Le traitement d’une telle question ne saurait échapper à une analyse comparative de la situation ivoirienne à celle d’autres nations qui ont-elles aussi subi les affres de la guerre. C’est une vérité absolue que d’affirmer que, des lors qu’une nation s’engage dans la voie de la guerre, la période post crise devient la plus cruciale. Cette période étant la résultante de la guerre, il convient toujours d’analyser tous les enjeux qu’elle implique notamment au plan politique. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, toute analyse susceptible d’être faite se veut tributaire de la souveraineté nationale. Le véritable enjeu post crise est donc celui de l’indépendance vraie de notre pays et partant de toute l’Afrique. A l’instar de la plupart des pays africains, la question que l’on est droit de se poser au delà de la crise militaro-politique qu’a connue notre pays, est celle de sa souveraineté. Cela est d’autant plus vrai que le coup d’Etat du 19 septembre 2002 qui s’est mué en rébellion armée, n’avait d’autre objectif que de changer la nature du régime politique ivoirien, jugé peu conciliant, sinon pas du tout, à l’égard de l’ex-puissance coloniale qu’est la France. Et cela au profit d’un pouvoir plus docile et servile à souhait. Il s’agit dans le cas d’espèce, d’une lutte pour le contrôle de la Côte d’Ivoire : soit par les ivoiriens et dans ce cas l’on parlerait de souveraineté, soit par la France. Dans ce dernier cas, il s’agirait d’aliénation politique. Celle-ci se matérialisant grâce à la technique juridique du mandat, laquelle consiste pour une personne morale ou physique, à donner pouvoir à une autre, elle aussi physique ou morale, afin d’agir en son nom et pour son compte. Comme conséquences, tout acte posé par le mandataire (celui à qui on donne pouvoir d’agir) profite à celui qui donne pouvoir, le mandant, qui est en définitive le vrai bénéficiaire. Ce qui dérange dans cet arrangement politico-juridique, c’est non seulement son aspect occulte, puisque les Bédié, ADO, Banny, Mabry et consorts, déclarent officiellement agir en leur nom propre nom et pour le compte de la cote d’ivoire. Et pourtant, la réalité est tout autre. En outre, cette posture est atypique en ce sens que contrairement au procédé juridique du mandat, dans lequel, le mandant est non seulement bénéficiaire des actes posés par le mandataire, mais il en est aussi responsable. Or dans le cas d’espèce, jamais la France n’a assumé les conséquences négatives des actes de ceux qu’elle mandate. Cela n’est rendu possible que par le caractère occulte de l’opération. Et l’exemple de Charles Taylor au Liberia est une belle illustration de cet état de fait. Ce fut le cas dans la guerre du Biafra au Nigeria que la France a mené par procuration, au régime nigérian d’alors à travers la population du Biafra et Félix Houphouët-Boigny qui servait de soutien logistique et financier. Au Biafra comme en Cote d’Ivoire, les raisons de la rébellion étaient les mêmes à savoir la soit disant exclusion des biafrais et des gens du nord de la s’arcbouter Côte d’Ivoire. Ojokou et ADO servant dans les deux cas de figures de mandataires. Houphouët et Compaore fournissant la logistique et la base arrière. Ainsi l’enjeu post crise, est de pouvoir se débarrasser à jamais de cette pratique qui a cours en Afrique depuis les pseudos indépendances des années 60. Ici, il est plus que jamais question de doter la Côte d’Ivoire d’une souveraineté vraie tant au plan politique qu’économique. La souveraineté se définit comme étant la qualité propre à tout Etat qui possède le pouvoir suprême impliquant l’exclusivité de la compétence sur le territoire national (souveraineté interne). A ce titre, les accords de Marcoussis qui avaient pour but d’empiéter sur des prérogatives constitutionnelles du chef de l’Etat, sont une violation flagrante de notre souveraineté. Et sur le plan international, la souveraineté suppose l’indépendance de l’Etat vis-à-vis des puissances étrangères (la plénitude des compétences). La seule limite à la souveraineté sur ce plan étant les conventions et accords internationaux que l’Etat a signé, ratifié ou auxquels il a adhéré, en fonction du mode en vertu duquel l’Etat est juridiquement lié. Ce mode dépendant de la nature de l’instrument juridique international, accord en forme solennelle ou simplifiée. Au vu de cette définition, le triste constat que l’on peut faire est que la Côte d’Ivoire n’a jamais été souveraine depuis le 7 aout 1960 pour des raisons qu’il serait superflu d’énumérer davantage. Ainsi, il est clair que l’enjeu politique majeur post crise en terre d’Eburnie est celui de la réhabilitation de la souveraine de l’Etat. Et cela doit s’entrevoir d’abord au niveau juridique et politique, puis au niveau économique.
Sur le premier aspect de cette souveraineté, il s’agira pour la Côte d’Ivoire de s’assurer une véritable liberté d’action politique. Ce qui sous-entend que toutes les décisions soient prises de façon absolument souveraine, libre et sans aucune ingérence de toute sorte. Pour y parvenir, les ivoiriens doivent politiquement s’arc-bouter sur leur constitution car elle seule constitue le gage d’une stabilité politique. L’expérience de la crise militaro-politique servira à ce sujet car les ivoiriens ont appris pendant les huit années passées, à défendre leur constitution. Le résultat de cet état de fait n’est autre qu’une réelle stabilité institutionnelle. Et une Côte d’Ivoire forte institutionnellement, est un pays qui saura garantir à sa population le bien être économique et social. On ne le dira jamais assez, la pauvreté en Afrique est due essentiellement à l’instabilité politique. Des lors que la stabilité politique est garantie, l’Afrique s’accomplira forcement au plan économique. Et cela conduit au deuxième aspect de notre analyse.
Sur le plan économique, le nouvel Etat ayant recouvré entièrement sa souveraineté, doit s’atteler à en tirer les conséquences économiques immédiates. D’abord, cela suppose que notre pays ait une monnaie qui soit flottante. En termes économiques, cela signifie simplement que notre devise ne sera plus arrimée à l’euro et par conséquent va s’apprécier et se déprécier en fonction de la compétitivité de notre économie. En clair, lorsque nous réaliserons des plus-values importantes, notre monnaie s’appréciera. Dans le cas de moins value, l’effet contraire se produira. Nous en serons forcement bénéficiaires dans la mesure où, sous la forme actuelle, nous ne bénéficions nullement des plus values compte tenu da la parité fixe. Seule, l’économie française en profite à travers le système du fameux compte d’opération logé au trésor public français. Ensuite, il nous faudra créer en accord avec tous les autres de l’Afrique de l’ouest, du moins ceux qui sont partisans d’une souveraineté réelle du continent, une monnaie commune à toute la sous-région. Cela aura l’avantage de faciliter la fluidité des transactions économiques et donc de créer une vraie économie intégrée qui n’existe que de façon embryonnaire en ce moment. Il s’agira ici de la consolider. Enfin, la conséquence logique des premières mesures serait la création d’une banque centrale ouest africaine, débarrassée de tout contrôle néocoloniale comme celui dont est victime l’actuelle BCEAO. Il sera question non pas d’avoir juste des exécutants comme c’est le cas avec le gouvernorat, mais plutôt de contrôler réellement le conseil d’administration. Tout juriste sait avec pertinence que dans toute corporation de ce type, seul le conseil d’administration a les pouvoirs réels puisqu’il est le seul habiliter à représenter les actionnaires ou les propriétaires si l’on peut s’exprimer ainsi. De sorte que, faire de la France le pays, qui domine le conseil d’administration revient à en faire, le véritable maitre des lieux. L’enjeu de l’après crise sera de changer cette situation et de faire de la Côte d’ivoire, des pays de la sous-région, les vrais maitres de leur politique monétaire.
En résumé, le combat qu’ont mené les ivoiriens à quels que niveaux que ce soit, aura pour but après le 31 octobre jour du renouveau, date de la renaissance ivoirienne, de faire entrer notre pays et partant l’Afrique, dans l’ère de la souveraineté tant politique qu’économique. Et la Côte d’Ivoire n’a pas le droit d’échouer car de son succès, dépend tout le projet indépendantiste de l’Afrique. La France et l’Allemagne ont toujours été les leaders de l’Europe commune. La Côte d’Ivoire et des pays comme le Nigeria, le Ghana ont aussi vocation à jouer ce rôle.
VIVE LA COTE D’IVOIRE LIBRE, PROSPERE ET TOLERANTE.
QUE DIEU BENISSE LA COTE D’IVOIRE ET L’AFRIQUE
Kouaho Guy GUEYE
Juriste-Enseignant à Londres
forumkm@hotmail.com