(AFP) – Simples escarmouches ou amorce d’une nouvelle tuerie ? La reprise des hostilités dans la bande de Gaza ressemble en tout cas à une surenchère du Hamas et à un jeu dangereux susceptible de replonger le territoire dans le chaos, estiment les analystes.
Vendredi, après l’expiration d’une trêve de 72 heures entre Israël et le Hamas, des dizaines de roquettes ont à nouveau été lancées du territoire vers Israël qui a aussitôt répliqué avec des frappes aériennes et des tirs d’artillerie.
Pourtant, l’espoir de pérenniser cette trêve était réel, un mois jour pour jour après le début de violences qui ont fait plus de 1.900 morts, dont plus de 450 enfants, réduit en ruines des milliers de maisons et forcé à la fuite près de 500.000 personnes, côté palestinien, en plus des 64 soldats et trois civils tués côté israélien.
L’Etat hébreu et une délégation palestinienne incluant le Hamas menaient depuis quelques jours au Caire des discussions indirectes avec des exigences a priori irréconciliables.
Le Hamas fait de la levée du blocus de Gaza imposé depuis 2006 par Israël une condition sine qua non à l’arrêt des hostilités, tandis qu’Israël insiste sur la démilitarisation de l’enclave palestinienne pour donner son feu vert à sa reconstruction.
« Pour le Hamas, il faut au minimum obtenir la levée du siège mais il est clair qu’il ne l’obtiendra pas. La question en fait est de savoir jusqu’à quel point il peut obtenir son allègement », affirme Nathan Thrall, expert au sein d’International Crisis Group.
La branche armée du Hamas, les brigades Ezzedine al-Qassam, exige au minimum l’ouverture d’un port sur la Méditerranée, à défaut d’obtenir dans l’immédiat la levée du blocus et la construction d’un aéroport international.
« Mais cela signifierait que des bateaux pourraient accoster sans être fouillés, ce qu’Israël n’acceptera jamais », prévient M. Thrall, car cela pourrait permettre au mouvement islamiste d’importer des roquettes sans les faire passer en contrebande par ses tunnels donnant sur l’Egypte.
Pour éviter ce cas de figure, il pourrait trouver « une porte de sortie honorable » en acceptant au terme de nouvelles négociations « une sortie maritime sous surveillance internationale et non un port (palestinien) à proprement parler », estime Naji Charab, politologue de l’Université Al-Azhar de Gaza.
Le mouvement islamiste a surpris par sa résistance à l’armée israélienne pendant la guerre. Mais il est de plus en plus acculé, lui qui a récemment perdu le soutien de l’Egypte après la destitution il y a un an du président Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans dont est issu le Hamas. Coincé à la fois par l’Egypte et Israël, le « Hamas est sur le point de tout perdre et fait tout ce qu’il peut pour faire monter la pression », souligne Kobi Michael, professeur à l’université israélienne d’Ariel.
Au-delà de la popularité que lui attirerait sa résistance militaire à l’armée israélienne, le Hamas est soumis à la pression de devoir produire rapidement des résultats politiques après des combats qui ont tué plus de 1.900 Palestiniens et dévasté le territoire.
En lançant ses roquettes, le Hamas « voulait voir si Israël allait répliquer et comment il allait répliquer », pour peut-être en tirer un bénéfice dans les négociations, estime l’analyste militaire israélienne Miri Eisin.
Si elle a repris ses bombardements, l’armée israélienne s’est gardée de relancer une nouvelle opération terrestre après le retrait de ses soldats et de leurs chars.
« Il n’y a pas de raisons justifiant immédiatement une opération au sol parce que le Hamas lance des roquettes », explique Miri Eisin à l’AFP. Mais si les affrontements s’intensifiaient, Israël pourrait changer de stratégie et renvoyer des troupes au sol, dit-elle.
« Israël ne voulait pas rentrer, progresser en profondeur et occuper Gaza », note Yoram Schweitzer, ancien chef du contre-terrorisme dans les forces israéliennes. Mais si le conflit s’enlise et que les parties n’arrivent pas à un « accord acceptable », Israël pourrait « changer de politique et lancer une plus vaste opération dans Gaza », prévient-il.