C’est officiel. La prestation de serment couplée de la cérémonie d’investiture du tout nouveau président de l’Etat malien aura lieu le mercredi 4 septembre prochain. Pour l’occasion, c’est le célébrissime centre international de conférence de Bamako (CICB) qui abritera les festivités. Après l’intense émotion des deux semaines des 1er et 2e tour des présidentielles, les maliennes et maliens s’apprêtent à vivre un autre instant de leur vie. Voir Ibrahim Boubacar KEITA brandir les clés du palais de Koulouba. Oui, le peuple malien vient de loin. Après avoir subi humiliation de la part d’une cohorte de rebelles venus de la Libye et autres intimidations infligées par certains voisins de la sous-région, les maliens peuvent retrouver le sourire et un peu de leur dignité depuis les présidentielles des 28 juillet et 11 août dernier. Car au Mali, la dignité est sacrée. On comprendra très vite pourquoi, alors qu’il est présenté au monde entier comme un putschiste, l’ex capitaine devenu général, Amadou Haya Sanogo continue d’être vénéré au Mali. Les maliens avaient besoin d’un homme capable de laver leur « visage » face à la poussée des rebelles du MNLA. Et Sanogo était là pour le service. Bref, même si la France peut être considérée comme le sauveur sans qu’elle-même ne crie gars, pour bon nombre de maliens, leur héro reste le général Sanogo, l’enfant de Ségou. Et c’est sans surprise que son ombre planera sur la cérémonie qui s’annonce. Ce n’est un secret pour personne, l’homme aura pesé de tout son poids pour non seulement garantir la sécurisation du processus électoral mais son rapprochement avec le candidat du RPM n’a pas été négligeable pour l’élection de ce dernier à la magistrature suprême. IBK lui-même le sait. Tous les maliens le savent. Seulement, voilà que l’homme que la CEDEAO présidée par le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, a livré à la vindicte populaire pourrait devenir incontournable dans le système IBK.
L’autre point de discorde entre l’actuel président ivoirien et son voisin malien serait son ingratitude envers un peuple qui l’a soutenu à un moment donné.
Lorsque Ouattara décide de devenir coûte que coûte le président des Ivoiriens, il peut compter sur la France, mais sur le terrain, il pouvait compter sur ses compatriotes du Burkina Faso et ses cousins maliens. En moins de deux semaines, plusieurs milliers de soldats de l’armée malienne et autres jeunes ont été enrôlés sous prétexte d’aller aider un cousin à prendre le pouvoir à Abidjan. Ces hommes après avoir servi de bétail électoral seront mis à contribution comme des chairs à canons. A tel point que lorsque le président Gbagbo perdit le pouvoir en Côte d’Ivoire après des nuits d’intenses bombardements de l’armée française, cela fut fêté à Bamako comme si les aigles du Mali avaient gagné la coupe du monde de football. Finalement, au moment où le Mali s’attendait à ce que son allié ivoirien et de surcroit président de la CEDEAO lui renvoie l’ascenseur face à sa rébellion, c’est à coup d’embargo sur les armes et autres refus de déployer ses militaires que répondit le frère musulman, Ouattara. Cette attitude, les maliens ne la digèrent pas.
Aussi, comment comprendre que depuis l’arrivée de Ouattara aux affaires, la Côte d’Ivoire n’ait toujours pas d’ambassadeur au Mali ? Le Mali et la Côte d’Ivoire ont été de tout temps deux pays frères. Aujourd’hui même si le peuple malien peut regretter d’avoir suivi Ouattara naïvement, en rejetant Gbagbo hier, ils sont plus que jamais déterminés à rendre la monnaie à Ouattara. C’est donc dans cette ambiance peu reluisante qu’est annoncée la présence de plus de 25 chefs d’états, Ouattara y compris, le 4 septembre prochain à Bamako.
Le FPI en Guest star
Celui qui vient de prendre le pouvoir au Mali est certes malien, mais IBK reste socialiste (vice président de l’international socialiste), donc un allié idéologique du FPI mais aussi un fidèle ami du président Laurent Gbagbo. Ancien ambassadeur du Mali en Côte d’ivoire, celui qui avait été déclaré persona non grata par Houphouêt-Boigny pour ses amitiés avec l’opposant d’alors, Laurent Gbagbo, connaît bien le marigot politique ivoirien.
IBK est aussi connu pour son intransigeance. Et il se raconte au Mali qu’il aurait pesé de tout son poids s’il était président en 2010 dans la crise postélectorale, en faveur de son frère Gbagbo. Aujourd’hui, il l’est et serait prêt à apporter sa compassion au FPI. Il ne sera donc pas surprenant si le Front Populaire Ivoirien qui a vu plusieurs de ses membres libérés récemment, foulait le sol malien dans les prochains jours, pour eux aussi féliciter un camarade. Devrait-on voir dans ce déplacement du FPI au Mali, une autre offensive diplomatique sous régionale après celle entreprise en Europe sous la direction intérimaire de Miaka Ouretto ? En tout cas, ce ne sera pas un voyage de trop pour Miaka qui cédera le fauteuil à son alter égo, Pascal Affi Nguessan, le 7 septembre prochain.
Philippe Kouhon