Après l’échec de la diplomatie à résoudre la
crise post-électorale, la Côte d’Ivoire apparaît plus que jamais sur la voie
d’une confrontation entre les camps du chef d’Etat sortant Laurent Gbagbo et
d’Alassane Ouattara, reconnu président élu par la communauté internationale.
Plus de trois mois après la présidentielle du 28 novembre, l’Union
africaine (UA) a confirmé jeudi, en sommet à Addis Abeba, l’élection de M.
Ouattara et lui a demandé de trouver une sortie « honorable » pour son rival,
dont les représentants ont aussitôt rejeté cette position.
Si M. Ouattara enregistre une éclatante victoire diplomatique, à
l’intérieur la situation reste la même: installé au palais présidentiel, M.
Gbagbo garde le contrôle de l’appareil d’Etat et de l’armée.
Car l’UA ne dit aucunement par quel moyen elle compte faire respecter des
décisions pourtant censées être « contraignantes ».
« La grande question, c’est le +comment+ », souligne un conseiller de M.
Ouattara, interrogé vendredi par l’AFP.
« L’UA est en train de laisser les Ivoiriens régler ça entre eux », tranche
une source diplomatique africaine à Abidjan.
« Elle donne le feu vert à Ouattara et (à son Premier ministre, le chef de
l’ex-rébellion) Guillaume Soro pour mettre en oeuvre sa décision par les
moyens militaires », assure-t-elle, ajoutant: « ils n’ont d’ailleurs pas attendu
l’UA ».
Depuis mi-février, la crise post-électorale – qui a déjà fait près de 400
morts, selon l’ONU – a en effet changé de nature, virant à la guérilla, voire
à la guerre ouverte.
A Abidjan d’abord: dans le quartier d’Abobo (nord), fief de M. Ouattara,
des insurgés – baptisés « commando invisible » – ont désormais le contrôle de
certaines zones, hérissées de barrages tenus par des hommes en armes.
Ils défient les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à M. Gbagbo,
à qui ils infligent pertes en hommes et en matériel lors de combats à l’arme
lourde.
Selon des sources concordantes, il s’agit surtout d’éléments de
l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), qui tient le nord du pays depuis
2002, et qui a porté le fer au coeur même de la ville du pouvoir.
Dans l’ouest du pays, au sud de l’ex-ligne de front de 2002-2003, les
hostilités ont en outre recommencé entre FDS et FN, qui ont réussi à reprendre
deux localités et une ville, près du Liberia.
Autant de revers pour le camp Gbagbo, sans permettre toutefois pour l’heure
de dire qui aura l’avantage.
Mais « le pire est certain », souligne un expert qui relevait, au soir même
du sommet de l’UA, la multiplication des incidents dans la capitale économique
mais aussi à Tiébissou, à la frontière des zones sud et nord. « Toutes les
mèches sont allumées pour un embrasement », assure-t-il.
Si Alassane Ouattara s’est montré confiant à Addis Abeba, voulant croire
que son rival devra « très rapidement » quitter ses « fonctions usurpées »,
Laurent Gbagbo, absent de la réunion de jeudi, n’a pas encore réagi en
personne. Mais, selon des proches, il pourrait prendre la parole rapidement.
« Seul contre tous » au plan international, « il doit parler pour encourager
ses troupes et donner un cap », avance l’expert.
Dans son camp aussi, on se dit prêt à en découdre, au nom du respect de « la
souveraineté » et de la Constitution. Et, même ébranlées par la crise et leurs
récents revers, les FDS restent un atout majeur, renforcé par les milliers de
« jeunes patriotes ».
La guerre civile pourra-t-elle être évitée? Peut-être, avance une source
militaire occidentale, imaginant un conflit limité dans le temps et l’espace.
« Pour l’instant, aucun des deux camps ne bénéficie d’une mobilisation
populaire, note-t-il. Le peuple, qui trinque à fond à cause de la dégradation
de la situation économique, penchera vers le plus fort ».
Avec AFP