Les cinq femmes arrêtées la semaine dernière au Piano Piano, un bar de Dakar, devraient être présentées au juge aujourd’hui. Inculpées pour «actes contre-nature», selon l’article 319 du Code pénal, elles risquent une condamnation de un à cinq ans de prison. Au moins une d’entre elles est membre de l’association Sourire de femmes, qui milite pour les droits des lesbiennes au Sénégal.
Ces derniers mois, le gouvernement sénégalais a accumulé les contradictions au sujet de la pénalisation de l’homosexualité. S’il avait déclaré en juin dernier que le Sénégal n’est pas prêt pour accorder des droits aux homosexuels conformément à la position de son gouvernement, le ministre de la Justice Sidiki Kaba s’est de nouveau exprimé à ce sujet au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies le 22 octobre dernier, lors de l’Examen Périodique Universel du Sénégal: «Il n’existe pas dans la législation sénégalaise un texte incriminant l’homosexualité. Aucune personne n’est détenue au Sénégal en raison de son homosexualité», a-t-il insisté. Un discours lui-même en contradiction totale avec celui de Macky Sall en juin dernier, quand celui-ci avait déclaré que le Sénégal ne dépénaliserait pas l’homosexualité. Ces tergiversations vont-elles peser dans la balance pour statuer sur le sort des cinq femmes? Les condamner mettrait le Sénégal en porte-à-faux devant la communauté internationale. Les acquitter serait cependant mal perçu par une grande partie de la population sénégalaise, pour qui l’homosexualité représente un danger pour la société. Le président d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama, s’est exprimé sur l’arrestation des cinq femmes, qu’il critique sévèrement:
«On est en train d’assister à une série d’arrestations tous azimuts d’homosexuels. Chaque jour sur les journaux, les homosexuels sont arrêtés. Je pense qu’il y a excès de zèle de la police. C’est cela qu’on doit dire au lieu de parler d’homosexualité ou lesbianisme. Il y a un excès de zèle de la police. C’est ce qui s’est passé à Mbour, les gens se sont bagarrés, on ne les a pas pris la main dans le sac et on les a arrêtés. Elles sont peut-être lesbiennes. Mais, personne ne dira qu’on les a vus commettre des actes contre-nature. Par conséquent, il faut que l’État du Sénégal ait le courage de reconnaître publiquement qu’il y a une répression contre les homosexuels au Sénégal. Même si l’opinion publique veut fortement que ces gens soient arrêtés et mis en prison, l’État du Sénégal doit penser aux engagements qu’il a pris au niveau international.»
S: Yogg