Par Mamadou Ben Soumahoro, ancien député en exil au Ghana
Ils voulaient tuer le Président LAURENT GBAGBO, après avoir massacré le Guide de la Jamahiriya Arabe Libyenne Mouhamar Khadafi. Ils sont coutumiers du fait. Avant Khadafi ils ont écrasé François N’garta Tombalbaye dans son palais à Fort-lamy ( déjà devenu n’djamema ), Sylvanus Olympio a pris une balle dans la tête parce qu’il a osé imprimer des billets de banque pour son peuple du Togo, Salvador Alliende a connu le même sort dans son palais de La Moneda à Santiago du Chili, Thomas Sankara à Ouagadougou, Aboubacar Tafawa Balewa à Lagos au Nigeria, le jeune et fringant Colonel Kotoka qu’ils trouvaient trop arrogant au Ghana, William Tolbert à Monrovia au Liberia, et Milton Obote qu’ils ont jeté au profit de Idi Amin Dada en Uganda. Hugo Chavez a fait partie de ce genre de projet funeste, Barthélémy Boganda lui a disparu corps et biens en Oubangui-Chari ( RCA) dans un curieux accident d’avion. Pour bien montrer que l’amour du peuple pour son chef compte peu, Rafiq Hariri a été explosé avec son convoi blindé à Beyrouth au Liban. Rajiv Ghandi, le fils de la grande dame de l’Inde Madame Indira Ghandi a été à son tour pulvérisé par une bombe fleurie. Ils ont tué aussi Samora Machel à Lourenco Marques ( Maputo) au Mozambique. Anouar El Sadate le successeur de Gamal Abdel Nasser n’a pas eu plus de chance à ce défilé que les ‘’ frères musulmans’’ ont transformé en champs de tirs. Le commandant Marien N’gouabi a apparemment eu tort à leurs yeux de choisir la voie Marxiste Léniniste et celle du socialisme scientifique. Il ne faut pas oublier que l’avion de John Garang a explosé au-dessus du désert de Nubie. Nous n’allons tout de même pas remonter jusqu’à Patrice Lumumba dont l’atroce boucherie n’est pas si loin, sans compter l’explosion de l’avion de Juvénal Habyarimana qui a déchiqueté deux Présidents à la fois dans le ciel de Kigali. On était sur le point d’oublier le vieil empereur HAILE SELASSIE dont l’assassin Haile Menguistu Mariam a coulé de longs jours tranquilles au Zimbabwe. Ruben Um Nyobé lui n’avait pas encore de palais mais le sien dans l’imagerie populaire s’appelle KAMEROON.
Peu importe les raisons de l’assassinat de ses Chefs d’Etats et l’orientation de leurs choix politiques. Le fait de venir de l’extérieur comme des détenteurs de titres fonciers, pour les faire passer de vie à trépas sans rende des comptes, comme s’ils organisaient un barbecue dans leurs jardins, est assez choquant. L’assassinat de Laurent Gbagbo avait été savamment et minutieusement planifié. Et PIERRE FAKOURY l’architecte de la Basilique notre Dame de la Paix et des Palais Nationaux de Yamoussoukro savait tout depuis des semaines puisqu’il avait changé de camp sans même le cacher. L’Histoire restituera l’affaire dans ses détails militaires et politiques les plus secrets lorsque les dossiers seront déclassifiés. Pour l’instant je me crois en droit de vous livrer ce que j’ai vécu et qui s’appelle un témoignage assumé.
J’étais à mon domicile pour un travail que m’avait confié le Président à l’issue d’une réunion au sujet assez grave tenue le 31 03 2011. Après avoir toute la nuit accompli mon travail, je décide le lendemain matin d’aller rendre compte à la Résidence du Président. Mais je m’aperçois très vite que ‘’le vallon ‘’ est entièrement occupé par les rebelles. Des barrages sont érigés et les gardes improvisés ont des mines menaçantes. Je reviens chez moi et essaie de joindre quelqu’un à la Résidence pour expliquer mon retard. Le directeur du Protocole d’Etat SE. L’Ambassadeur Koné Aboubacar me promet d’envoyer un officier chercher l’objet en question en me conseillant de ne pas prendre de risques inutiles. Une heure plus tard l’Ambassadeur Koné me fait savoir que l’officier n’a pas trouvé de passage pour venir à mon domicile. Fin de ma mission et explication de mon absence remarquée dans le fameux Bunker de la Résidence du Président Laurent Gbagbo .
Deux faits remarquables sont à retenir dans tout ce remue-ménage : je n’ai jamais cru qu’on laisserait Alassane Dramane Ouattara faire la guerre pour des élections, même contestées. Ensuite je n’ai jamais pensé un instant que les rebelles battraient les Forces de Défense et de Sécurité de la République de Côte d’Ivoire. Et tout le monde sait qu’ils ne les ont pas battus. Pendant ce temps de vilaines rumeurs circulaient depuis près d’une semaine sur des individus hirsutes aux mines patibulaires qui arpentaient mon quartier en se renseignant sur l’emplacement exact de ma maison. Des amis bienveillants m’ont alerté, leurs enfants qui fréquentent les miens sont venus nous avertir et certains frères sont même venus me demander de m’en aller parce que c’est moi qu’ils cherchent. Comment partir sans ma famille ? Tant pis, ils vont nous tuer tous. C’est exactement l’ordre qu’ils ont reçu de Alassane Dramane Ouattara, de son directeur de cabinet Monsieur Marcel Amon Tanoh et de leur bras armé Cherif Ousmane : « Il faut finir avec lui et toute sa famille ». C’est là qu’on oublie toutes les belles maximes du type : « Qui a femme et enfants a donné hotages au destin … bla bla bla bla « Pourtant je n’ai pas pris ces menaces au sérieux jusqu’au moment où je reçois un appel du Major Ibrahim Coulibaly dit IB me demandant de quitter immédiatement mon domicile sans laisser personne derrière moi. Alassane a choisi des Mercenaires Maliens qu’on ne retrouvera pas après le massacre de ta famille entière et personne n’aura à répondre de ces exactions. Ni vu, ni connu, les crimes seront mis sur le dos d’individus non identifiés, comme d’habitude ; échapper à ce plan diabolique était tellement improbable que le bruit de ma mort avait pris toute la cité au point de revenir à mes propres oreilles. C’est finalement le coup de fil de Pierre Fakhoury qui m’a poussé à partir parce que ce qu’il m’a dit m’a paru très suspect. « Pierre, des inconnus s’apprêtent à attaquer ma maison et ma famille ». Sa réponse était étonnante: « j’ai appelé Marcel (Amon Tanoh), il m’a dit de ne pas m’en faire, il envoie immédiatement des gens me protéger ».
Pourquoi Marcel ferait-il ça ? Non seulement il est le directeur de cabinet de mon pire ennemi mais lui-même n’a aucun lien d’amitié avec moi. Dans la même journée des dozos et des rebelles sonnent à ma porte. Personne ne bouge. Ils font le tour de la maison, frappe furieusement au portail en fer et s’en vont. Le lendemain 5 avril 2011 vers 18h, les mêmes hommes avec derrière eux une véritable petite armée équipée jusqu’aux dents, kalachnikovs et RPG 7, 2 pick-up surmontés de mitrailleuses, et 2 gbakas remplis de voyous. Mes 2 gardes du corps de la Garde Républicaine me font voir le danger à la vidéo et au judas sur la porte et me conseillent de partir. Nous ne sommes pas suffisamment armés et il est possible que ces gens aient des renforts planqués. Au moment où je demande à ma famille de s’apprêter à partir, j’entends les premières détonations sur la maison. Le choix était simple. Le soir même de notre exode, nous forçons la porte de la chancellerie de la République du Ghana ( Mea Culpa) et nous passons la nuit assis sur des chaises cassées abandonnées par le personnel dans la cour. Nous sommes le 5 Avril 2011, il est 20h. Le plan de l’élimination physique de Laurent Gbagbo venait d’être déclenché et aucun de nous n’était au courant. L’armée médiévale d’ADO, les mercenaires maliens, les soldats de Blaise Compaoré et ceux de GoodLuck Jonathan, les commandos invisibles, les supporters du RDR consolidés ne pouvaient pas réduire l’armée loyale ni même la Garde Républicaine de Côte D’Ivoire. L’Ambassadeur de France SE. Jean-Marc Simon lui-même l’a avoué à RFI quand les 10 et 11 avril 2011 les hélicoptères venus de nulle part sont mis en position Géostationnaire à Treichville pour bombarder le Palais Présidentiel au plateau et la Résidence Officielle du Président de la République à Cocody- Blokoss. Mon ami Pierre Fakhoury avait déjà commencé son travail de sape dès le 5 avril au soir. Bien avant cette date l’architecte nous avait déjà trahis et avait donné sa parole à Sarkozy et autres proches de Ouattara qu’il pouvait convaincre Gbagbo de partir et comptait sur des amis sûrs de Gbagbo pour lui forcer la main. Ce que ne savait pas Pierre Fakhoury c’est qu’une décision avait déjà été arrêtée le 31 Mars 2011, définitive et irrévocable. Pierre Fakhoury croyait que j’étais le ventre mou du système . Il décide de jouer son rôle avec dans sa manche l’exact connaissance du plan ultime de l’armée Française de Nicolas Sarkozy et de Dominique Ouattara. Vous allez voir que l’Architecte était dans toute la confidence, bien plus même que l’Ambassadeur Jean Marc Simon.
5 Avril 2011/ 20h Ambassade du Ghana aux 2 plateaux. Conversation surréaliste : celui qui voulait me protéger des dozos ne me parle plus de ma famille mais du Chef de l’Etat :
«Beno où est Gbagbo ?»
« Je l’ai laissé chez lui »
« Peux-tu le joindre pour lui parler ? c’est très important ».
« Pourquoi tu ne le fais pas toi-même ? »
«Je n’y arrive pas et j’ai pour lui un message très important. C’est une question de vie ou de mort. Fais tout pour lui dire que Ado le supplie à genoux de quitter le pouvoir »
« Pierre ça je ne le ferai pas parce que je ne veux pas me ridiculiser et je ne crois pas que ce soit la solution du problème »
« Beno, je t’en prie parle lui, Ado dit qu’il connait les noms de tous ceux qui sont avec lui dans son bunker, qu’il y’a même la mère Aboudramane Sangaré et toute la famille Gbagbo. Es ce qu’il veut qu’on le tue ? Alassane dit que s’il l’y oblige il va le faire et il ne se passera rien. Beno sauve notre ami ».
A ce moment précis de l’histoire soit 6 jours avant, Pierre Fakhoury savait tout. Il nous a caché le plan des hélicoptères. Ses propos étaient très précis et il se réclamait avec trop d’autorité d’Ado. Pierre Fakhoury m’a même dit pour finir : « tant pis il va se faire tuer ». Je m’aperçois après cette conversation bizarre que ma détresse personnelle ne l’intéressait pas du tout. Il a même essayé ce même soir en vain d’amadouer ma femme pour quelle m’influence. Ce qui lui importait par-dessus tout c’était parvenir à localiser Laurent Gbagbo et Simone. Dépité par mon attitude et mes réponses négatives il m’a même dit qu’il allait s’adresser à un autre de nos amis qui a ses grandes entrées à la Résidence du Chef de l’Etat. Même Jean Karim fall de RFI a été mis dans le jeu avec une interview qui aurait pu me faire dire ou était le chef de l’Etat. Bien entendu l’interview n’a jamais été diffusée. Une question demeure, la seule : Si Pierre Fakhoury était vraiment l’ami de Laurent Gbagbo, que faisait-il à un moment aussi crucial chez Ado/Sarkozy ?
Un dicton populaire Sicilien nous apprend que quelque soit la nature du conflit qui t’oppose à quelqu’un n’oublie jamais que celui qui ‘’ spontanément’’ vient proposer son intermédiation, c’est lui le traitre.
MAMADOU BEN SOUMAHORO
ANCIEN DEPUTE A L’ASSEMBLEE NATIONALE
EN EXIL AU GHANA