Les négociations sont dans l’impasse. L’Afrique demande à l’Europe de réviser le mandat de négociation de la Commission pour en sortir.
Les Accords de partenariat économique devraient être au cœur du 3ème Sommet Afrique-Europe, car c’est peut-être l’ultime chance de les sauver. Alors qu’il aurait dû être conclu avant fin 2007, l’accord s’avère toujours impossible.
Les ACP demandent même « aux Etats membres de l’UE d’examiner la possibilité de réviser le mandat de négociation sur les APE donné à la Commission européenne en juin 2002 ».
La conférence des ministres du Commerce de l’Union africaine, du 29 octobre au 2 novembre 2010 à Kigali, au Rwanda, estime que ce sommet « présente une bonne opportunité pour l’Afrique et l’Europe d’engager un dialogue politique au plus haut niveau, et trouver ensemble des solutions aux préoccupations communes relatives aux APE ».
C’est que les ministres, réunis pour « un examen et une évaluation critiques de l’état actuel des négociations sur les APE », malgré toutes les circonvolutions propres à l’Union africaine, n’ont eu d’autre choix que de reconnaître l’échec des pourparlers. Elle exhorte, en conséquence, les « chefs d’Etat et de gouvernement d’user de leur influence individuelle et collective afin de sortir les négociations des APE de l’impasse ».
Les ministres avaient constaté « l’absence de progrès dans le règlement des différends entre les parties sur un certain nombre de points controversés ». La déclaration cite nommément la nécessité pour l’UE de « consacrer des ressources supplémentaires, prévisibles et durables, qui serviront spécifiquement à financer les coûts d’ajustement relatifs aux APE et renforcer les capacités productives ». L’Europe s’y refuse obstinément, se contentant d’annoncer son intention de puiser dans différents programmes, pour des montants qui ne font pas le dixième des exigences africaines.
ACP
Il était difficile aux ministres de dire moins, puisqu’auparavant la Réunion de coordination entre l’Union africaine et les Communautés économiques régionales chargées des négociations avec l’Union européenne, qui s’est tenue à Lusaka, en Zambie, les 7 et 8 octobre 2010, avait déjà abouti à une telle conclusion.
La 92ème session du conseil des ministres d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, tenue à Bruxelles du 8 au 10 novembre 2010, a encore été plus catégorique. Les ministres rappellent dans leur résolution l’esprit des APE. « Ces accords ont été conçus pour préserver les préférences octroyées aux Etats ACP, tout en faisant obligation à ces pays d’ouvrir en retour leurs marchés aux produits européens, en conformité avec leurs choix politiques et leurs niveaux de développement ».
Au lieu de quoi, « l’UE continue d’exiger que la libéralisation des marchés ACP ne se limite pas au seul commerce des biens – ce qui suffirait à satisfaire aux exigences de l’OMC –, mais que les APE « complets » devraient également prévoir la libéralisation des services, des investissements et des marchés publics, des règles de concurrence, le renforcement de la protection des droits de propriété intellectuelle, des dispositions relatives aux indications géographiques et au développement durable, ainsi que l’instauration d’une coopération dans le domaine fiscal (…) et l’élimination des droits de douane pour au moins 80% des échanges commerciaux dans un délai de quinze ans ».
Les pays ACP estiment que leur marge de manœuvre serait trop étroite quant à l’appui à leurs industries manufacturières et à leur production agricole livrée à la concurrence des importations subventionnées.
Pressions
Les ACP déplorent qu’un certain nombre de pays ACP aient été contraints de signer des accords individuels, mettant ainsi en péril l’intégration régionale. 36 pays sur les 77 du Groupe ACP ont soit paraphé, soit signé un accord intérimaire ou complet avec l’UE.
Les ACP s’inquiètent enfin des « fortes pressions exercées par les négociateurs européens sur les Etats ACP pour les amener à signer des accords qui ne prennent pas pleinement en compte leurs préoccupations et leurs intérêts ».
Ils demandent même « aux Etats membres de l’UE d’examiner la possibilité de réviser le mandat de négociation sur les APE donné à la Commission européenne en juin 2002 ». Le problème est donc désormais clairement politique. C’est le mandat donné à la Commission qui constitue son cadre de négociation. Les ACP, constatant l’impossibilité de conclure un accord sur cette base, veulent que le sommet, qui est une instance politique de décision, reprenne le dossier et fixe de nouveau objectifs. Faute de quoi, l’impasse perdurera.
A Kigali, les ministres du Commerce ont demandé au président de la Commission de l’Union africaine d’engager un dialogue avec la CE au plus haut niveau politique, avant le Sommet Afrique-Europe. Malheureusement, jusqu’au moment de notre bouclage, Jean Ping n’avait pas encore déféré à cette invite, comme s’il pouvait avoir affaire plus importante à traiter.
CES
Les Afriques