L’année 2010 s’est terminée comme elle a commencé à Radio-Canada et à d’autres antennes : dans le mensonge et l’occultation. Le cartel médiatique occidental participe actuellement à une opération psychologique masquant une tentative de coup d’État en Côte d’Ivoire orchestrée depuis Paris et Washington. Comme cela s’est produit au Rwanda, en 1994, le cartel a procédé à une inversion des rôles : les agresseurs sont devenus les bons et les agressés, des méchants.
Aidés par l’Agence France-Presse (AFP), plaque tournante du dispositif de désinformation en langue française de la ploutocratie, Radio-Canada et quelques autres journalistes aveugles, le nez collé à leur fil de presse, essaient de mettre dans la tête des Québécois que le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, se maintient au pouvoir illégitimement. Selon eux, le chef de l’État ivoirien refuserait le verdict du deuxième tour de l’élection présidentielle, tenu le 28 novembre 2010.
En fait, ce qu’essaie de nous faire croire le cartel médiatique est exactement à l’opposé de la vérité. M. Gbagbo a remporté l’élection et préconise la négociation pour régler le conflit. Son rival, Alassane Ouattara, a perdu après avoir triché, se montre intransigeant et préconise la violence. Contrairement aux affirmations hypocrites de l’Élysée, qui se pare d’une objectivité feinte depuis l’envoi en Côte d’Ivoire des troupes françaises de l’opération Licorne, en 2002, M. Ouattara a toujours été le candidat favori de l’ancienne puissance coloniale et de ses maitres étasuniens. Le club des ploutocrates occidentaux basé aux États-Unis essaie d’endiguer la marée chinoise en Côte d’Ivoire, où la grande entreprise française est néanmoins encore très présente, voire favorisée. Loin de faire office d’arbitre, les bons clients de l’Empire qui se font appeler la « communauté internationale » sont en train de priver le peuple ivoirien de son droit de choisir librement son chef d’État.
La primauté du droit bafouée
Le gouvernement de la Côte d’Ivoire s’efforce, malgré la guerre civile, de respecter la primauté du droit. Selon la Constitution de la Côte d’Ivoire, qui a été approuvée par 86 % des électeurs lors de la consultation populaire de 2000 et que les défenseurs occidentaux de la démocratie devraient être les premiers à respecter, l’autorité suprême de l’État ivoirien est le Conseil constitutionnel. Or, Radio-Canada et les autres acteurs du cartel se gardent bien de donner les détails de la décision prise le 3 décembre 2010 par le Conseil constitutionnel à la suite du deuxième tour de l’élection présidentielle, et pour cause. Le Conseil constitutionnel a constaté que des violations flagrantes des règles électorales, allant du bourrage d’urnes à l’empêchement de voter, en passant par l’intimidation et la violence contre les électeurs, ont été commises dans les régions sous l’emprise des Forces nouvelles, la rébellion armée à laquelle est associé M. Ouattara. C’est à l’issu de ce constat dument étayé que le Conseil constitutionnel a déclaré M. Gbagbo vainqueur du deuxième tour de l’élection.
Fidèle à ses méthodes insurrectionnelles, M. Ouattara s’est retranché dans un hôtel d’Abidjan, et ses alliés étrangers l’ont proclamé vainqueur avant même que ne soit connue la décision du Conseil constitutionnel, en s’appuyant uniquement sur les résultats provisoires annoncés hors délai dans le même hôtel par Youssouf Bakayoko, président de la Commission électorale indépendante, un organisme en réalité largement favorable à M. Ouattara. M. Bakayoko aurait été emmené à l’hôtel par l’ambassadeur de France et l’ambassadeur des États-Unis, selon Laurant Gbagbo. Au premier tour, pourtant, M. Ouattara et ses alliés avaient attendu que le Conseil constitutionnel se prononce. Au deuxième tour, ils n’ont pas attendu, car ils se savaient coupables de fraudes électorales massives dans le Nord du pays. M. Ouattara et son premier ministre fantoche, Guillaume Soro, sont devenus les chouchous de l’AFP, dont les journalistes ont, eux aussi, élu domicile dans le fameux hôtel.
Mercenaires onusiens au service d’Alassane Ouattara
Le président Gbagbo a proposé que la crise soit dénouée pacifiquement en formant un comité d’évaluation international pour vérifier la validité des résultats proclamés par le Conseil constitutionnel. Ce comité serait dirigé par un représentant de l’Union africaine, comprendrait des représentants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, de l’Union africaine, de la Ligue arabe, des Nations Unies, des États-Unis, de l’Union européenne, de la Russie et de la Chine. Or, cette proposition, dont le cartel médiatique ne nous dit mot, a trouvé comme seule réponse les appels à la guerre lancés par le camp Ouattara et certains de ses complices, en particulier le Nigéria.
Les deux poids, deux mesures de la communauté internationale
Lorsque la soi-disant communauté internationale parle vaguement du Conseil constitutionnel, c’est pour semer le doute sur son impartialité en prétextant que ses membres ont été nommés par Laurent Gbagbo. Or, au Canada, par exemple, les juges de la Cour suprême sont nommés par le tout puissant premier ministre, qui choisit aussi d’autres juges ainsi que les sénateurs, les ministres, les sous-ministres, les présidents des sociétés d’État et le commissaire de la GRC.
Et pourtant, la communauté internationale n’a pas envoyé des casques bleus s’interposer lorsque le Cabinet de Pierre Elliott Trudeau, composé de ministres nommés par lui, a proclamé la loi sur les mesures de guerre, en 1970, pour intimider et emprisonner sans motif valable près de 500 Québécois. L’ONU n’a pas proclamé l’indépendance du Québec après les fraudes massives du camp fédéraliste lors du référendum de 1995. Le cartel médiatique n’a pas jeté l’opprobre sur l’inique Loi de clarification de Stéphane Dion et son patron Jean Chrétien. Ni Paris, ni Washington n’ont mis en doute l’objectivité de la Cour suprême lorsqu’elle s’est prononcée en réponse au renvoi sur la sécession du Québec. Personne n’est venu de l’étranger pour protéger avec des blindés le millier de Canadiens intimidés, arrêtés arbitrairement, jetés en prison et maltraités, parfois jusqu’à la torture, au sommet du G20 de Toronto.
Les pays occidentaux ont le droit de combattre les mouvements pacifiques de contestation ou de libération nationale par la supercherie, les menaces et la violence. Ils ont le droit de se draper dans une fausse démocratie alors que leurs dirigeants agissent en véritables dictateurs. Mais les pays africains, eux, n’ont pas le droit de se défendre contre les agresseurs lourdement armés qui déclenchent des guerres civiles, qui sont financés par de puissants intérêts étrangers et qui n’ont aucun respect pour la démocratie, les lois et la vie humaine.
Dans plusieurs bulletins de nouvelles radiophoniques ainsi que dans son site Web, Radio-Canada relaie depuis plusieurs semaines les mensonges de l’AFP visant à flétrir Laurent Gbagbo et à préparer l’opinion publique à l’usage de la force. Par exemple, le 23 décembre à 17 heures, Radio-Canada nous raconte que M. Gbagbo « s’accroche au pouvoir » même si la « communauté internationale » considère qu’Alassane Ouattara a gagné l’élection. Le 24 décembre à 8 heures, Radio-Canada retransmet l’appel à la guerre du camp Ouattara contre le président Gbagbo. Le 24 décembre à midi, Radio-Canada répète que la communauté internationale considère Alassane Ouattara comme le vainqueur. L’analyste François Brousseau dresse la liste des sanctions prises contre le gouvernement de Laurent Gbagbo. Il souligne que, selon la Commission des droits de l’homme de l’ONU, les milices fidèles à M. Gbagbo commettraient des exactions contre ses opposants. M. Brousseau récidive dans son carnet Web, en traitant M. Gbagbo de tricheur — ce qui est le contraire de la vérité, comme nous l’avons vu dans la première partie — et en faisant diverses affirmations sans autre fondement que les assertions de l’Empire et ses laquais.
Or, ni la Commission des droits de l’homme, ni M. Brousseau ne détiennent de preuves incriminant le camp de M. Gbagbo pour les prétendues exactions. Leurs graves accusations ne sont fondées que sur de vagues soupçons colportés par des menteurs notoires. En effet, les dirigeants des casques bleus envoyés sur place sont au service de leurs maitres de Washington et ne s’intéressent qu’accessoirement à la vérité et la justice. À l’instar du secrétaire général des Nations Unies, le chef de l’ONUCI (Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire) vient de la Corée du Sud, un pays gouverné par des serviteurs dociles de l’Empire. Les casques bleus se comportent en Côte d’Ivoire un peu comme leurs collègues installés en République démocratique du Congo, qui font semblant de maintenir la paix mais favorisent les viols et assistent aux massacres sans bouger. L’ONUCI ressemble aussi à la MINUSTAH, une force d’occupation déguisée qui a pris la relève des putschistes étasuniens venus kidnapper le président Aristide, dans un pays qui aurait grandement besoin d’écoles et d’hôpitaux et qui n’a certainement pas besoin de soldats étrangers.
En 2008, des casques bleus indiens de la MONUC font des photos souvenirs sur un blindé, à Kiwanja, en RDC, pendant que la population locale se fait massacrer par les tueurs de Laurent Nkunda, à la solde de Paul Kagame.
Le cloporte Ki-moon et ses amis du Rwanda
Le même Ban Ki-moon qui affirme aujourd’hui que Laurent Gbagbo doit partir n’hésitait pas, en septembre dernier, à rendre gentiment visite au plus grand assassin sur terre, le président du Rwanda, Paul Kagame. Le cloporte Ki-moon est allé au Rwanda s’excuser gentiment pour la fuite d’un rapport détaillé, qui a été produit au bout de plusieurs années d’enquête et qui incrimine le génocidaire en chef de Kigali pour le massacre de centaines de milliers de civils innocents en RDC. Et ce rapport n’est que la confirmation de nombreux autres rapports et de nombreux témoignages frappants, parfois gardés secrets par l’ONU, parfois largement diffusés, mais laissés sans suite et ensevelis sous des montagnes de propagande médiatique enracinée dans l’histoire convenue et fausse, du génocide rwandais. Paul Kagame est un criminel, mais c’est un bon client de l’Empire, alors il n’est aucunement inquiété. Le secrétaire général de l’ONU s’agenouille devant lui tandis qu’il se plaint avec vigueur de la désobéissance de M. Gbagbo.
Ban Ki-moon rassure le génocidaire notoire Paul Kagame : Il peut continuer ses massacres ; les patrons de Washington n’ont pas l’intention de le lâcher.
Vu les antécédents troublants des porte-paroles de l’ONU, comment peut-on croire un seul mot de ce qu’ils racontent au sujet de la Côte d’Ivoire ? Comment peut-on encore accorder crédit à l’Empire et ses laquais après les innombrables mensonges qu’ils nous ont servis chaque fois qu’ils ont voulu installer un gouvernement malléable dans un pays avec leurs fusils et leurs médias, dans le cadre de leurs sordides mises en scène ? Les journalistes qui forgent la crédibilité de façade de ces manipulateurs sont-ils complices ou incompétents ?
Les victimes et les adeptes des visées impérialistes occidentales en Côte d’Ivoire ont déjà joué dans une version antérieure de la même mise en scène, au Rwanda, où l’on fabriquait mensonge après mensonge à propos des « extrémistes hutus » et du gouvernement Habyarimana, alors que massacres et attentats étaient commis par le camp des bons autoproclamés, c’est-à-dire le FPR de Paul Kagame. Si un tueur porte un uniforme de l’armée nationale ou d’une milice, il n’en est pas forcément membre. Tout comme les tueurs du FPR, ceux des Forces nouvelles sont tout à fait capables de se déguiser et de sacrifier quelques partisans pour faire illusion. Mais, dans la bouche des menteurs onusiens et des journalistes ignorants ou complices, une rumeur ou une accusation lancée par le camp favori devient rapidement une vérité incontestable. L’enflure verbale a toujours la cote : tandis qu’au Rwanda, on qualifiait « d’extrémiste » quiconque était contre le FPR, tout Ivoirien opposé à l’insurgé Ouattara et à sa bande de mercenaires onusiens est considéré comme un « ultranationaliste ».
Soit dit en passant, il est remarquable de constater l’absence des médias étrangers dans les régions occupées par les Forces nouvelles, ce qui est une répétition du procédé employé au Rwanda, entre 1990 et 1994. À l’époque, les médias n’étaient pas admis dans la zone du FPR. Aujourd’hui, les reportages que nous voyons concernent essentiellement ce qui se passe à Abidjan. Le reste de la Côte d’Ivoire n’existe pas, semble-t-il. Des exactions peuvent donc y être perpétrées à l’abri des regards indiscrets par les Forces nouvelles.
La suffisance du cartel médiatique occidental
Il est remarquable de constater également la méfiance qu’entretient constamment le cartel médiatique occidental à l’égard des médias ne souscrivant pas à son monopole de l’information. Ainsi, les moralisateurs du cartel remettent en question la crédibilité de la RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne) sous prétexte qu’elle serait « contrôlée par Gbagbo ». Ils voient la paille dans l’oeil du voisin, mais oublient la poutre dans le leur, puisque l’AFP et Radio-Canada sont des organes de presse subissant une forte influence respectivement du gouvernement français et du gouvernement canadien.
Dans le cas de Radio-Canada, c’est le gouvernement qui nomme la totalité des membres du conseil d’administration, et les nominations sont nettement partisanes. Elles sont rarement motivées par le besoin de choisir les personnes les plus compétentes.
Quant à l’AFP, dont le site Web est truffé d’énoncés vantant sa rigueur et son objectivité, elle oublie de préciser que trois ministres siègent à son conseil d’administration, et pas n’importe quels : le premier ministre, le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ainsi que le ministre des Affaires étrangères. On retrouve aussi au sein de ce conseil d’administration des magnats de la presse écrite, radiophonique et télévisuelle française. Aucun représentant du public ne siège au conseil d’administration de l’AFP. Pas étonnant que, lorsqu’on lit les communiqués de l’AFP sur le Rwanda, on y sente l’influence de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères de 2007 à 2010, grand copain du génocidaire Kagame et grand partisan du FPR.
Radio-Canada et l’AFP mettent systématiquement en doute les affirmations du président Gbagbo, par exemple lorsque des civils sont blessés par l’ONUCI. Elles ont annoncé au public québécois, le 4 janvier 2011 à 10 h 21, que Laurent Gbagbo cédait sous la pression internationale et acceptait de négocier. Encore une fois, les rôles sont complètement inversés. Depuis le début de la crise, Laurent Gbagbo préconise la négociation, le recomptage des voix et la mise sur pied d’une commission d’évaluation indépendante, tandis que son adversaire Ouattara et ses commanditaires étasuniens réclament le départ sans condition du président Gbagbo, qu’ils essaient de soudoyer avec une promesse d’exil doré.
En outre, Radio-Canada présente le concept « d’ivoirité » comme une « politique raciale », mais omet d’indiquer que les États-Unis ont une règle analogue, qui empêche une personne naturalisée étasunienne d’être candidat à la présidence. Seul un Étasunien de naissance peut devenir président. Encore une fois, c’est la règle des deux poids, deux mesures : ce qui est considéré comme normal dans les démocraties occidentales devient un crime de lèse-majesté en Afrique.
Si un bain de sang a lieu en Côte d’Ivoire, on l’imputera très certainement à M. Gbagbo, alors qu’en réalité, la violence sera indéniablement le résultat de la politique d’agression des puissances occidentales et de leurs valets, qui ont appuyé la rébellion armée, qui massent de plus en plus de troupes dans ce pays ainsi qu’au large de ses côtes et qui jettent constamment de l’huile sur le feu, au lieu de chercher un accord. Comme au Rwanda jadis, les riches détenteurs exclusifs de la vertu attribuent à leurs mauvais clients le bellicisme dont ils sont eux-mêmes coupables et misent sur leurs énormes moyens de diffusion pour que leurs fables se transforment en évidence dans l’esprit de leur public captif.
PAR Bernard Desgagné
Chronique de Bernard Desgagné
jeudi 6 janvier 2011
SOURCE: VIGILE