(AFP) – De mouvements de populations en échanges commerciaux, l’extrême-nord du Cameroun et le nord-est du Nigeria constituent une même aire socio-culturelle qui fait face désormais à un danger commun: les attaques du groupe islamiste Boko Haram.
« Bien que traversée par une frontière, cette région appartient à la même aire socio-culturelle kanuri, favorisant depuis toujours les mouvements de populations et les échanges commerciaux », note un récent rapport du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP).
« Très récemment encore, de nombreux Camerounais traversaient quotidiennement la frontière vers les marchés florissants de l’Etat de Borno afin d’y vendre leurs marchandises », rappelle ce rapport, intitulé « Le Nord-Cameroun dans la tourmente? ».
Les commerçants camerounais venaient écouler bétail, riz, soja ou arachides, quand les Nigérians acheminaient en sens inverse essence et produits manufacturés (matériaux de construction, pièces détachées automobiles).
Haoussas, Peuls, Kanuri: les liens entre les communautés sont d’autant plus forts que ce sont les même ethnies, et parfois les membres de mêmes familles, qui se livraient à ce commerce.
La campagne de terreur menée par Boko Haram dans son fief du nord-est du Nigeria a « porté un coup d’arrêt à ces échanges transfrontaliers (…). Ces points d’accès sont aujourd’hui empruntés en sens inverse par des flots de réfugiés venus du Nigeria et fuyant les attaques de Boko Haram », souligne le GRIP.
En janvier 2014, le nombre total de réfugiés nigérians dans le nord du Cameroun s’élevait à environ 12.000, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Vu la multiplication des violences depuis six mois dans la région, ces chiffres sont sans doute en augmentation.
L’arrivée de ces réfugiés « pose aussi d’importants défis sécuritaires », selon le GRIP, indiquant que le Cameroun craint « l’infiltration de membres présumés de Boko Haram ».
Majoritairement musulman, l’Extrême-Nord camerounais s’étire jusqu’au lac Tchad, entre Nigeria et Tchad. Comptant près de 2 millions d’habitants, la région était autrefois très touristique, avec les parcs nationaux de Waza et Kalamaloué.
C’est également l’une des régions les plus pauvres du pays, avec un faible taux de scolarisation. Les études coraniques accueillent de nombreux jeunes, au détriment du cursus classique.
Fin 2013, une autorité traditionnelle de la région, le chef de village Halilou de la localité de Pété, près de Maroua, la capitale régionale, mettait en garde contre un risque de propagation de l’idéologie de Boko Haram chez les jeunes.
« Il existe une population locale qui peut être manipulée et ceci même dans la méconnaissance de l’islam (…) Cette catégorie est minoritaire, mais elle pourrait devenir importante du fait d’une jeunesse en mal d’existence, d’une pauvreté ambiante et de la mauvaise gestion de la cité », prévenait-il.