Chers frères et sœurs, que la grâce et la paix du Seigneur soient avec vous! Etre chargé de faire l’homélie après le résultat de l’élection présidentielle n’est pas une chance pour un prêtre, mais une mission auprès du peuple de fideles et un engagement au cœur de notre histoire commune.
Quel que soit le résultat, la joie pour les uns et la déception pour les autres, il nous faut parler au nom de Dieu et de notre foi pour féliciter et consoler en ce 2e dimanche de l’Avent (A) où Dieu dans les textes bibliques se présente comme un pasteur attentif aux besoins de son troupeau. Il l’appelle à la conversion et à l’action au cœur des heures joyeuses ou difficiles (c’est selon) que nous sommes en train de vivre, où notre chère Côte d’Ivoire devenue depuis près de dix (1O) ans, une terre de violence, de barbarie, d’angoisse et d’incertitude a encore de la peine à redevenir un pays responsable, fréquentable, capable de sursaut national.
Dieu, à travers les textes de ce 2e dimanche de l’Avent (A), nous appelle à l’espérance et à l’engagement dans la reconstruction de nos vies et de nos pays par la conversion. «Par la conversion et le comportement, participer à la reconstruction de la Côte d’Ivoire nouvelle». Tel est le thème de notre méditation que nous allons approfondir en trois points, d’abord, Dieu d’Israël. un pasteur attentif aux besoins de son troupeau, ensuite, l’aube d’une nouvelle vie, un poème pour la Côte d’Ivoire et enfin, des conseils pour la reconstruction de la Côte d’Ivoire.
Dieu d’Israël, un pasteur attentif aux besoins de son troupeau
Les lectures de ce 2e dimanche de l’Avent sont étroitement liées entre elles. Elles nous aident à comprendre et à saisir mieux le temps de l’Avent. Dans le 1er texte d’Isaïe, le peuple juif attend que surgisse un sauveur de la descendance du roi David qui avait Jessé pour père. Le prophète Isaïe décrit ses qualités essentielles: il sera rempli de l’Esprit de Dieu pour faire régner la justice en faveur des opprimés; il aura une intimité spéciale avec le Seigneur, un amour particulier pour les pauvres et favorisera la réconciliation du monde. Cet amour pour les petits est un signe du règne attendu.
En définitive, ce texte annonce le retour espéré et joyeux de l’exil à Babylone. Il annonce aussi la libération de l’esclavage. On comprend alors ce que dit le Psaume (71): «voici vient un jour sans fin de justice et de paix ». Le prophète Isaïe enseigne au peuple que le libérateur de la souffrance, de l’esclavage politique, moral et spirituel est le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, le souverain. Ce Dieu d’Israël est le pasteur attentif aux besoins de son troupeau : « ‘’comme un berger, il conduit son troupeau son bras rassemble les agneaux, il prend soin des brebis’’. C’est dire donc que le Seigneur manifeste sa tendresse envers son peuple, en particulier vers les plus démunis, les plus faibles.
Quant au texte aux Romains (15,4-9), il enseigne ceci: être accueillant à tous nos frères, c’est se préparer à recevoir le Messie qui s’est fait lui-même accueillant à tous les hommes. L’apôtre Paul le rappelle à la communauté chrétienne de Rome, carrefour des races et des mentalités. Il y avait là et dans cette église les militants et les tièdes, les convaincus et le tout-venant. C’était difficile en ce lieu de réaliser l’unanimité des cœurs et des esprits, et même celle de la prière.
L’Evangile de Matthieu met l’accent sur le précurseur Jean- Baptiste qui annonce avec insistance, la nécessité de produire des fruits et de très bons fruits de conversion à Dieu. Il annonce que tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. La conversion proclamée par Jean et exigée de tous doit se traduire par des actes concrets. Aucun privilège, même celui d’appartenir à l’Eglise, ne peut soustraire quelqu’un au jugement du Christ.
Frères et sœurs chrétiens et Ivoiriens, à bien observer les réalités de ces jours-ci, on peut penser que nous autres Africains et surtout Ivoiriens, nous sommes souvent selon l’expression de Franz Fanon des orphelins, des damnés sur notre propre terre.
Nous sommes souvent ridiculisés, banalisés, méprisés par les peuples d’ailleurs, qui, avec condescendance et dédain nous regardent d’en haut, nous donnent des leçons, nous traumatisent, nous angoissent, nous peuples souverains, avec des menaces de sanctions, de sevrage économique brutal… Tout cela continue à nous arriver, pour notre honte, en grande partie par nos propres comportements et agissements individuels et collectifs inconscients et irresponsables, non civiques.
Et ces comportements négatifs sont nombreux aussi bien chez les adultes que chez les jeunes. Avec l’avènement libérateur du Messie, avec ces élections assombries à la fin, réveillons-nous et prenons nos responsabilités pour créer un Etat de droit, de justice, de transparence et de liberté pour faire naître l’aube d’une nouvelle vie en Côte d’Ivoire.
L’aube d’une nouvelle vie : un poème pour la Côte d’Ivoire
En Côte d’Ivoire, l’élection présidentielle est finie.
C’est l’aube des Solutions et de la Refondation
Celle d’une nouvelle vie.
Pourtant dans ce pays et au bord de la lagune Ebrié
Où la nature développe prodigieusement, la vie allégrement
Les fils et filles se déchirent et les larmes coulent intérieurement et lentement.
C’est la tristesse et la désolation pour la nouvelle vie espérée.
En Côte d’Ivoire, les résultats sont proclamés
C’est l’aube d’une nouvelle vie annoncée.
Oui! Une Côte d’Ivoire nouvelle est en chantier.
Pourtant la haine, la division, la vengeance
S’est emparée de certains hommes et femmes
Quelle triste réalité! Quels genres d’Ivoiriens sommes-nous devenus?
Les chants d’origines : paix, unité, réconciliation se sont tus
Et la nuit politique, tribale, religieuse se lève.
Alors, c’est le royaume de la violence sous toutes ses formes
Qui sème dans nos villes et campagnes par des machettes et armes
Tristesse et désolation chez nos frères et sœurs
Innocents ou coupables avec la complicité des nouveaux colonisateurs
Les traditions vitales de nos pères. Union, discipline et travail
Sont enfouies dans nos cœurs de haine et de gloire solitaire
Accablé par le cafard et la déception :
Dans ce pays se lève le brouillard d’un lendemain incertain.
Comme des criquets ravageurs dans les rues, des individus sans foi ni loi crient
Quelle triste réalité! Quels genres d’Ivoiriens sommes-nous devenus?
Là où règne le mensonge, les demi-vérités, les contrevérités
Le désordre côtoie l’injustice et la charité devient un luxe
Les hommes armés et infantilisés freinent le développement recherché
Là où règnent l’horreur et le royaume de la violence, la raison effrayée se tait….
Pourtant, en Côte d’Ivoire c’est l’aube d’une nouvelle vie attendue et espérée.
Chers frères et sœurs, une nouvelle Côte d’Ivoire vient de naître par césarienne et a besoin de citoyens debout, responsables et engagés… Contrairement aux prévisions de la disparition définitive et totale de la Côte d’Ivoire annoncée par des prophètes des temps nouveaux, ceux d’ici et d’ailleurs, la Côte d’Ivoire vit et les Ivoiriens vivront, parce que les chemins du Seigneur sont insondables et qu’il écrit droit avec les lignes courbes. Il est aussi vrai que les habitants de ce pays ont été blessés parce que certains n’ont pas pris au sérieux leurs besoins les plus profonds: le besoin de vivre leur liberté, de faire la paix, d’être aimés, respectés, protégés et sécurisés. Ils ont été ridiculisés et depuis quelques années, on leur inocule la peur et le symptôme de la défaite faisant d’eux un peuple «sur-le-qui-vive ». Cette situation nous interpelle et nous engage à l’action concrète et constructive. A ce niveau, nous voudrions à présent vous proposer quelques modestes conseils pour la nouvelle Côte d’Ivoire à construire avec l’aide de tous et de chacun sans compromission et sans soumission aux tuteurs ou autres donneurs de leçons incapables d’éteindre l’incendie qui brûIe leur pays.
Quelques conseils pour construire et vivre dans la nouvelle Côte d’Ivoire
Chers frères et sœurs en Christ, peuple chrétien, ivoirien d’aujourd’hui en marche vers la Jérusalem Céleste, méditons souvent cette pensée de Laotse, un lettré chinois du 6e siècle avant Jésus-Christ qui disait «C’est dans l’eau calme et non pas dans l’eau courante qu’on peut voir sa propre image». Seule une personne sereine peut dispenser le calme autour d’elle. Dans le calme et la sérénité nous vous proposons les conseils suivants:
Chrétiens et citoyens de Côte d’Ivoire, désormais, ne croyez rien qui soit stupide. Par exemple, si on vous dit que «le muet a dit au sourd que l’aveugle le regarde», ne croyez pas à cela. Ne croyez jamais au mal qu’on dit des autres et surtout interdisez-vous de le répéter. Ne démolissez jamais un frère ni une sœur, ni personne par vos critiques peu constructives. Ne vous attardez pas sur les erreurs d’autrui. Au lieu de demander aux autres d’être fidèles, chaque fois que vous entendez parler de trahison dans ce pays, demandez comme le firent les apôtres “seraient-ce nous, Seigneur ?” Car en fait nous sommes tous des Juda en puissance.
• Chrétiens et citoyens de Côte d’Ivoire, désormais, ne regrettez jamais une bonne action. Dans ce pays et dans votre vie, ne vous montrez ni amers, ni surpris si vous avez été trahis dans vos amitiés, ou si la confiance que vous aviez en quelqu’un a été déçue. Ne vous laissez jamais ébranler par une ingratitude notoire. Soyez reconnaissants envers tous ceux et celles qui ont consenti des sacrifices pour vous afin que vous deveniez ce que vous êtes aujourd’hui, et que ce pays retrouve une paix parfaite et définitive.
• Chrétiens et citoyens de Côte d’Ivoire, désormais, ne cherchez jamais à atteindre ce qui est hors de ta portée. Ne soyez pas à la recherche avide du succès ou de postes; il ne fait qu’augmenter la vanité dont tout Homme a une dose suffisante. Apprenez à être à l’exemple de Jésus “doux et humble de cœur”. Car on ne devient pas chrétien pour sa propre gloire et Ivoirien pour brimer et mépriser les autres. Si une telle ambition vous habite, vous finirez par être un chrétien ou un citoyen envieux, jaloux et même dangereux.
• Chrétiens et citoyens de Côte d’Ivoire, désormais, ce qui n’est pas pour vous ne cherchez pas à l’avoir. Chers frères et sœurs, observez bien dans la vie, c’est l’envie et la jalousie qui rendent sorciers. Ce qui n’est pas pour vous ne cherchez pas à l’avoir. Cela risque de vous entraîner dans des problèmes et vous risquez d’avoir honte pour longtemps. Il est vrai que dans la vie, ce qui est interdit, c’est ce que les gens font pour avoir des problèmes. Il ne doit pas en être ainsi pour vous, car on ne peut pas tout avoir dans le monde. Chaque peuple a ses richesses et ses limites. Cherchons à être parmi les meilleurs, mais n’envions personne.
• Chrétiens et citoyens de Côte d’Ivoire, désormais, soyez des hommes et femmes de prière et de silence. Le philosophe Kierkegaard a dit (et le mot est devenu célèbre) que s ‘il avait été médecin, il aurait donné aux malades ce conseil : «Faites le silence!» Le silence, sera un remède pour nos âmes qui souvent sont étouffées par les bruits de ce monde et de la politique malsaine. Tout ce qui est grand a besoin de silence pour naître en l’Homme. Le silence nous préparera tous à bien écouter, à prêter attention, mais surtout à percevoir dans nos cœurs la voix de Dieu et les actions à mener pour le vrai et authentique développement dont l’homme demeure le centre d’intérêt. Le silence nous transformera et sera source de joie pour notre mission au service de nos pays et de nos frères et sœurs. Car le silence est synonyme de paix, de repos et de réussite dans le Seigneur.
Chers frères et sœurs dans la foi, quand après une mûre réflexion sur l’exhortation de ce 2e dimanche de l’Avent (A), vous êtes convaincus de son importance et de son intérêt pour votre salut, efforcez-vous de les suivre dans votre vie. Que Dieu bénisse notre existence, protège nos pays et qu’Il renouvelle nos cœurs et nos esprits pour l’avènement d’un monde nouveau et d’une Côte d’Ivoire sanctifiée et purifiée de ses vieux et nouveaux démons de la division, la guerre, de l’argent et de la facilité. Lui qui vit et règne aujourd’hui et pour les siècles des siècles, Amen!
Rev. Père Goa Ibo Jean-Maurice
Prof de Théologie Spirituelle
Vice-président de l’Ucao/Ua