profiter à la France d’abord avant les économies locales.
C’est le symbole imposé à tout leader de la zone CFA ; celui qui agit selon cette tradition est déclaré bon et tout leader qui se donne la peine de chercher d’autres marchés moins coûteux mais de meilleure qualité que ce que propose la France est à abattre. L’exemple de la centrale énergique du Mali nous en dit long.
C’est donc en ces termes qu’il faut comprendre le concept du « symbole » utilisé par le ministre français. C’est le symbole du pré-carré, de la chasse gardée de la France.
Maintenant jetons un regard sur cet autre point de la déclaration de Bruno Lemaire : « Le Ministre Bruno LE MAIRE a souligné que la Côte d’Ivoire a renoué, depuis une dizaine d’années, avec la croissance, la création d’emplois, d’infrastructures nouvelles, la mise en oeuvre d’un vrai dynamisme des entreprises, notamment des PME ».
Depuis une dizaine d’années dit-il. Faisons donc le calcul rapide. Une dizaine d’années, cela donne 2012, puisque nous sommes en 2022. Nous comprenons que l’allusion est directement faite à l’arrivée de Ouattara au pouvoir en 2011, sous des bombes françaises qui ont délogé Laurent Gbagbo du pays présidentiel.
Si nous recadrons les propos du ministre français, c’est que pour lui depuis que Gbagbo a été écarté du pouvoir et Ouattara installé, l’économie ivoirienne se porte mieux. Est-ce vrai ?
Regardons aux faits et aux rapports des grandes organisations financières :
Selon la Banque Mondiale, « Avec une croissance du PIB réel de 8,2 % en moyenne sur la période 2012-19, la Côte d’Ivoire a réussi à contenir la pandémie de COVID-19 pour garder le rythme de croissance positive en 2020 (2%).
En 2021, l’économie ivoirienne s’est progressivement redressée en dépit des chocs de la pandémie mondiale de Covid-19. La Côte d’Ivoire a réussi à dégager un taux de croissance de 7 % en 2021, bien au-dessus de celui de 6,2% en 2019. En revanche, le taux d’inflation a atteint en moyenne 4,2 %, son niveau le plus élevé depuis 10 ans, contre 0,8 % en 2019 et 2,4 % en 2020, principalement dû à la hausse des prix des denrées alimentaires. » Source : https://donnees.banquemondiale.org/pays/cote-divoire?view=chart
Ces données sont nettement meilleures que celles sous Gbagbo. Selon la Banque Africaine de Développement (BAD) dans son rapport de 2009 « sur la période 2003-2009. Le taux annuel moyen de croissance économique a été de 0,4% entre 2000 et 2007, bien en dessous des taux enregistrés (4%) dans les autres pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).
En 2008, la croissance est estimée à 2,3%, du fait de la normalisation progressive de la situation sociopolitique et la reprise soutenue dans les secteurs de l’agroalimentaire, du Bâtiments et travaux publics (BTP), des télécommunications et de l’énergie.
Les raisons de cette faible croissance selon la même institution sont à voir à travers la situation de guerre, « La crise sociopolitique a effrité les fondements de l’Etat. La Côte d’Ivoire est confrontée, depuis 1999, à une crise, qui a fragilisé la situation politique et socioéconomique du pays. Les événements majeurs, qui ont entrainé une telle situation, sont le coup d’Etat de 1999, les élections contestées1 de 2000 et le conflit armé interne de 2002, qui a conduit à une partition du pays avec le Centre, Nord et Ouest (CNO) sous contrôle des Forces Nouvelles (ex-rébellion) et le Sud et l’Est sous contrôle du Gouvernement. » Source : https://www.afdb.org/sites/default/files/documents/projects-and-operations/cote_divoire_note_de_strategie_globale_pays_2009-2010.pdf
Ainsi, si nous suivons le rapport de la BAD, il n’est pas surprenant que la Côte d’Ivoire enregistre de meilleures performances depuis 2011, vu qu’il n’y a plus de guerre menée contre les gouvernants. D’où la question suivante : Qu’est-ce qui fait qu’il n’y a plus de guerre depuis que Ouattara est au pouvoir ? Était-ce lui la source des différentes déstabilisations ?
L’ex-président Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, ex-président de l’Assemblée nationale et ex-partenaire d’Alassane Ouattara pensent c’est évidemment que Ouattara est celui-là qui empêchait le pays de prospérer, orchestrant plusieurs coups et tentatives de coups d’état. Le professeur Franklin Nyamsi l’a répété à plusieurs reprises dans ses analyses politiques.
Tant que le « symbole » dont parle monsieur Lemaire n’était pas assuré et garantit de perpétuation, l’économie et le développement de la Côte d’Ivoire étaient en péril. L’armée française basée à Abidjan ne se contente donc pas d’être une force diplomatique mais plutôt un bras véritablement armé de la France pour faire la pluie et le beau temps sur les bords de la lagune Ebrié.