Chères Ivoiriennes, chers Ivoiriens,
Ce mois-ci, je voudrais vous parler d’une tare qui affecte beaucoup de nos concitoyens et à laquelle il faut résolument tourner le dos. Je vais vous parler du tribalisme, qui nous maintient éloignés de la liberté et de la prospérité.
Quand Koulibaly leur parle, ils voient un Dioula avec lequel «on n’attache pas bagage».
Quand Gbagbo leur parle, ils voient un Bété «boussoumani» qui ne peut les commander.
Quand Bédié leur parle, ils voient un Baoulé Kôbala qui est resté trop longtemps au pouvoir au point de croire qu’il n’y a que lui pour les gouverner.
Quand Ouattara leur parle, ils voient un étranger, Burkinabè de surcroît, qui ne peut pas être leur président.
Pour eux, Koulibaly, Gbagbo, Bédié et Ouattara ne sont que des unités ethniques, des gens qui n’ont de valeur que par rapport aux perceptions qu’ils ont de leurs tribus. Ils sont d’abord leur ethnie avant d’être des humains. Leurs groupes ethniques les définissent mieux que leurs caractères propres. C’est le tribalisme, qui se révèle, en définitive, être un pauvre palliatif à l’intelligence politique et sociale.
Ceux qui raisonnent ainsi pensent connaitre les gens rien qu’à travers leurs ethnies, leurs tribus, leurs races. Ils regardent les individus comme des puits dont ils croient voir le fond. Ils n’ont en réalité que des illusions, vivent dans des chimères invalidantes et cultivent médiocrité, haine et pauvreté. Ils contribuent tous à la maladie de notre jeune Côte d’Ivoire. LIDER en est le remède.
Après plus de deux ans de pression et lobbying intense auprès du gouvernement et des acteurs politiques et diplomatiques en Côte d’Ivoire, j’ai eu le plaisir de noter le lancement effectif du recensement général de la population et de l’habitat le 17 mars 2014. Cet exercice essentiel pour le pays permettra à tous les acteurs économiques et politiques d’avoir les données géo-sociales nécessaires à la prise de décision et à la mise en place de politiques et stratégies en adéquation avec la réalité du terrain et les besoins des populations.
Malheureusement, contre toute raison et refusant d’écouter LIDER, le gouvernement s’est entêté à garder la mention de l’ethnie dans le questionnaire du recensement. Les agents recenseurs ont à leur disposition un formulaire qui classe la population ivoirienne selon 170 catégories, de A comme Abbey à Y comme Yaouré, sans oublier les naturalisés. Quelle ethnie devrait donc s’attribuer une personne dont la mère est Baoulé et le père est Koyaka ? Ou quelqu’un dont la mère est Yacouba et le père Bété ? La mère Gouro et le père Ebrié ? Quelle ethnie devais-je mentionner, moi qui suis né à Azaguié d’une mère Malinké et d’un père Sénoufo ?
Ceci est non seulement de nature à entretenir le tribalisme qui nous divise et nous dresse les uns contre les autres, mais est également en contradiction flagrante avec la nouvelle loi 2013-233 du 25 janvier 2013 que M. Ouattara a fait passer au forceps l’an dernier et qui abroge le statut de chef de famille jusqu’ici dévolu à l’époux, pour stipuler que la famille est désormais gérée conjointement par le père et la mère.
Ce n’est qu’après avoir été recensé que j’ai eu l’occasion de voir le formulaire en question. J’ai noté avec surprise qu’une 171ème catégorie existait, celle de l’«Ivoirien sans précision», que le directeur de l’Ins, qui a procédé à mon recensement le 19 mars 2014 à mon domicile, s’est bien gardé d’évoquer. Je ne comprends toujours pas pourquoi il a passé cette catégorie sous silence lors des échanges que nous avons eus, mais en attendant le prochain recensement de la population qui je l’espère, fera abstraction de la classification ethnique, je revendique avec force et conviction ce statut.
Je suis un Ivoirien sans précision. Et le jour où nous serons tous des Ivoiriens sans précision, nous nous serons enfin libérés du tribalisme, de la haine et de la division et nous pourrons enfin construire une nation unie, forte et ancrée dans la prospérité.
Mamadou Koulibaly
Président de LIDER – Liberté et Démocratie pour la République