Laurent Gbagbo desserre peu à peu l`étau dressé autour de son régime depuis que lui et son rival Alassane Ouattara se livrent une bataille sans merci après les résultats du second tour de l`élection présidentielle du 28 novembre 2010. Dans le bras de fer qui oppose les deux hommes autour du fauteuil présidentiel, Laurent Gbagbo peut se rejouir de marquer quelques bons points. Deux points majeurs, l`un sur le front diplomatique et l`autre au plan financier, qui lui donnent du souffle et lui permettent de prendre une longueur d`avance sur son adversaire Alassane Ouattara, dans cette bataille pour le contrôle de l`Etat de Côte d`Ivoire. Au plan diplomatique, le président déclaré élu par le Conseil constitutionnel ivoirien, et qui paraissait totalement isolé sur la scène internationale, a encore des ressorts pour rebondir. Pendant les débats au sein des instances internationales sur le dossier ivoirien, Gbagbo déclaré persona non grata dans la communauté internationale, peut encore compter sur des soutiens. Au conseil de sécurité de l`Onu où l`on planche sur l`option militaire envisagée pour donner le pouvoir à Ouattara, c`est le blocage. La Russie et de la Chine, membres permanents du Conseil de sécurité, usent encore de leur droit de veto, pour bloquer l`envoi de troupes supplémentaires et d`hélicoptères d`attaque en Côte d`Ivoire, selon le voeu du secrétaire général de l`Onu, Ban Ki-moon. Mieux, les deux Etats ont jugé « trop politique » le projet de résolution préparé par la France et les Etats-Unis. Evoquant la thèse de l`ingérence dans les affaires internes à la Côte d`Ivoire, la Russie et la Chine ont estimé « le texte trop critique à l`encontre de Laurent Gbagbo ». Qu`est-ce que cela voudrait dire exactement ? Difficile de savoir. Toutefois, cette opposition de ces deux membres permanents du Conseil de sécurité, appuyée dit-on par le Brésil et l`Afrique du Sud bloque les débats, en faveur de Laurent Gbagbo. Les Etats membres du Conseil de sécurité se sont donné quelques jours de reflexion pour s`accorder sur un texte final. Selon un observateur joint au téléphone hier dimanche 16 janvier 2011 pour commenter la mésentente à l`Onu, l`attitude de la Russie et de la Chine ne viserait pas à bloquer le projet de résolution, mais à neutraliser son impact sur le régime Gbagbo. En clair, cette résolution finira par sortir, mais elle serait redigée dans des termes plus atténués et prendrait des décisions qui n`empêchent pas Laurent Gbagbo d`être assis au palais. Bien que rejeté par une bonne partie de la communauté internationale, le président proclamé par le Conseil constitutionnel continue cependant de bénéficier de ces soutiens (Russie, Chine, Brésil, Afrique du Sud…) au niveau de l`Onu pour se repositionner. Dans les instances de décision africaines, notamment la Cedeao et l`Union africaine (Ua), c`est le même constat. Gbagbo n`est pas seul, du moins plus maintenant. L`organisation sous-régionale qui est chargée de conduire cette opération militaire contre Laurent Gbagbo, peine à trouver un consensus autour de l`intervention militaire. Une réunion des chefs d`état-majors des armées de la Cedeao est prévue à cet effet aujourd`hui à Bamako. Des Etats de l`organisation régionale comme le Ghana, la Guinée et la Guinée Bissau ont ouvertement déclaré leur opposition à cette solution des armes. D`autres comme le Tchad, l`Angola au niveau africain, ne veulent pas en entendre parler. Cette bataille semble donc tourner en faveur de Laurent Gbagbo, en tout cas pour le moment. Hier, une personne qui n`avait pas de voix sur la scène internationale, il a aujourd`hui de fervents défenseurs, prêts à plaider sa cause partout où il y a besoin.
Au niveau de la bataille pour le contrôle des ressources financières de l`Etat, Laurent Gbagbo peut également souffler. L`étranglement financier qui lui était reservé à partir de la Banque Centrale des Etats de l`Afrique de l`ouest, connait des difficultés. En tout cas, la main mise d`Alassane Ouattara, reconnu comme président par la communauté internationale, sur les comptes ivoiriens de la Bceao, n`est encore que théorique. Certes le conseil des ministres de l`Union économique et monétaire ouest-africain (Uemoa) a reconnu le 23 décembre dernier à Bissau, que la signature doit être accordée au ministre des finances d`Alassane Ouattara, mais Charles Diby Koffi n`a pas encore la possibilité d`opérer sur les comptes de la Bceao. Une situation gênante qui n`a pas manqué de faire réagir le camp Ouattara, qui a même mis en garde le gouverneur de la Bceao, Philippe Dacoury-Tabley, qu`il soupçonne de faire blocage à la décision du conseil des ministres de l`Uemoa. Lors d`une visioconférence avec des journalistes en poste à Washington, Alassane Ouattara a critiqué l`inaction de la banque ouest-africaine. « La décision prise par la banque centrale de la sous-région devrait être mise en œuvre intégralement. Ce qui n`est pas le cas à l`heure où je vous parle. Nous avons écrit au gouverneur (de la BCEAO) et nous lui avons dit que s`ils continuent, nous demanderons à l`Union européenne, aux Etats-Unis et aux Nations unies de les inscrire sur la liste des personnes à sanctionner ». Dans un communiqué sanctionnant le conseil des ministres du gouvernement Ouattara du vendredi 14 janvier dernier, cette question des finances, qui échappe encore au président reconnu par la communauté internationale, a été évoquée. Avec un doigt accusateur pointé sur le gouverneur de la banque centrale et celui de la Bceao Côte d`Ivoire, Denis N`Gbê, qui ne joueraient pas franc jeu. Le gouvernement Gbagbo, lui, continue de remplir ses engagements financiers vis-à-vis de la banque centrale, en attendant la réunion des chefs d`Etat de la Cedeao prévue les 22 et 23 janvier prochain pour se prononcer sur la question. En attendant, le duel né des élections du 28 novembre 2010, semble tourner en faveur de Laurent Gbagbo.
Hamadou ZIAO 9L’Inter)