«A peine oublié le casse-tête de terminologie à l’ivoirienne, pour savoir qui était présidentiable, entre les Ivoiriens ‘‘et’’ et les ivoiriens ‘‘ou’’, entre les Ivoiriens ‘‘sang pour sang’’ et les Ivoiriens 100%, nous voici à présent, soumis aux subtilités du vocabulaire juridique, pour savoir maintenant, entre le ‘‘légitime non officiel’’, ‘‘l’officiel non certifié’’, ‘‘le certifié non officiel’’ ou encore ‘‘le légitime certifié’’ etc., lequel est plus président que l’autre! Ce sont des Ivoiriens usés par l’attente de la paix, désabusés par des élections de tous les espoirs, qui doivent maintenant se tordre les méninges pour savoir, entre le proclamé et l’auto proclamé, lequel est réellement président de la Côte d’Ivoire, ou simplement président en Côte d’Ivoire. Reconnaissons qu’il y a de quoi avoir le tournis! De quelque côté qu’on se tourne, chacun a raison, et personne n’a tort; ni le Conseil constitutionnel, ni la CEI, ni l’ONU ne pense avoir failli à sa mission. Sauf que pour nous, le résultat reste toujours le même: on a deux présidents! Prenons le Conseil Constitutionnel. Comme tous les arbitres et juges, il n’est ni infaillible ni au-dessus de tout soupçon; il est même visiblement penché vers la droite, comme l’est la CEI vers la gauche; mais peu importe, il est le détenteur officiel du ‘‘dernier mot’’. Par conséquent, le président officiellement élu est M. Gbagbo. Président, non pas tant parce qu’il est vainqueur des élections, mais parce qu’il a été proclamé comme tel, par l’institution souveraine qui, seule en la matière, est habilitée à le faire, et à le faire officiellement. Cette reconnaissance du verdict de l’Institution, est à mon sens, un devoir civique incompressible; c’est le tout premier pas que chacun doit faire, qu’on soit pour ou contre Gbagbo. C’est l’étape qu’on ne devrait pas enjamber, même pour qui veut contester le verdict du Conseil constitutionnel. Autrement, on rate le délicat virage de la neutralité, voire de l’objectivité. De toute façon, tôt ou tard, chacun doit recourir nécessairement à l’institution officielle. Permettez-moi ces deux exemples, en faveur du respect de l’institution;
Le premier: dans un match de foot, il peut arriver que l’arbitre central qui est ‘‘le seul maître du terrain’’ se trompe (de bonne ou de mauvaise foi), pour accorder un but déterminant pour la victoire; le but reste malheureusement valide, nonobstant l’avis des juges de touche, l’indignation légitime des commissaires au match ou même le démenti infaillible de la télé; tous s’inclinent devant la décision de l’arbitre, car, il ne s’agit pas d’avoir raison, il s’agit d’avoir ‘‘le dernier mot’’, et c’est l’arbitre qui l’a; l’équipe bénéficiaire de l’erreur d’arbitrage, n’est pas censée responsable des insuffisances professionnelles ou simplement visuelles de l’arbitre; elle peut donc, savourer une victoire qu’elle n’a peut-être pas mérité. C’est la règle du jeu. Je vais même plus loin, avec cet autre exemple: la mort de Jésus. Jésus avait encore une chance d’être ‘‘sauvé’’ de la mort, après la parodie de jugement d’Hérode et des chefs religieux ; cette chance s’appelait : Pilate, détenteur lui aussi du ‘‘dernier mot’’. Nous savons que Pilate va froidement condamner Jésus à mort, non sans reconnaitre publiquement son innocence: ‘‘je ne vois en cet homme, aucun motif de condamnation’’. Jésus est-il innocent? Oui. A-t-il gagné le procès? Non! Le procès est donc moralement vicieux, mais reste valide et suivi d’effet, du simple fait du sceau de l’autorité civile compétente, en l’occurrence Pilate : ‘‘ce que j’ai écrit, je l’ai écrit’’. C’est juste pour dire qu’en la matière, c’est l’Institution qui prime, quelquefois même sur ‘‘la justice’’. Et qui dit institution, dit l’homme qui l’incarne; le candidat Gbagbo aurait pu ne pas être proclamé officiellement président, si le président du Conseil constitutionnel en avait décidé autrement; le candidat Ouattara aurait pu ne pas être proclamé vainqueur du deuxième tour, si le président de la CEI, en avait décidé autrement. Comme Pilate (ou le Roi Salomon), chaque président portera devant sa conscience et devant l’histoire, la responsabilité entière de son verdict et de ses conséquences ; sa bravoure ou sa lâcheté sera mise en lumière, en temps opportun et c’est elle qui le blâmera ou l’élèvera; seule la vérité sera alors l’avocat de l’un et de l’autre, et cela, sans complaisance. Je reste cependant perplexe en ce qui concerne le Conseil constitutionnel :
Devant les conditions inhabituelles et embarrassantes de ce procès – surprise, Pilate, à la conscience pourtant éclairée par le Droit romain, a cédé au dictat de la foule, qui l’a poussé à un verdict hâtif et intéressé. J’en suis à me demander (mon ignorance du droit m’excuse), si toute décision du Conseil constitutionnel reste toujours valide, même s’il est avéré qu’il a agi, sous l’effet d’une grave pression, du genre à entamer sérieusement la liberté dont elle aurait dû avoir, pour dire exactement le droit; je veux dire, tel qu’il l’aurait fait, en pareil cas, mais dans de meilleures conditions, c’est-à-dire, en toute liberté, sans contrainte aucune. Autrement dit, serait-il possible par exemple, d’envisager un recours en annulation du verdict du Conseil constitutionnel, en certains cas? La question, pour l’avenir, mérite attention. Un autre organe dans la tourmente, fut l’incontournable Commission électorale indépendante (CEI). Je la vois, dans sa neutralité, comparable à un laboratoire d’analyses médicales, dont les résultats scientifiques, fruit de compétences variées, ne peuvent que correspondre exactement aux données recueillies chez les patients que sont les candidats, en situation d’attente avec le Conseil constitutionnel. Il faut dire que la tâche de la CEI est tellement technique que son Président aurait pu venir du Mali, que cela n’aurait, en rien, gêné la validité des résultats. L’élégance de cette structure vient du fait qu’elle est censée pouvoir se tromper, justement parce que ses conclusions sont mathématiquement vérifiables et donc contestables, n’ayant rien de péremptoire comme celles dogmatiques, du Conseil constitutionnel. Quoi qu’il en soit, autant je crois que M. Gbagbo est le président officiellement élu, parce que tel l’a proclamé le Conseil constitutionnel, autant je crois que M. Ouattara est le vainqueur du deuxième tour du scrutin, parce que tel l’a proclamé la Commission électorale indépendante, l’organe officiel homologué, qui détermine les vainqueurs, avant le Conseil constitutionnel. Si je me fais des doutes sur ce dernier point, c’est-à-dire, sur la victoire des urnes de M. Ouattara; si je commence à relativiser, pour cela, le verdict de la CEI, pour m’attacher à des justifications partisanes aussi valables les unes que les autres, je ne m’en sors plus, parce que tout croule: il me faudra alors tout remettre en cause, à commencer par les résultats du premier tour, tels que proclamés par la CEI et certifiés par l’ONU ; remettre en cause, par exemple, la défaite de M. Bédié, et partant, nier que M. Gbagbo soit vraiment venu en tête du scrutin, que Ouattara en soit le second, etc. et le parallélisme des formes est rompu. En termes clairs, je n’ai pas plus de raison de croire aux résultats de la CEI au premier tour, qu’au deuxième; au contraire, je considère même que sa crédibilité est plus grande au deuxième tour qu’au premier, puisque nombre de défaillances observées au premier tour, ont pu être corrigées au deuxième. Que le vainqueur du second tour tel que proclamé par la CEI, et certifié par l’ONU, ne soit pas confirmé par le Conseil constitutionnel, est un cas d’espèce qui, aux yeux du monde, n’enlève rien au mérite du travail de la CEI, encore moins à celui du vainqueur qu’il a désigné: M. Ouattara. De là vient le fait que dans le monde, au niveau des nations et leurs institutions majeures, les Ivoiriens assistent impuissants, à un autre scrutin informel cette fois-ci, où se joue en fait, la crédibilité de nos deux institutions (CEI et Conseil constitutionnel), et qui sanctionne la qualité strictement professionnelle, de leurs respectives décisions. Et là, c’est la CEI qui inexorablement, est en tête des suffrages. Il faut dire que depuis Honoré Guié jusqu’à Youssouf Bakayoko, des Présidents des Commissions électorales ont revalorisé l’institution, en payant le prix de son ‘‘indépendance’’. On aurait voulu en dire autant pour le Conseil constitutionnel, qui gagnerait aussi à mériter qu’on l’appelle ‘‘indépendant’’ (comme la CEI). En ce qui concerne l’ONU, la certification n’étant pas obligatoire, j’ai du mal à comprendre que les plus hautes personnalités de la Nation se soient concertées, ensuite entendues, pour signer librement un accord avec l’ONU, tout simplement parce qu’elles s’attendaient à ce qu’il soit sans effet, et donc inutile, au moment convenu pour l’appliquer! Si leur confiance en la probité de nos institutions nationales (CEI et Conseil constitutionnel) était sans faille, pourquoi avoir engagé avant les élections, un organisme international de la trempe de l’ONU, pour une certification? Mais si c’est en prévision d’éventuelles défaillances de nos institutions, que nos dirigeants eux-mêmes sont allés solliciter cet arbitrage extérieur pour rassurer les citoyens et garantir la fiabilité des résultats, alors que l’autorité que l’accord confère à l’arbitre, soit respectée et ait tout son effet, conformément aux termes mêmes de l’accord signé par tous! Et pourquoi faut-il toujours qu’en Côte d’Ivoire, il y ait cette race de dirigeants qui signent des accords, pour s’en repentir après? A Marcoussis comme à Pretoria, on a signé; puis une fois à la maison, on s’est rétracté, et réfugié derrière des motifs ‘‘très valables’’, qui étaient pourtant prévisibles, parce qu’ils n’étaient pas absents, quand on signait! C’est à croire que certains s’amusent à prendre le bus, avant de savoir où il les mène. Pour revenir à la certification de l’ONU, j’avoue que je ne suis pas un complexé de la communauté internationale; je suis plutôt le type d’Ivoirien ‘‘patriote’’, qui parle sa langue et passe ses vacances au village et qui sait contourner les humiliations de certains visas… je n’ai pas encore mis pied en France; je sais aussi que cette certification est purement circonstancielle. Sauf que le citoyen que je suis qui, hier, pour la résolution de la même crise, était d’accord quand il s’est agi, sous l’égide de l’ONU, de proroger d’une année le mandat présidentiel, d’accroître les pouvoirs du Premier Ministre etc., au-delà de tout ce que prévoyait la Constitution, ne saurait qu’être d’accord aujourd’hui, que le même organisme, librement sollicité par mon Pays pour la certification des élections, prime encore une fois sur la même Constitution, comme par le passé. Je me demande comment celui qui de bonne foi était d’accord hier, peut-il sans être de mauvaise foi, ne pas être d’accord aujourd’hui, alors qu’il s’agit de la même crise, de la même Constitution et du même organisme sollicité: l’ONU; l’entorse à la Constitution décriée serait-elle plus grave aujourd’hui qu’hier? Et pourquoi? Enfin, par acquit de conscience, je voudrais me tromper en disant ceci: si le Conseil constitutionnel avait entériné les résultats tels qu’annoncés par la CEI, la grande majorité des Ivoiriens n’aurait pas crié au scandale, elle les aurait plutôt acceptés, comme au premier tour. Par contre, pour ce qui est du scrutin à l’intérieur du pays, si la pilule de l’annulation n’a pas passé, c’est qu’elle était trop grosse, et vraiment indigeste; on a voulu l’assimiler à une sorte de péché originel, qui ne frappe que des enfants géographiquement coupables, dont les parents sont exclusivement du RHDP; quant aux autres qui sont des anges, on sait que les bons anges sont sans péché! Et même si tout ce qui est vraisemblable n’est pas vrai, le vrai est au moins vraisemblable; et vu les résultats du premier tour, il est au moins vraisemblable que la coalition du RHDP gagne le deuxième tour. Il est par contre invraisemblable, quels que soient les moyens matériels et humains qu’on aurait éventuellement déployés pour la transparence des élections, dans les zones où elles ont été annulées, que La Majorité présidentielle (LMP) gagne. Les Ivoiriens des deux camps le savent; ils en sont conscients; de là vient le malaise de devoir se réjouir d’une victoire embarrassante, parce qu’acquise constitutionnellement, mais démocratiquement, triste. Dans une finale de foot, si l’arbitre refuse 5 buts à votre adversaire et vous accorde 5 penalties et que malgré cela, vous ne gagniez que par 2 buts de différence, cet arbitre suspect aura jeté le discrédit sur votre victoire; il aurait dû vous laisser perdre loyalement et gagner au moins l’honorable couronne des bons perdants. Loyauté oblige!A propos de la franchise et de la loyauté, un proverbe africain dit ceci: »même si tu n’aimes pas le lièvre pour ses longues oreilles, il faut reconnaître au moins qu’il est rapide »! Parce que là où il est question de rapidité, la beauté des oreilles n’entre pas en ligne de compte; le candidat du RHDP a certainement de longues oreilles, soit! Mais pour les élections, il n’en est pas question! Et pour le commun des mortels, là où il est question de vote, même dans une salle, c’est d’abord une affaire du plus grand nombre. Et quand c’est la loi, la force ou d’autres critères qui priment sur le choix du plus grand nombre, peut-on encore vraiment parler de démocratie? Malheureusement le critère le plus sûr, pour gagner des présidentielles en Afrique, reste encore la force. Comme le faisait remarquer le savant philosophe français Blaise Pascal: «la justice sans la force est impuissante; la force sans la justice est tyrannique; n’ayant pu faire, que ce qui est juste fût fort, on fait en sorte que ce qui est fort soit juste». En Afrique hélas, par dessus la Commission électorale, par-dessus le Conseil constitutionnel, ou même la Certification de l’ONU, il y a une autre instance déterminante et ‘‘supra constitutionnelle’’ à laquelle on fait peu cas: c’est l’armée; c’est elle la dernière instance qui quand elle le veut, peut faire de ses alliés vaincus, des vainqueurs, et des vrais vainqueurs, des vaincus; et cela, grâce à des pactes secrets qui anticipent le verdict des urnes, faisant des élections elles-mêmes de simples formalités à remplir aux yeux du monde, pour parvenir à une seule fin : la victoire à tout prix, en faveur bien sûr, des signataires du pacte. Respectueusement, je voudrais me permettre de lancer un appel à M. Gbagbo et à M. Ouattara.
M. Ouattara, première chose: Je vous invite, à reconnaître M. Gbagbo comme président officiel, parce qu’il l’est réellement et surtout parce qu’il vous reconnaît, au moins tacitement, comme président légitime. Et la preuve manifeste de cette reconnaissance, c’est que conformément à la Constitution, il aurait dû vous faire arrêter, dès lors que vous vous êtes auto-proclamé‘‘président’’ dans les environs même de sa résidence. Or, au lieu d’arrestation, il est plutôt question de négociation… L’officiel peut-il vouloir négocier avec l’illégitime, quand il est manifestement sous le coup d’une aussi grave infraction? Il y a donc un non-dit qui équivaut à une reconnaissance. En vous appelant ‘‘le légitime’’, je ne veux en rien vous déclasser; je ne suis pas juriste et je pourrais me tromper en disant que notre Constitution actuelle porte ‘‘la signature’’, non pas d’un ‘‘président officiel’’, mais ‘‘d’un président légitime’’, qui en a la paternité: le Président Robert Guéi. Si par respect pour la Constitution, je reconnais ‘‘l’officiel’’, je me dois donc de ne pas mépriser ‘‘le légitime’’ – jurisprudence oblige – puisque c’est par un légitime que cette Constitution a vu le jour. Deuxième chose: M. Ouattara, vous êtes aujourd’hui le mentor du Rassemblement des Houphétistes pour la Démocratie et pour la Paix (le RHDP); l’occasion vous est donnée à vous et à ce parti, non pas de justifier le recours à la violence, mais de vous faire plutôt violence, pour démontrer aux yeux du monde, l’authenticité de ce que vous êtes: un rassemblement pour la paix. ‘‘La paix n’est pas un vain mot, c’est un comportement’’; l’histoire peut-elle excuser qu’un parti qui se réclame d’Houphouët, accède pour la première fois à la Magistrature suprême, par les armes? ‘‘La paix, disait-il, c’est notre deuxième religion’’; soyez donc des houphouétistes pratiquants de sa religion et ne cédez pas à la tentation de l’impatience ou de la facilité, en demeurant fidèles à l’arme que vous avez choisie: la non violence. De Jésus jusqu’à Houphouët, en passant par Gandhi et Martin L. King, cette arme a fait ses preuves. N’entachez donc pas votre belle histoire naissante, avec le sang d’innocents, trop innocents pour ne pas croire sincèrement à votre idéal de paix. Souvenez-vous du jugement du Roi Salomon: si la Côte d’Ivoire était le bébé à diviser, des deux dames que vous êtes, le RHDP n’a pas d’autre choix, pour le moment, que celui de céder son bébé à l’autre dame, pour qu’il vive; si renoncer à une victoire reconnue, peut sauver la Côte d’Ivoire d’un bain de sang, est-ce un trop grand sacrifice à faire, pour des partisans du Président Bédié et compagnie? Un appel à Gbagbo. J’ai parié avec un ami que si vous perdiez, vous partiriez, et ainsi, entreriez dans la gloire; j’étais sincère, me disant que de moins méritant que vous l’ont fait en Afrique et vous êtes assez futé pour faire ce choix glorieux et reposant. Mes raisons? Vous êtes issu d’un peuple connu en Côte d’Ivoire pour sa franchise cynique et son refus quasi instinctif de l’injustice; digne fils de ce peuple, vous êtes considéré à juste titre comme le Père de l’opposition ivoirienne, que vous avez organisée et représentée dignement comme premier et unique adversaire du Père fondateur de la Nation; vous êtes vu comme le démocrate ivoirien, par excellence, qui après la prison, l’exil, la galère a le plus concouru à l’avènement effectif du multipartisme en Côte d’Ivoire ; vous avez la paternité de la presse de l’opposition en Côte d’Ivoire; vous êtes l’initiateur sinon le créateur du ‘‘dialogue direct’’ qui a débouché sur des élections voulues aussi chères que transparentes possibles; récemment, vous fûtes le patriote avisé, qui refusa que l’armée de son Pays, défile sur une terre étrangère. Chapeau! La logique de tout cela voudrait bien qu’une défaite acceptée vous auréole d’une gloire encore plus grande qu’une victoire étriquée, qui ternirait à coup sûr, votre glorieuse carrière! Voilà pourquoi j’ai parié sur votre départ effectif du pouvoir, en cas de défaite. Ai-je perdu? Monsieur le Président, avec un tel palmarès, vous ne quittez pas le pouvoir, si vous le quittez, mais entrez dans l’histoire par la porte qui logiquement convient à votre taille: la grande. Aujourd’hui, Monsieur le Président, entre une victoire qui n’en est pas vraiment une, et une défaite qui n’en est pas vraiment une, je choisirais pour vous, le moindre mal: la défaite! Car, sachez-le, Monsieur le Président, votre défaite, en avoisinant les 20% avec feu Houphouët-Boigny, vous honore plus que cette obscure victoire à l’arraché, de 51% avec ADO, et boudée par le monde entier. Le Général De Gaule, en 1969 a-t-il été diminué en quelque chose par sa défaite au référendum et son départ de la politique ? Monsieur le Président, pour l’admiration que je voue à votre personne, admiration que je partage avec nombre d’Africains et mes frères et sœurs du même département (Jacqueville)qui vous ont voté à 85% des suffrages, j’aurais même souhaité que vous ne vous présentiez même pas à ces élections qui s’annonçaient, tumultueuses ; ce qui aurait ajouté un autre galon à votre gloire; mais tant pis, vous vous êtes présenté; j’ai parié que vous vous seriez retiré en cas de défaite, et vous êtes encore là. Pour ce nouveau mandat nébuleux auquel vous tenez beaucoup, permettez que je donne ma langue au chat, tout en souhaitant qu’il ne donnera pas l’occasion à l’histoire de dire de vous: ‘‘il fut grand, certes, mais il a plus aimé le pouvoir que son peuple’’. ‘‘Quand le Seigneur, le tout-puissant a pris une décision, qui pourrait la casser? Quand il étend la main, qui la lui ferait retirer?’’ (Is 14, 27) On n’impose rien à Dieu, et sera finalement, le président de la Côte d’Ivoire, celui qu’il élira, d’où qu’il viendra. En attendant, Messieurs les présidents, faites vite quelque chose, car en même temps que l’économie, ce sont nos cœurs de citoyens qui saignent; et le stress que vous avez installé nous tue au jour le jour, et la galère nous étreint. On dit chez nous que lorsque deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtît. L’herbe aujourd’hui, c’est le peuple de Côte d’Ivoire. Combien pourront conserver leurs emplois demain; combien arriveront à payer leurs médicaments; on se soigne au rabais dans les familles, on se nourrit comme on peut. Plus grave, la hantise d’une guerre civile renvoie des citoyens hors de nos frontières.
Qu’attendez-vous encore?»
Monseigneur Jean Salomon Lézoutié
Evêque coadjuteur du diocèse de Yopougon
Ancien évêque du diocèse d’Odienné
Ancien recteur du grand séminaire d’Anyama
E mail: lezoutiesalomon@yahoo.fr