BAMAKO (Reuters) – Une délégation des Nations unies, de l’Union africaine et de la Cedeao a effectué vendredi une visite éclair à Bamako pour demander aux militaires putschistes de quitter le pouvoir, a annoncé Saïd Djinnit, représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest du secrétaire général de l’Onu.
Des officiers subalternes conduits par le capitaine Amadou Sanogo ont renversé mercredi le président Amadou Toumani Touré, alias ATT, en l’accusant de laxisme à l’égard de la rébellion touareg dans le Nord.
« Nous les avons prévenu que cela ne marcherait pas et que le retour à un ordre constitutionnel ne souffre d’aucune condition », a indiqué samedi par téléphone l’émissaire de l’Onu.
Selon ce dernier, les chefs de la junte militaire ne disposent de calendrier pour restituer le pouvoir aux civils. « Le temps ne joue pas pour eux. Plus ils resteront (au pouvoir), plus cela sera compliqué. C’est le message », a-t-il ajouté.
Tôt samedi, le capitaine Amadou Sanogo a fait une brève apparition à la télévision nationale pour réfuter les rumeurs circulant à Bamako sur sa mort et l’imminence d’un contre-coup d’Etat.
« Bonsoir, peuple malien, bonsoir compagnons d’armes, bonsoir citoyens. Je suis le capitaine Amadou Sanogo et je suis en bonne santé, tout va bien », a-t-il dit en tout début de journée avant de laisser la parole à un porte-parole. Ce dernier a assuré que l’ensemble de l’armée soutenait les auteurs -des officiers subalternes- du coup d’Etat.
On ignore si la déclaration du président du nouveau CNRDR (Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat) avait été enregistrée.
Les chefs du putsch s’efforcent de tirer parti du mécontentement de la population de cet Etat enclavé du Sahel face à la manière jugée irrésolue dont le chef de l’Etat faisait preuve pour mater la rébellion en cours des rebelles touareg du MNLA.
Mais ils semblent de plus en plus isolés sur la scène politique avec la condamnation de leur action par une coalition de partis qui réclament la tenue au plus tôt de l’élection présidentielle prévue initialement en avril.
Ce scrutin devait être l’occasion pour le chef de l’Etat, un ancien colonel parachutiste surnommé « le soldat de la démocratie » en raison de ses convictions, de céder son fauteuil.
SOMMET DE LA CEDEAO MARDI À ABIDJAN
Dans un communiqué, dix formations politiques, dont l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), principal parti du pays, ont condamné le coup d’Etat et réclamé la tenue d’élections. « Les signataires (…) condamnent cette prise de pouvoir par la force qui constitue un revers majeur pour notre démocratie », écrivent-elles.
Les pays voisins du Mali, les Nations unies, la France, l’ex-puissance coloniale, les Etats-Unis et l’Union européenne ont tous condamné le coup de force des militaire et réclament un retour au plus tôt à l’ordre constitutionnel.
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui regroupe les 14 partenaires du Mali au sein de la sous-région, a fait savoir qu’elle ne reconnaîtrait pas le nouveau régime.
Un sommet de la Cedeao est prévu mardi à Abidjan pour discuter de la crise malienne. D’après Saïd Djinnit, elle emboîtera très vraisemblablement le pas à l’UA et suspendra le Mali.
Samedi, le calme est revenu dans la capitale où la population était visible dans les rues. La plupart des commerces sont en revanche restés fermés. La présence de l’armée s’est relâchée même si les rues menant à la télévision nationale restaient bouclées.
Les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad, qui regroupent d’ex-mercenaires au service de Mouammar Kadhafi et qui sont rentrés de Libye armés jusqu’aux dents, ont repris les armes contre le pouvoir central dans le nord du Mali à la mi-janvier.
Cherchant à profiter de la confusion régnant à Bamako, ils ont poussé leur avantage vers le Sud pour occuper des positions abandonnées par l’armée.
Vendredi soir, le gouverneur de la région de Kidal, dans le nord-ouest du pays, a annoncé que les forces gouvernementales s’étaient repliées après avoir appris le putsch de Bamako.
« Nous sommes actuellement encerclés (dans la ville de Kidal) par des rebelles du MNLA. La situation qui prévaut à Bamako a beaucoup contribué à l’affaiblissement de l’engagement des troupes déployées sur le front », a dit à Reuters par téléphone le colonel Salifou Koné.