La première ministre noire de l’histoire italienne, Cécile Kyenge, a affirmé vendredi que l’Italie n’était « pas raciste », estimant que les actes racistes dont elle a été la cible témoignent plus d’un « manque de mémoire », dans un entretien exclusif à l’AFP en marge d’un sommet à Cali, en Colombie, consacré à la diaspora africaine.
« L’Italie n’est pas raciste, elle n’est pas xénophobe. Il y a des épisodes racistes mais cela ne condamne pas tout un pays. Ils se produisent car les jeunes manquent de mémoire », a déclaré à l’AFP Mme Kyenge, hôte du 3e « Sommet mondial des maires et dirigeants africains et de descendance africaine ».
Depuis sa nomination en Italie, la ministre de l’Intégration, originaire de l’ex-Zaïre, a dû affronter plusieurs manifestations d’hostilité de la Ligue du Nord, un parti anti-immigrés d’opposition, dont un sénateur l’a comparée à un orang-outan. Fin juillet encore, elle a essuyé des jets de bananes lors d’un meeting.
« Parfois, nous connaissons des actes de racisme. Pas tout le pays. Ce sont quelques personnes et c’est vrai que pour beaucoup, cela a été difficile d’accepter qu’une personne originaire d’un autre pays, d’une autre race, d’une autre couleur, ait une responsabilité importante dans le gouvernement », a poursuivi Mme Kyenge.
Selon la ministre, certains Italiens ont perdu le souvenir que l’Italie est « un pays d’immigration et d’émigration ». « Je crois qu’il est possible de changer cette culture », a-t-elle ajouté, avant d’assurer: « l’insulte ne me touche pas, je continuerai à lutter ».
La veille, à son arrivée en Colombie, Mme Kyenge a reçu un hommage de la part de centaines de participants au sommet et du vice-président colombien Angelino Garzon, qui lui a offert un sac fabriqué par une communauté indienne. Un concert baptisé « Adieu racisme » a aussi été donné en son honneur.
La ministre, qui vit en Italie depuis l’âge de 18 ans, a aussi confié avoir perdu un peu de sa liberté en acceptant un poste au gouvernement, ce qui lui a valu des lettres des menaces.
« Il y a eu pas mal de changements, avant j’étais libre de faire plein de choses, alors que maintenant je suis accompagnée dans le pays par un garde du corps », a-t-elle expliqué. Aucun regret toutefois, car son exemple permet de servir sa cause: que chacun puisse « vivre et travailler dans le pays de son choix ».
« Je dois être forte (…) afin d’apporter des solutions aux immigrés qui décident de rester en Italie et pour faire comprendre aux Italiens que l’immigration et la diversité sont de bonnes choses pour un pays, pour sa politique, pour son économie », a ajouté cette ophtalmologiste de 48 ans, mère de deux enfants.
Près de 2.000 responsables politiques africains ou d’origine africaine sont attendus au sommet, qui s’achèvera à Carthagène, l’ancien port des Caraïbes spécialisé dans la traite des esclaves à l’époque coloniale.
Parmi les invités figure notamment M. Mbeki, qui a dirigé l’Afrique du sud entre 1999 et 2008, succédant au héros de la lutte contre l’apartheid Nelson Mandela.
La Colombie, 47 millions d’habitants, constitue après le Brésil le second pays d’Amérique latine comptant la plus forte communauté d’origine africaine, soit plus de 20% de la population.