De plus en plus visible dans le monde, le cinéma africain francophone reste confidentiel en Afrique

Le 5 décembre dernier ont été remis à Abidjan les Trophées du cinéma francophone 2015, où l’Afrique s’est taillée la part du lion. L’événement, auquel assistait notamment Dominique Nouvian Ouattara, présidente de l’association Children of Africa et Première dame de Côte d’Ivoire, a récompensé un certain nombre de talents d’une industrie florissante, plus vivante que jamais. Si les yeux des cinéphiles du monde entier ne se tournent pas encore tous vers l’Afrique, tout porte à croire que ça pourrait bientôt être le cas. Et les yeux des Africains, eux ? Faute d’écrans de cinéma, ils n’ont bien souvent pas accès à cette riche production.
Le cinéma africain francophone en phase ascendante 
Début décembre 2015, ceux qui ont fait le cinéma francophone l’année dernière ont été récompensés : la Burkinabée Maïmouna N’Diaye et l’Ivoirien Abdoul Karim Konaté (qui ont respectivement reçu le trophée de l’interprétation féminine et masculine), le Tunisien Kaouter Ben Hania (trophée de la réalisation pour son film Le Challat de Tunis), le Mauritanien Abderrahmane Sissako (trophée du long métrage de fiction pour son film Timbuktu), pour n’en citer que quelques uns.
L’événement en soi est une très bonne nouvelle pour le cinéma francophone, en particulier africain. En effet, comme le soulignait récemment le critique sénégalais Baba Diop, l’existence de festivals nationaux et internationaux est un indice de la bonne santé de la production cinématographique africaine. A celui d’Abidjan s’ajoutent notamment les festivals de Khouribga, Yaoundé, Tunis, Ouagadougou ou encore Le Caire et Dakar. S’ils proposent des vues panoramiques sur la production africaine, certains festivals sont consacrés à des questions d’actualité telles que les droits de l’homme ou la situation des femmes dans le monde. Dans tous les cas, ils prouvent qu’il existe de la matière pour alimenter ces rendez-vous rassemblant des cinéphiles du monde entier.
Baba Diop soulignait également le rôle que la mise en place d’un environnement juridico-économique a joué dans le développement du cinéma dans plusieurs pays du continent africain. Le Maroc, la Tunisie, le Tchad, le Sénégal ou encore le Gabon ont compris que le septième art peut aussi être une industrie et que le film est générateur de valeur ajoutée : visibilité du pays, tourisme, emploi… Cela les a conduits à favoriser la création d’organismes autonomes pour la gestion du cinéma, équivalents du Centre national du cinéma (CNC) en France.
Un cinéma engagé, mais trop peu connu, y compris et surtout en Afrique
L’organisation de festivals, la création d’une industrie, le développement de politiques culturels et la généralisation des nouvelles technologies ont permis l’émergence d’une nouvelle génération de réalisateurs. Il s’agit de jeunes avec un engagement citoyen certain et une volonté de changer les mentalités. Les principaux rendez-vous cinématographiques du monde les ont par ailleurs repérés et récompensés. Ainsi, le film Les chevaux de Dieu (2014), du Marocain Nabil Ayouch, avait reçu de nombreuses distinctions, dont le prix François-Chalais à Cannes et une nomination aux Oscar dans la catégorie « meilleur film en langue étrangère ». Sans oublier bien sûr le film Run, de l’Ivoirien Philippe Lacôte, à l’honneur au Festival de Cannes en 2014. Yared Zeleke et Souleymane Cissé font également partie des noms du cinéma africain francophone que le monde n’ignore plus.
Tout comme les festivals nationaux, les événements internationaux sont d’une importance capitale pour ce cinéma. Alors qu’il doit faire face à l’absence de salles de diffusion dans les pays d’Afrique, ces rendez-vous prestigieux constituent des vitrines incontournables afin d’attirer de nouveaux publics. Or, la tâche est difficile car malgré les progrès importants et la ténacité à toute épreuve de certains réalisateurs, artistes et producteurs, la plupart des films souffrent d’une diffusion insuffisante dans leurs propres pays faute de salles. Beaucoup d’Africains sont privés d’écrans de cinéma, y compris dans de grandes villes telles que Tunis, Alger, Bamako, Dakar ou Kinshasa.
Dans ce contexte, il est urgent de développer des politiques permettant l’accès du public africain au septième art. La récente édition des Trophées du Cinéma Francophone à Abidjan va très justement dans ce sens. En effet, un des principaux objectifs du festival est l’ouverture de salles, ce qui ne sera possible que si les cinéastes et le public disposent de lieux de rencontre et d’échange. En favorisant l’existence de cet espace de création qui augure la renaissance du cinéma en Côte d’Ivoire et en Afrique, Dominique Nouvian Ouattara et toutes les personnalités présentes aident la production cinématographique africaine à relever un redoutable défi. Il s’agit d’une initiative dont il faut se réjouir car le cinéma est probablement l’art le plus à même de permettre aux Africains et à tous les peuples de s’approprier leur image et de modifier leur destin.

By: Seydina Kanté

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