PARIS (Reuters) – Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue mardi matin dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine) dans le cadre d’une enquête sur un trafic d’influence présumé, a-t-on appris de source judiciaire.
Cette mesure imposée à un ancien chef de l’Etat est une première sous la Ve République.
Nicolas Sarkozy avait été mis en examen dans l’affaire Bettencourt, moins d’un an après sa défaite à la présidentielle, avant d’obtenir un non-lieu en 2013, mais à la suite d’une convocation par un juge.
Le porte-parole du gouvernement, Stéphane le Foll, a assuré sur i>TELE que la justice devait « aller jusqu’au bout », estimant que Nicolas Sarkozy était « un justiciable comme les autres ».
« J’ai même été accusé d’être à la tête d’un cabinet noir », a-t-il dit en rejetant les accusations d’instrumentalisation politique de l’affaire lancées par les proches de l’ancien chef de l’Etat.
L’UMP Valérie Debord a néanmoins dénoncé « une instrumentalisation de la justice contre un homme, contre le retour d’un homme » dans la vie politique.
« Je ne suis pas sûre que ce soit la bonne façon de rendre la justice au nom du peuple », a-t-elle dit sur BFMTV.
« Jamais on n’aura affublé un ancien président d’un tel traitement, d’un tel déferlement de haine », a également déclaré le maire UMP de Nice, Christian Estrosi, sur son compte twitter.
DEUX TÉLÉPHONES SUR ECOUTE
Nicolas Sarkozy est arrivé peu avant 08h00 dans les locaux de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), où sa garde a vue lui a été signifiée dans la foulée.
Depuis lundi, trois autres protagonistes de l’affaire, le défenseur de l’ancien président, Thierry Herzog, et deux avocats généraux de la Cour de cassation, Gilbert Azibert et Patrick Sassoust, sont également en garde à vue. Celle-ci a été prolongée de 24 heures.
L’ex-président, qui s’est donné jusqu’à l’automne pour décider s’il fait son retour en politique, est au centre d’une information judiciaire ouverte le 26 février pour trafic d’influence et violation du secret de l’instruction sur la base d’écoutes téléphoniques qui l’ont ciblé, lui et son entourage.
Les enquêteurs soupçonnent un réseau d’informateurs au sein de la justice et de la police d’avoir renseigné Nicolas Sarkozy sur les procédures judiciaires le visant.
Les soupçons sont apparus en marge d’une enquête sur des accusations de financement libyen de sa campagne électorale en 2007, poussant la justice à placer deux téléphones utilisés par l’ex-chef de l’Etat sur écoute les 3 et 19 septembre 2013.
Ces interceptions auraient révélé que Nicolas Sarkozy et son avocat étaient bien renseignés sur la procédure alors en cours à la Cour de cassation sur l’affaire des soupçons d’abus de faiblesse aux dépens de la milliardaire Liliane Bettencourt.
INSTRUMENTALISATION ?
Les juges cherchent à établir si Nicolas Sarkozy a tenté de faciliter une promotion à Monaco de Gilbert Azibert en échange de renseignements sur l’avancée du dossier.
Me Thierry Herzog a répondu que Gilbert Azibert était affecté à la chambre civile et qu’il n’était pas en position de faire pression sur le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation « et les dix magistrats qui la composent ».
Mais les enquêteurs ont relevé que l’avocat général avait accès au service intranet de la haute juridiction et qu’il connaissait Patrick Sassoust, qui est membre de la chambre criminelle de la Cour de cassation et est bordelais comme lui.
Rompant le silence qu’il s’était imposé, Nicolas Sarkozy avait dénoncé fin mars dans une tribune au Figaro des méthodes dignes de la Stasi, la police politique de l’ex-RDA, et une « instrumentalisation de la justice » par l’exécutif socialiste.
Pour l’ancien président, la mise sur écoute de ses téléphones ordonnée par des juges revient à « fouler aux pieds les principes sacrés de la République ».