Huit ans après la rébellion du 19 septembre 2002, qui a accentué leurs difficultés, les Ivoiriens avaient espéré des lendemains meilleurs avec la tenue du scrutin présidentiel cette année. Le calme et la discipline, qui ont entouré le premier tour de ce scrutin le 31 octobre dernier, ont donné beaucoup d’espoir aux populations. Mais celle-ci seront désillusionnées par l’issue du duel final Gbagbo – Ouattara du 28 novembre passé. La crise, qui a découlé de la proclamation du résultat de ce duel, est en train de conduire la Côte d’Ivoire vers des lendemains incertains. Avec deux présidents de la République qui se livrent une guerre de légitimité au bilan déjà lourd. Au fil des jours, les positions se radicalisent. Bénéficiant du soutien indéfectible de l’ensemble de la communauté internationale, le candidat de l’opposition (Rassemblement des Houphouétistes), Alassane Ouattara, déclaré vainqueur du scrutin du 28 novembre par le président de la Commission électorale indépendante (CEI), n’entend pas lâche le morceau face à Gbagbo déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel.
Libérer la Côte d’Ivoire en otage
Quoique enfermé, lui et son gouvernement, dans un hôtel d’Abidjan sous haute surveillance des forces onusiennes, pour raison de sécurité. Oint de sa légitimité par le Conseil constitutionnel, le président Laurent Gbagbo et ses partisans, en face, ne donnent aucun signe de capitulation, malgré les pressions énormes et autres sanctions de la communauté internationale. A ce jour, la Côte d’Ivoire se trouve prise dans cet engrenage à telle enseigne que ni Gbagbo ni Ouattara ne peut la gouverner sereinement et prétendre travailler au bien-être de ses habitants, même si le bras de fer venait à tourner à la faveur de l’un ou de l’autre. L’idéal aurait voulu que les deux protagonistes s’entendent pour gouverner ensemble durant les cinq années à venir, dans un schéma ‘’président et vice-président’’ ou ‘’président et Premier ministre’’ comme au Zimbabwe où Robert Mugabé et Morgan Tsvangirai ont fini par cohabiter. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, les positions sont, hélas, si tranchées qu’il importe d’envisager une solution d’équité pour sortir ce pays aux énormes potentialités des griffes mortelles de ses politiques. L’objectif à rechercher, doter les Ivoiriens d’un régime fort, incontesté, qui aura moins à gérer des adversités en face qu’à travailler pour relever les défis de l’Économie et du développement. Que ce soit avec Laurent Gbagbo ou Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire a encore des solutions pour rebondir, pourvu que l’on parvienne à la libérer des politiciens.
La garantie d’une sortie équitable de crise
Les protagonistes n’étant pas prêts, chacun, à libérer le fauteuil présidentiel, la reprise partielle du scrutin dans les zones de litiges étant contestée, il ne reste plus qu’un schéma pour sortir de l’imbroglio dans lequel est plongé la Côte d’Ivoire : la reprise totale du 2ème tour du scrutin présidentiel. Sur la question, l’on pourrait s’inspirer de l’article 64 du code électoral en son chapitre sur le contentieux électoral, qui dispose comme suit : « Dans le cas où le Conseil Constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble, il prononce l’annulation de l’élection. La date du nouveau scrutin est fixée par décret en Conseil des Ministres sur proposition de la Commission chargée des élections. Le scrutin a lieu au plus tard 45 jours à compter de la date de la décision du Conseil Constitutionnel ». Il est vrai, cette disposition ne cadre pas formellement avec la situation qui prévaut. Cependant, l’on peut paraphraser ce texte pour trouver une voie de sortie de l’impasse vers laquelle le bras de fer Gbagbo-Ouattara autour du fauteuil présidentiel est en train de mener la Côte d’Ivoire. Et si l’on annulait carrément le scrutin du 28 novembre pour le reprendre dans les 45 jours suivants ou plus, dans des conditions inspirées du contentieux ayant conduit aux troubles actuelles. Cette solution a le mérite de ne favoriser aucun des deux camps, comme celle du partage du pouvoir qui n’emballe pas les protagonistes ou la reprise partielle du scrutin dans les zones litigieuses du nord également balayée du revers de la main. L’idée pourrait être mal perçue par les légalistes et autres partisans indécrottables du droit. Mais, il n’y a jamais de sotte solution pour sortir d’une crise. Quand elle atteint, de surcroît, un niveau de tension comme celle que traverse la Côte d’Ivoire . C’est pourquoi il importera de s’armer de courage pour envisager ce retour à la case départ pour ramener les deux candidats au duel du 28 novembre à un même niveau de confiance et refaire un scrutin plus équitable, sans accroc ni espièglerie susceptible de servir d’alibi à d’éventuelles invalidations. Ce scrutin devra commencer par une mise à l’écart de la CEI et du Conseil constitutionnel. Ces deux organes, qui n’inspirent plus confiance ni à Laurent Gbagbo ni à Alassane Ouattara. En lieu et place, un autre organe consensuel, sans soupçon, dont la neutralité est avérée, devra être pensé pour la préparation, la tenue du scrutin et la proclamation de ses résultats. L’on pourrait imiter l’exemple de la Guinée juste où, finalement, les candidats sont tombés d’accord sur le choix du général malien Siaka Sangaré pour conduire la commission électorale nationale indépendante (CENI). Comme en Guinée, en Côte d’Ivoire, il sera aussi difficile de convenir d’un nom sans qu’on ne lui prête une accointance ou une tendance selon ses origines, son ethnie, voire ses relations passées. Mais, à l’image du Gal Sangaré du Mali, ce ne sont pas les cadres dignes de confiance en la matière qui manquent à la sous-région ouest-africaine. A titre d’exemple, l’ancien président Ghanéen, Jerry John Rawlings, de plus en plus engagé dans les causes africaines pourrait servir cette cause arbitrale. Ainsi, toutes les garanties de transparence établies, le gagnant de ce 3ème round inédit, auquel devront accepter de se soumettre Gbagbo et Ouattara, ne devrait souffrir d’aucune contestation. Bien entendu, avec les regards doubles des observateurs internationaux et nationaux qui vont avoir à se déployer à nouveau, mais aussi, le peuple ivoirien fatigué des crises à n’en pont finir, qui hypothèquent son avenir.
Félix D.BONY