La grande effervescence au niveau de la fédération ivoirienne de football depuis quelques jours, c’est d’avoir réussi à enrôler Wilfried Zaha en équipe nationale séniore de Côte d’Ivoire. Les réseaux sociaux aussi bien que la presse ivoirienne s’y sont mis à cœur joie. Et c’est à raison, car la nouvelle recrue est un garçon pétri de talents, qui s’ils sont bien encadrés peuvent redonner à l’équipe ivoirienne l’étoile qui lui manque depuis la retraite de Didier Drogba et Yaya Touré.
Mais au moment où les ivoiriens célèbrent, Alan Pardew, l’actuel entraîneur en club (Crystal Palace London) de Wilfried Zaha sans se vouloir un rabat-joie, a déploré une perte du côté anglais car selon lui, c’est malgré lui que Zaha a opté pour son pays de naissance. Selon le technicien londonien, c’est par dépit que Wilfried s’est résolu à porter le maillot ivoirien.
Pour Alan Pardew, tout joueur de haut niveau rêve de faire valoir ses talents dans une équipe nationale. Ayant commencé sa carrière internationale avec les Juniors anglais, Wilfried aurait bien voulu s’engager pleinement avec les seniors avec lesquels il a disputé deux matches amicaux ; ce qui lui a d’ailleurs permis de choisir la Côte d’Ivoire. Car s’il avait joué des matches compétitifs avec l’équipe nationale séniore anglaise, le joueur n’aurait plus pu jouer pour un autre pays.
Dans tous les cas, les dés sont maintenant jetés et le jeune homme a choisi son camp. Mais souvenons que c’est depuis des années que le pays d’origine de ses parents lui fait la cour. C’est Didier Drogba himself qui avait entamé les discussions quand il était encore capitaine des Eléphants. C’était en 2013 et Wilfried était à la Une des plus grands journaux britanniques. Manchester United était à ses pieds. Et Alex Fergusson réussit d’ailleurs le grand coup de faire de lui sa dernière recrue avant de prendre sa retraite.
En ce moment, la presse londonienne, comme elle sait le faire, venait de construire sa star à qui elle prédisait des lendemains à la Ronaldo. Puis Zaha s’en alla à Manchester. La première surprise, c’est que Fergusson n’avait plus d’emprise sur les décisions techniques au quotidien dans le club. A Manchester, c’était désormais David Moyes qui faisait la loi. Avec autour de lui les ex-joueurs du club devenues légendes vivantes.
Wilfried Zaha appris très rapidement à ses dépens que le climat interne était très loin de ressembler à celui de Crystal Palace où il était l’idole des fans. Très rapidement, l’entraîneur lui préféra Januzaii, un autre jeune de 18 ans. On ne lui accorda aucun moment d’adaptation. Après seulement deux matches, il fut décrété que Zaha n’était pas à la pointure de Manchester United. Il passa le reste de la saison sur le banc de touche à se mordre les ongles. Les seules nouvelles qui filtraient sur sa personne, c’était des choses extra sportives. On l’accusa de flirter avec la fille de Moyes.
Au fil des semaines, la grisaille le gagnait. Et puisqu’il ne jouait pas en club, il était naturel qu’il ne fut pas sélectionné en équipe nationale. Quoi de plus normale ! Toutefois, il est honnête de dire que Wilfried Zaha a fait les frais d’une période où la gangrène de la discrimination commence à gagner par petits bouts la sélection nationale anglaise.
L’on se souvient des dires très appuyés de Wilshere dans les média appelant à ne plus sélectionner en équipe nationale les joueurs qui ne seraient pas nés sur le sol anglais. Tous savent que Wilshere n’est pas raciste mais qu’il était le porte-parole d’une catégorie d’anciens joueurs de l’équipe nationale. Car la mainmise de Zaha, Sterling et Berahino en équipe nationale juniore avait commencé à inquiéter certaines grosses têtes.
D’ailleurs, il est aisé de voir qu’à part Sterling, qui a traversé une marée de haine l’année dernière mais qui a pu se maintenir en équipe nationale séniore, les deux autres, Zaha et Berahino ont été intelligemment mis à l’écart, en leur créant des problèmes à la base, c’est-à-dire dans leurs clubs respectifs. Berahino continue d’ailleurs de souffrir le martyr quand Zaha a eu la carrière sauve grâce à l’arrivée d’Alan Pardew qui a décidé de mettre sa main au feu pour lui.
Monsieur Pardew sait donc que son propos est à raison quand il dit que Zaha aurait préféré porter les couleurs anglaises que celles de la Côte d’Ivoire. Toutefois, maintenant que l’eau est versée que faut-il faire ?
Le moins que l’on puisse désormais dire, c’est de conseiller à Zaha d’oublier la frustration du rejet subi, de commencer à apprendre à connaître ses nouveaux coéquipiers, les déficits du football africain et de suivre l’exemple de Didier Drogba, qui bien qu’ayant grandi en Europe, est venu en équipe nationale de Côte d’Ivoire avec beaucoup d’énergie positive, sans les complexes reçus à l’endroit des Africains. Bonne pelouse, mauvaise pelouse, ce qui intéressait le plus Drogba, c’était de donner un peu de joie aux supporters pour qui le football reste une grande bouée de sauvetage, un peu d’oxygène par rapport à leurs difficultés quotidiennes. Si Wilfried Zaha intègre cette philosophie, il sera sûrement une étoile en Afrique.
Par Serge Daniel Atteby
Dussuyer (entraîneur de l’équipe nationale de la Côte d’Ivoire) explique le choix de Zaha
« La Côte d’Ivoire lui a fait aussi sentir un intérêt en se rapprochant de lui, en lui disant que l’équipe nationale comptait sur lui. C’est un premier paramètre. Il a aussi senti qu’il était désiré… Il y aussi le contexte familial qui a compté dans sa décision. Avec du recul, le joueur a senti certainement que l’équipe d’Angleterre s’éloignait aussi. En clair, dans son discours, on a compris qu’il est aujourd’hui investi pour la Côte d’Ivoire« .
Source: Fraternité Matin