C’est une source diplomatique qui livre les secrets du huis-clos entre Laurent Gbagbo et les « Elders » (anciens). Elle revient dans les détails sur cette rencontre tenue, lundi 2 mai 2011, à Korhogo. Cette source rapporte que Kofi Annan, Desmond Tutu Mary Robinson -membres des « Elders »- ont demandé deux choses à l’ex-président ivoirien pendant l’entretien de 45 minutes qu’ils ont eu avec lui. Ils ont voulu d’abord qu’il reconnaisse la victoire d’Alassane Ouattara et qu’il appelle ses partisans à déposer des armes. Les « Elders » l’ont ensuite exhorté à s’impliquer de façon active dans le processus de paix pour « une gouvernance tranquille » dans le pays. Avant de répondre à ces « requêtes », le chef de l’Etat déchu a cherché à savoir son statut juridique. Pour lui, il est détenu sans motif d’inculpation. Plus encore, M. Gbagbo a soutenu qu’avec son statut, s’il doit être jugé, cela ne peut se
faire que devant la Haute cour de justice et non devant un tribunal de droit commun.
Pour ce qui est des préoccupations de ses « hôtes », il a dit qu’il ne pouvait pas demander à des personnes qu’il ne connaît pas de déposer les armes. L’ancien numéro 1 ivoirien a expliqué à ses visiteurs qu’il a exigé aux Forces de défense et de sécurité (Fds) de cesser tout acte de guerre depuis le 8 avril 2011. Ce qu’ils ont fait, a-t-il souligné, ajoutant qu’il n’est pas un chef de guerre pour appeler à un quelconque dépôt des armes de miliciens et autres mercenaires. Laurent Gbagbo a rappelé que Philippe Mangou, le chef d’état-major des armées, qui était sous son autorité, avait demandé, en son temps, un cessez-le-feu avec la force Licorne et l’Onuci (Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, Ndlr). Il a fait savoir que les Fds ont fait allégeance à Alassane Ouattara. Il a dit aux « Elders » de voir le général des corps d’armée, Philippe Mangou pour qu’il parle à ceux qui continuent de se
battre si tant est qu’ils sont identifiés comme des éléments des Fds.
Les conditions de Gbagbo
Mary Robinson a fait quasiment la même révélation, mardi 3 mai 2011, sur les antennes de Radio France internationale (Rfi). A la question du confrère de savoir si M. Gbagbo n’a pas voulu « appeler ses supporters à déposer les armes », l’ancienne présidente d’Irlande a confié : « Non, il n’a pas voulu faire ça (…). Il a dit qu’il ne voulait pas faire quelque chose d’artificiel, mais il voulait qu’il y ait la paix et la prospérité… ».
Relativement à la reconnaissance de la victoire de M. Ouattara, l’ex-homme fort d’Abidjan s’est dit persuadé que sa déclaration ne changera rien. « Que je reconnaisse ou pas la victoire de quelqu`un, ce n’est pas ce qui va donner la paix à la Côte d’Ivoire. Depuis 2006, je disais que je voulais la paix. Ce qui passait forcement par le désarmement. Les autres, y compris Annan assis ici, demandaient les élections. Quand Annan disait que ce sont les élections qui allaient ramener la paix dans le pays, j’avais dit non et vous voyez maintenant pourquoi je disais cela. Mais mieux, le problème de reconnaissance ne se pose pas dans notre pays vu qu’il y a des institutions qui sont là pour ça… », a déclaré Laurent Gbagbo, selon notre source diplomatique. Qui précise que, finalement, Desmond Tutu a pris la parole, invitant M. Gbagbo, « en tant que nationaliste et chrétien », de tout de même parler à ses partisans.
L’archevêque sud-africain a affirmé qu’il sait que Laurent Gbagbo souffre de voir la Côte d’Ivoire dans cette situation. L’ancien président ivoirien a donné son accord, mais a posé des conditions. Il a souhaité la libération de tous les prisonniers, que la chasse à l’homme cesse et que la partie civile de la crise post-électorale commence. Le candidat de La majorité présidentielle (Lmp) à la dernière présidentielle a estimé que les armes ne règlent jamais les conflits. Il a fait remarquer que malgré « les bombes françaises », les médiateurs viennent le voir pour négocier une sortie de crise pacifique.
Les « Elders » ont dit avoir pris bonne note de ses préoccupations. Les deux parties ont promis de se revoir ou de se téléphoner.
Le Garde des Sceaux, ministre d’Etat, ministre de la Justice, Me Ahoussou Kouadio Jeannot était du voyage. Outre la question de l’audition de Laurent Gbagbo dont il a parlé dans la presse, Me Ahoussou Kouadio Jeannot lui a demandé si son séjour se passait bien et si les journaux, surtout ceux de la presse internationale, arrivent fréquemment.
Pour le reste, notre source a rapporté que l’ex-locataire du Palais présidentiel ivoirien -comme l’ont souligné les « Elders »- est apparu souriant, détendu et avait bonne mine.
SYLLA A.