La grande cérémonie de la Francophonie devait marquer une nouvelle ère dans la coopération économique des 53 pays membres. Malheureusement, au lieu d’annoncer de contrats prometteurs, François Hollande a préféré mobiliser l’opinion sur la question de la démocratie. Dans la grande tradition « droit de l’hommiste » de la diplomatie de gauche, les autorités françaises ont une fois encore fait la leçon aux chefs d’Etat africains sans véritable succès… Pendant que Xi Jinping en profite, Jean-Yves Ollivier et Saïd Djinnit constatent amèrement le décalage entre les postures politiques et la réalité sur le terrain…
Lors du Sommet de la francophonie à Dakar, François Hollande est encore passé à côté de l’occasion de redonner un élan à nos exportations. En effet, à la tribune le Président français a déclaré, «on ne change pas l’ordre constitutionnel par intérêt personnel (…) Quand on fait voter des peuples pour des Constitutions à travers des référendums, on ne peut pas les modifier impunément ».
Une attitude qui contraste négativement avec celle du Président chinois Xi Jinping. En effet, « la Chine ne cesse de répéter : ses investissements sur le continent africain créent de la richesse sans poser des conditions politiques ». Et dans les faits, tandis que la France perd ses parts de marché sur le continent, la Chine multiplie ses investissements…
En plus de cette réalité économique, l’envoyé spécial de Jacques Chirac en Afrique, Jean-Yves Ollivier, insiste sur une réalité politique qui dérange. Il remarque avec circonspection qu’actuellement, « tout amendement constitutionnel modifiant la limitation des mandats présidentiels, qu’il se fasse dans les formes démocratiques ou non, confère aux opposants une légitimité et le soutien de la communauté internationale ».
Plus consternant encore, le traitement médiatique réservé aux affaires internationales dans la presse française. Ainsi, les journalistes du Monde ne s’embarrassent pas d’impartialité… Avec un ton légèrement condescendant, ils récapitulent : « Il faut dire que tous les espoirs sont permis car la manœuvre a jusque-là souvent fonctionné. Ainsi, 8 des 54 chefs d’Etat africains actuellement au pouvoir ont réussi à s’y maintenir à la faveur d’une modification de la Constitution ».
Heureusement, le Représentant des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, nous éclaire un peu mieux sur les enjeux dans cette région du monde. Selon lui, « la paix en elle-même n’est pas le principal problème. C’est la gouvernance, la gouvernance politique et économique. (…) Même dans les pays qui ne sont pas démocratiques, tant qu’il y a de la stabilité, les affaires marchent ».
Plus consensuel, le président du pays hôte, Macky Sall, n’a pas souhaité polémiquer sur le sujet. Au contraire, il assure : « nous n’avons pas ce complexe du ‘’colonisé’’ et il n’y a pas de domination française. Cela n’existe pas. Aujourd’hui, la Francophonie est un espace de valeurs universelles : démocratie, droits de l’homme, respect des libertés individuelles et collectives ». Peut-être a-t-il osé évoquer ensuite le changement des lois électorales françaises à la veille des scrutins intermédiaires ?
By: Léon Sorel