Billy-Billy (30 ans), qui a reçu le week-end dernier Alassane Dramane Ouattara (Ado) dans son fief de Wassakara dans la commune de Yopougon, a bien voulu s’ouvrir à nous. Depuis sa nouvelle résidence de la Riviera palmeraie, cet artiste engagé crache ses vérités et nous présente son nouvel album Article 48 dont la sortie est prévue pour ce matin.
Après vous êtes publiquement affiché aux côtés d’Alassane Ouattara à Yopougon, en cette période pré-électorale, pouvons-nous affirmer que Billy-Billy a désormais choisi son camp politique ?
C’est d’ailleurs ce que j’ai relevé dans mon single. La musique, ce n’est pas la politique, la politique, ce n’est pas la musique. Un musicien ce n’est pas un politicien, un politicien, ce n’est pas un musicien non plus.
Pourtant, il y a certains musiciens qui font de la politique. Nous prenons l’exemple du célèbre rappeur haïtien Wyclif Jean qui a tenté de se présenter aux élections présidentielles de son pays ?
N’empêche que ça soit deux entités différentes. Il est donc important de faire la différence. Nous connaissons des artistes ici, qui dorment devant le domicile des leaders politiques pour ne serait-ce qu’avoir une audience. Malgré cela, ces derniers n’ont jamais été traités d’appartenir à tel ou tel parti. Ce n’est donc pas quelqu’un qui est assis tout tranquillement chez lui, et on lui fait appel parce qu’une autorité politique veut le voir qu’on va taxer d’appartenir à un parti politique. C’est comme cela que j’ai reçu Alassane Ouattara parce que je chante toujours la misère, je chante toujours la pauvreté de Wassakara. Si grâce à moi, Wassakara est devenu un site touristique que tout le monde veut venir visiter, pour aider la jeunesse qui s’y trouve, tant mieux.
Est-ce que vous soutenez Alassane Ouattara pour la prochaine élection présidentielle prévue pour le 31 octobre 2010 ?
Je ne voterai même pas, parce que ça ne m’intéresse pas. Tout simplement parce que je ne crois pas aux politiciens. D’ailleurs, je ne me suis même pas fait enrôler. J’ai dit au docteur Alassane Ouattara que nous sommes comme Saint Thomas. Si nous ne voyons pas, nous ne croyons pas. Je lui ai également dit : ‘’De la façon dont vous êtes applaudi par la foule, c’est de la même façon que tous les leaders politiques qui arriveront ici seront applaudis’’. C’était pour lui dire qu’à Wassakara, on applaudit pour tout le monde. J’ai ensuite ajouté que : ‘’Jai toujours chanté la pauvreté à Wassakara, si par ma voix, vous avez l’envie de tendre la main à cette population-là, je ne peux qu’être heureux’’. Puisque même si je ne peux pas changer le monde et que mes frères et sœurs qui sont à Wassakara trouvent du boulot, s’il y a des écoles, du goudron, si les enfants sont vaccinés, etc., ce sera une grande satisfaction pour moi. (…) Je n’ai donc rien à voir avec la politique. J’étais chez moi lorsqu’on m’a fait appel. Je vous signale qu’il y a également des personnalités issues d’autres chapelles politiques qui m’ont appelé et promis de passer à Wassakara. C’est cela mon objectif. Lorsqu’un enfant pleure longtemps parce qu’il a faim et qu’on lui donne à manger, il ne peut pas refuser sous prétexte que ce n’est pas sa mère qui a cuisiné le plat. (…) Ceux qui veulent donc venir à Wassakara seront les bienvenus mais il ne faut pas venir par effet de mode, il faut venir pour essayer de résoudre les problèmes. Sinon, je n’ai rien à voir avec la politique, ça ne m’intéresse même pas leurs élections parce que je ne crois pas aux politiciens.
Même si vous refusez de voter, allez-vous toutefois battre campagne pour l’un des candidats ?
Non, ce n’est pas une question de battre campagne. Moi, je suis un artiste. Je suis chez moi, si mon téléphone ou celui de mon manager sonne et qu’on a besoin de moi pour tel ou tel meeting, j’y vais…
Vous n’allez donc pas prêter votre image pour la campagne de l’un des candidats ?
Excusez-moi, mais, vraiment, leur campagne, je n’en ai rien à foutre ! C’est dommage, les gens voient les élections comme la résolution à nos problèmes mais, vous allez voir que les élections vont passer et la Côte d’Ivoire restera la même. Les gouvernements changent, les époques changent aussi, mais nos dirigeants sont les mêmes. (…) Je suis un chanteur, les vérités auxquelles vous êtes habitués vous seront révélées par les œuvres. Comme par exemple, je dirai qu’en Afrique ceux qui font peur ne sont pas les présidents mais plutôt les opposants parce que lorsqu’ils sont dans l’opposition, leurs yeux d’amour est plus que ceux d’Aïcha Koné. Mais, lorsqu’ils accèdent au pouvoir, c’est là que vous vous rendez compte que Nelson Mandela peut devenir Chaka Zulu. Vous voyez, le message, il est complet et je vais continuer à faire mon travail qui est de révéler les tares de la société. Cela n’a rien à voir avec je soutiens tel ou tel candidat. L’année surpassée, j’étais à l’anniversaire du président Gbagbo où j’ai été invité pour chanter, est-ce à dire que je me promène avec une carte du Fpi ? J’ai aussi chanté à des meetings du Pdci à Williamsville, Yopougon…auxquels j’ai été invité. Est-ce que cela veut dire que je suis du Pdci ? Aujourd’hui, je suis chez moi et on me dit que le président du Rdr, Ado, arrive et on m’invite. On ne m’a jamais vu chez un dirigeant politique, comme certains le font. Je suis dans mon Wassakara.
Mais vous résidez désormais à la Riviera palmeraie ?
Wassakara, c’est dans la tête que ça se passe maintenant. On dit : ‘’vous pouvez enlever un enfant du ghetto mais vous ne pouvez pas lui enlever le ghetto de la tête’’ parce que ça devient désormais un état d’esprit.
Que pensez-vous du processus de sortie de crise ?
Je suis vraiment désolé pour ces ‘’maudits’’ colloques à Marcoussis, Ouagadougou, etc., qui n’ont rien donné. C’est d’ailleurs ce que je relève dans mon prochain album qui sort. Je dis : ‘’Après 50 ans de démocratie, on va aux élections avec des gens qui ont des pistolets dans leurs caleçons’’. Le désarmement n’a pas été fait. Vous convenez avec moi que les politiciens disent des choses qu’ils ne respectent pas. Et plus grave, ils ne sont pas sincères en entre eux. Quand vous jetez un coup d’œil sur la photo de famille des leaders politiques, c’est beau à voir mais, chacun pense à ses intérêts. Chacun veut gouverner. Aujourd’hui, chacun voit en ces élections : ‘’c’est moi au rien’’, ‘’ça passe ou ça casse’’. On ne peut pas avancer comme ça. Actuellement, le pays est bizarre, il est sous ‘’haute tension’’…
Êtes-vous donc pessimiste ?
Pessimiste ou pas, ces élections ne vont rien apporter à la Côte d’Ivoire. Ça ne va pas réduire la pauvreté et stopper la cherté de la vie. Vraiment, ça ne m’intéresse pas les élections et c’est d’ailleurs pour cette raison que je ne me suis pas fait enrôler.
Si vous permettez, faites-nous découvrir votre nouvel album intitulé Article 48 dont la sortie officielle est prévue pour ce mercredi 22 septembre 2010, selon l’hebdomadaire « Jeune Afrique » de la semaine ?
J’ai appelé l’album Article 48 parce que c’est l’article au-dessus de toutes les lois. Lorsque c’est ‘’chaud’’, c’est l’article auquel on a recours. Je veux donc dire aux dirigeants politiques que lorsque rien ne va, il faut plutôt avoir recours au peuple parce que c’est lui qui met les gens au pouvoir. Voyez-vous, au plus fort de la crise, c’est nous qui étions à l’hôtel ivoire face aux chars de l’armée française pendant que les hélicos de cette même armée tiraient sur le peuple sur les ponts. C’est pour vous dire qu’au-delà de toutes les volontés, celle qui doit primer, c’est la volonté du peuple.
Claude DASSE
dasseclaude@yahoo.fr
S: L’Inter