Charles Blé Goudé, proche de Laurent Gbagbo, a appelé les Jeunes Patriotes à s’enrôler dans l’armée. Course aux armes, constitutions de milices. La crise post-électorale née en novembre dernier pourrait dégénérer en guerre civile.
La Côte d’Ivoire est-elle à la veille d’une guerre civile? Les récents appels à l’enrôlement de civils dans l’armée lancés par Charles Blé Goudé, ministre de la jeunesse et responsable des Jeunes Patriotes font craindre le pire. Le 21 mars, ce proche du président sortant Laurent Gbagbo appelait les adhérents de son mouvement à rejoindre l’armée. Autrement dit, à constituer une large milice. Samedi et dimanche derniers, un grand rassemblement, en forme de démonstration de force, a réuni les Jeunes Patriotes à Abidjan dans un quartier acquis à Gbagbo. L’enrôlement de civils n’est pas inédit en Côte d’Ivoire, comme le rappelle Bernard Conte, chercheur spécialisé sur la Côte d’Ivoire au Centre d’Étude de l’Afrique Noire de Bordeaux :
En 2002, des milices avaient été constituées et le désarmement, officiellement annoncé, n’a été suivi que très partiellement dans les faits.
Aucun désarmement n’a eu lieu avant l’élection présidentielle du 28 novembre dernier.
Les Forces de Défense et de Sécurité fidèles à Gbagbo
L’armée ivoirienne – les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) – est restée fidèle à Laurent Gbagbo. Blé Goudé a exhorté les Jeunes Patriotes à s’enrôler en son sein. La mobilisation qui a suivi a été forte, mais le chiffre de 100 000 enrôlements avancé par Blé Goudé paraît peu crédible à Bernard Conte. Pour Philippe Hugon, chercheur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), 20 000 personnes auraient suivi l’appel de Blé Goudé. D’autres sources évoquent un succès très relatif de cet appel qui témoignerait d’un épuisement des canaux de recrutement traditionnels. Les Jeunes Patriotes constituent habituellement un terreau de recrutement pour le clan de Laurent Gbagbo.
“La distribution des armes reste encore limitée”, explique Philippe Hugon. Les FDS recevraient des armes d’Angola, un État allié de longue date à la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo. Ce soutien n’est pas indéfectible. L’Angola a lâché le président sortant jeudi dernier en reconnaissant le président élu Alassane Ouattara. Bernard Conte émet aussi des réserves sur l’envoi de matériel de guerre, les voies maritimes étant très surveillées.
Combats à l’arme lourde
Les Forces de Défense et de Sécurité disposent d’un arsenal militaire important, y compris du matériel lourd : mortiers, lance-roquette et hélicoptères de combat. La vigueur des affrontements en cours laisse penser que les forces de Ouattara disposent aussi d’armes lourdes. Des tirs d’obus et de mortiers ont été entendus hier à Duékoué dans le cadre d’une large offensive des Forces Républicaines vers deux villes de l’Ouest, Duékoué et Daloa, et une ville de l’Est du pays, Bondoukou. Verrouiller l’Ouest permettrait aux forces de Ouattara d’empêcher Laurent Gbagbo de recruter des miliciens du Libéria, voisin à l’Ouest. En décembre, 2 000 à 3 000 miliciens libériens stationnaient dans la région.
Les Forces Républicaines assurent avoir pris le contrôle de Duékoué. Philippe Hugon rappelle les faiblesses de l’armée de Ouattara :
Les forces d’Alassane Ouattara, notamment le Commando Invisible, ne sont pas très aguerries. Ce sont beaucoup de caporaux qui sont soudainement devenus généraux. Ils ont plus une tradition de prédation que de combat.
Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, bénéficie du soutien du Burkina Faso, pays frontalier au Nord. Les armes des Forces Républicaines pourraient être fournies par Ouagadougou, ce qui pose la question de leur transport vers le Sud où les forces de Ouattara sont rassemblées.
L’ONU recense 462 morts depuis le début de la crise, il y a quatre mois. Le scénario de la guerre civile n’est pas exclu même si Laurent Gbagbo apparaît en difficulté. Les désistements augmenteraient au sein des FDS. L’asphyxie financière sur Laurent Gbagbo commence à faire effet : il sera difficile de payer les fonctionnaires et l’armée au mois de mars. “Les motivations des Jeunes Patriotes enrôlés dans les FDS sont largement économiques, s’ils ne sont pas payés, ils passeront dans le camp adverse” confie Bernard Conte. Avant d’avertir : “Gbagbo est une bête blessée, il peut très bien tenter le tout pour le tout en se lançant dans la guerre civile”.
Un scénario crédible pour Philippe Hugon qui insiste sur le discours ethnonationaliste très violent des Jeunes Patriotes.
La haine de l’étranger fait craindre le pire en cas de bataille à Abidjan. Sur ce point, on peut faire un rapprochement avec la situation au Rwanda [avant le génocide].
Constitution de milices, combats à Abidjan et dans le reste du pays, le cessez-le-feu signé en 2003 est plus que jamais menacé. Créée en 2004, l’Opération des Nations-Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) est chargée de faire respecter ce cessez-le-feu. Elle compte environ 10 000 casques bleus, soutenus par la force Licorne, un bataillon français d’environ 900 militaires stationnés à Abidjan.
par Pierre Alonso
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