Futur dirigeant du géant bancaire Credit Suisse, Tidjane Thiam est un patron franco-ivoirien au parcours hors norme, qui à défaut d’avoir trouvé un poste à sa mesure dans l’Hexagone a effectué une brillante carrière dans la City de Londres.
Âgé de 52 ans, Tidjane Thiam, devenu il y a six ans le premier noir à diriger un groupe du FTSE-100, équivalent britannique du CAC 40, après une carrière fulgurante dans le secteur, est comme le soulignait ce mardi le Financial Times, « l’un des patrons les plus respectés de la City ».
Pourtant, rien ne prédestinait au départ ce pur produit du système français, à la haute silhouette et au sourire toujours tranquille sous sa paire de lunettes, à régner sur un des établissements les plus vénérables du Royaume-Uni et bientôt sur l’une des banques les plus puissantes de la planète.
Né en juillet 1962 en Côte d’Ivoire dans une famille baignant dans la politique (son père, diplomate plusieurs fois emprisonné pour ses opinions, a épousé une nièce de l’ancien président Félix Houphouët-Boigny), il est le premier Ivoirien à entrer à l’Ecole Polytechnique, couronnement d’études brillantes en France qui l’ont vu sortir major de promotion aux Mines et décrocher un MBA à l’INSEAD.
Il est recruté en 1988 par le célèbre cabinet de consultants américain McKinsey, au sein duquel il travaille à Paris et New York, avant d’être appelé en 1994 par le président ivoirien Henri Konan Bédié. Au départ haut fonctionnaire, il devient en 1998 ministre de la Planification.
Mais cette carrière en politique s’écroule comme un château de cartes à Noël 1999, quand le gouvernement est renversé alors qu’il se trouve à l’étranger. Il rentre au pays mais se retrouve assigné à résidence, et repart en France au bout de six mois, ce qui lui fera dire que « quand vous avez été dans une situation où vous n’avez plus rien, il n’y a plus grand chose qui vous effraie ».
– « Plafond de verre » du racisme en France –
Mais les déconvenues ne s’arrêtent pas là. Il connaît alors en France, selon ses propres termes la « fatigue de me cogner le crane contre un plafond de verre parfaitement invisible mais ô combien réel ».
En effet, sa quête d’un poste à responsabilité se heurte à un mur. Il racontera plus tard comment un ancien camarades d’école devenu chasseur de têtes lui avait avoué avec embarras qu’il ne le présentait plus à ses clients français, « parce que la réponse invariablement était : profil intéressant et impressionnant mais vous comprenez « .
Il part alors pour la Grande-Bretagne en 2002, embauché par l’assureur Aviva, où il gravit les échelons jusqu’à devenir responsable pour l’Europe, avant de rejoindre Prudential en 2008, comme directeur financier, puis d’en prendre la direction générale en octobre 2009.
Un an après sa nomination à la tête de la « Pru », une nouvelle épreuve l’attend : le carosse menace de se transformer en citrouille, lorsque qu’il renonce à racheter l’assureur asiatique AIA, faute d’avoir pu renégocier à la baisse le coût colossal de cette transaction (35,5 milliards de dollars).
Ce fiasco laisse une facture salée (450 millions de livres) à Prudential, fait hurler certains actionnaires et manque de peu de lui coûter son poste. Mais le conseil d’administration lui renouvelle sa confiance.
Malgré cet échec cuisant, Tidjane Thiam a rapidement redoré son blason en dégageant année après année de bons résultats, malgré la crise financière qui a fortement secoué le secteur, il a développé fortement Prudential, notamment dans les pays émergents.
Le cours de Bourse du groupe a plus que triplé sous sa tutelle, et Prudential, qui gère près de 500 milliards de livres d’épargne à travers le monde, a réalisé l’an dernier plus de 2 milliards de livres de bénéfices (3 milliards d’euros), pour un chiffre d’affaires quSuissei dépasse désormais les 60 milliards de livres.
S’il est peu connu du grand public en France, ce père de deux enfants et fan du club de football d’Arsenal s’est vu néanmoins remettre en 2012 la Légion d’Honneur, des mains de l’ancien patron de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet.
Ce dernier avait alors salué son « cursus éblouissant », et souligné « ne pas connaître d’autre exemple de personne ayant trois dimensions aussi fondamentales, africaine, française et orientée vers +le vaste monde+ ».
Avec AFP