Nairobi – Ravagée par plus de deux décennies de guerre civile et de chaos, la Somalie tente de se reconstruire, mais le séparatisme régional, la rivalité clanique et les intérêts divergents des Etats voisins menacent le processus, avertissent des analystes.
Depuis deux ans, la fragile armée somalienne, épaulée par une force de l’Union africaine (UA) et, depuis 18 mois, par un contingent éthiopien, a repris l’ensemble des bastions des insurgés islamistes shebab dans le sud et le centre du pays.
Mais étendre sur les territoires reconquis l’autorité du gouvernement central – qui jusqu’à la mi-2011 contrôlait à peine quelques quartiers de Mogadiscio – s’avère bien plus compliqué.
« En Somalie, aujourd’hui, il n’y a qu’un gouvernement fédéral, appartenant au peuple somalien et représentant tous les Somaliens et toutes les régions », a assuré ces derniers jours le président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud.
L’élection du chef de l’Etat en septembre a suscité l’espoir d’enfin voir une autorité centrale se dessiner en Somalie. Il est à la tête des premières autorités « pérennes » du pays depuis la chute du président Siad Barre en 1991: en deux décennies, le pays n’avait jusqu’ici vu se succéder que des autorités de transition sans réel pouvoir.
Mais la persistance de puissantes milices, affiliées à des chefs de guerre et soutenues par des armées étrangères, relativise sérieusement l’ampleur du pouvoir qu’il détient.
Le « Jubaland », symbole de toute les divisions. Les récentes tentatives pour créer un Etat dit du « Jubaland », dans le sud somalien, ont cristallisé ces dissensions.
La zone concernée borde l’océan Indien, le Kenya et l’Ethiopie, regroupe trois régions administratives, et a changé une dizaine de fois de main depuis 1991.
Aujourd’hui, les shebab se la partagent avec diverses milices, certaines soutenues par les armées kényane ou éthiopienne, entrées fin 2011 en Somalie.
Libye: Accusée d’être une menace pour ses voisins, ne peut porter seule le chapeau
Tripoli – Etat faible, frontières poreuses, prolifération d’armes: si la Libye est accusée d’être devenue une source d’instabilité pour ses voisins du sud, il serait abusif de lui faire porter seule le chapeau, estiment des experts.
Le président nigérien Mahamadou Issoufou avait indiqué que les assaillants qui ont commis le 23 mai deux attentats suicide au Niger venaient du Sud libyen. Selon lui, ils préparaient parallèlement une « attaque » contre le Tchad.
Le Premier ministre libyen Ali Zeidan a démenti ces « allégations sans fondements », répétant que son pays « ne pourrait devenir en aucun cas une source de souci ou de déstabilisation pour ses voisins » du sud, en proie eux-mêmes à l’instabilité depuis des années.
Des experts et des diplomates occidentaux estiment toutefois que le Sud libyen serait devenu ces derniers mois l’un des sanctuaires où se sont reconstituées les cellules jihadistes après que les mouvements islamistes armés ont été délogés du nord du Mali
depuis janvier par une opération militaire franco-africaine. Selon Fraj Najem, directeur du centre africain des études à Tripoli, les accusations du président nigérien « sont sans fondements ».
« Le Mali n’est pas frontalier avec la Libye, ce qui constitue un obstacle pour l’arrivée des combattants dans le Sud libyen », a-t-il expliqué.
Néanmoins, d’autres experts estiment que les groupes jihadistes chassés du Mali pourraient y arriver en transitant par les pays frontaliers comme le Niger ou l’Algérie, profitant du chaos régnant après le conflit libyen de 2011 qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi.
« Le sud-ouest de la Libye est contrôlé par les Toubous » qui n’ont pas de rapport avec les mouvements islamistes, rétorque M. Najem.
Egypte: Les milieux artistiques craignent une volonté d’emprise des islamistes
Le Caire – Grèves, manifestations, spectacles annulés: des artistes et intellectuels égyptiens dénoncent ce qu’ils considèrent comme une volonté d’emprise des islamistes proches du président Mohamed Morsi sur les institutions culturelles du pays.
Dernier épisode en date, des manifestants ont défilé jeudi soir en scandant « à bas le pouvoir des Frères musulmans » et réclamant la démission du ministre de la Culture Alaa Abdel Aziz, considéré comme proche de la confrérie même s’il n’en fait pas
formellement partie.
Le cortège de 100 à 200 personnes est parti de l’Opéra du Caire, institution phare de la vie culturelle égyptienne, où les représentations sont suspendues depuis mardi dernier en raison d’un mouvement du personnel consécutif au limogeage de sa directrice,
Inas Abdel Dayem.
Cette situation traduit un malaise grandissant dans les milieux culturels depuis l’élection il y a un an du président Morsi, régulièrement accusé par ses opposants de chercher à placer ses amis Frères musulmans dans tous les rouages du pays.
Le renvoi récent d’une figure du ministère de la Culture, le chef du département des Beaux-Arts Salah al-Meligui, et celui du chef de l’Organisation générale du livre égyptien, Ahmed Mohaged, ont renforcé ces craintes.
Mercredi, le secrétaire général du Conseil suprême de la culture, Saïd Tewfik, a annoncé qu’il remettait sa démission pour dénoncer « les tentatives de +frèrisation+ » de ce ministère, traditionnellement très influent en Egypte.
Selon le chef d’orchestre Naïr Nagui, qui a rencontré le ministre de la Culture, ce dernier « n’a donné aucune raison » pour les récents limogeages.
Tunisie: Les Femen européennes passibles de prison ferme, procès le 5 juin
Tunis – Les militantes de Femen arrêtées à Tunis, deux Françaises et une Allemande, seront jugées le 5 juin notamment pour « outrage public à la pudeur » et « atteinte aux bonnes moeurs », délits passibles de prison ferme, a indiqué vendredi un de
leurs avocats.
« Elles seront traduites devant le tribunal cantonal de Tunis le 5 juin (…) ce sera un procès en audience publique », a déclaré à l’AFP Me Souheib Bahri. Le Consulat de France a indiqué disposer des mêmes informations.
« Elles seront jugées pour « outrage public à la pudeur » (article 226 du code pénal, passible de six mois ferme) et « atteinte aux bonnes moeurs ou à la morale publique » (art. 226 bis, passible de six mois ferme).
Les trois jeunes femmes, arrêtées mercredi lors de la première action seins nus des Femen dans le monde arabe, risquent 15 jours de détention supplémentaires pour « des infractions relatives à l’autorité publique » (article 315 et 316).
Femen avait organisé cette manifestation en soutien à Amina Sbouï, une militante tunisienne Femen détenue depuis le 19 mai lorsqu’elle avait manifesté seule, sans pour autant se dénuder, contre le groupe salafiste jihadiste Ansar Asharia.
Cameroun: Les chrétiens du Nigeria fuyant Boko Haram reconstruisent leur vie
Tallamallabrahim (Cameroun) – De jeunes gens transportent sur la tête des ballots de paille, tandis que femmes et enfants préparent la terre qui servira à construire murs et habitations: c’est ici, à Tallamallabrahim au Cameroun, que ces chrétiens nigérians d’origine camerounaise reconstruisent leur vie, après avoir fui les islamistes de Boko Haram.
A ce jour, 48 maisons ont déjà été montées sur une partie des 5 hectares offerts par le chef du village aux arrivants. Perché sur le toit de l’un des habitats en construction, David Vevet, 30 ans, trois femmes et cinq enfants, assemble de petits troncs d’arbre pour faire la charpente.
« De l’autre côté (au Nigeria), c’est la mort. Ici au village, c’est une nouvelle vie que nous entamons. On recommence tout à zéro », confie M. Vevet, conscient que ce nouveau départ sera « difficile ». Comme lui, la quasi-totalité de ceux qui arrivent dans ce village sont des chrétiens d’origine camerounaise qui étaient installés de longue date au Nigeria voisin, avant de fuir les exactions du groupe islamiste Boko Haram. Ils sont tous passé côté camerounais il y a « 25 jours », selon eux.
Le village de Tallamallabrahim, peuplé moitié de chrétiens moitié de musulmans, a offert de les accueillir, à condition qu’ils s’engagent à ne plus retourner au Nigeria, selon leurs dires. « Les Boko Haram tuaient les chrétiens de ma ville. Je me sentais menacé, en même temps que ma famille », raconte Golime Idara, un homme de 30 ans qui vivait à Konduga, à une vingtaine de kilomètres de Maiduguri, le fief de Boko Haram.
La construction de la maison de M. Idara est terminée et il est sur le point d’aller vers la frontière pour ramener sa famille.
Tunisie: Une Femen tunisienne jugée, trois Européennes devant le parquet
KAIROUAN (Tunisie) – La Femen tunisienne, Amina, était jugée jeudi pour le port prohibé d’un spray lacrymogène tandis que trois Européennes qui se sont déshabillées la veille pour la soutenir, une première dans le monde arabe, doivent être présentées au parquet à Tunis.
Le mouvement Femen, connu pour ses actions seins nus à travers le monde, a indiqué sur sa page internet que les deux Françaises et l’Allemande arrêtées mercredi devant le palais de justice de Tunis seront présentées à la mi-journée au procureur qui décidera des poursuites à engager.
A Kairouan (150 km au sud de Tunis), Amina Sboui – connue sous son pseudonyme de Tyler – a été conduite devant le juge habillée d’un safsari, le voile traditionnel tunisien. Arrêtée le 19 mai après qu’elle eut peint « Femen » sur un muret proche d’un cimetière à Kairouan où devait se tenir un rassemblement de la mouvance salafiste jihadiste, elle a expliqué au juge posséder depuis deux mois la bombe lacrymogène pour sa propre « défense ».
Son avocat Souheib Bahri a indiqué que les accusations contre elle se fondent sur un décret beylical de 1894 qui prévoit des peines de six mois à cinq ans de prison pour détention d’engins incendiaires ou explosifs. Selon lui, Amina ne risque que la condamnation minimale, étant donné qu’elle n’était qu’en possession d’un spray d’auto-défense.
Mais la colère était cependant palpable à Kairouan, des dizaines de manifestants choqués par les actions seins nus des Femen s’étant réunis devant le tribunal et scandant des insultes aux avocats de la jeune fille. Un cordon policier important protégeait le bâtiment.
Plusieurs avocats disant représenter les habitants de Kairouan se sont par ailleurs présentés devant le juge pour réclamer de participer au procès en tant que partie civile et que les accusations contre la jeune fille soient alourdies. « Il y avait une volonté de semer le trouble et la sédition à Kairouan et nous voulons que le dossier soit transféré (sur cette base) au procureur général, ce n’est pas une histoire de possession de bombe lacrymogène », a déclaré Me Hamed El Maghrebi.