Mesdames, messieurs, chers ivoiriens et habitants de la Côte d’Ivoire.
Je me permets de m’adresser à vous en vos rangs, qualités, âge, genre respectifs, au nom du mandat qu’a bien voulu me donner le Président Laurent GBAGBO de son lieu de détention à Korhogo. En effet depuis le 26 mai 2011, je suis porteur d’un mandat expressément donné par le Président Laurent GBAGBO à l’effet de porter sa parole et de le représenter partout où besoin se fait sentir. C’est donc en cette qualité que je me permets de m’adresser par la présente à vous.
Je voudrais avant tout propos vous prier de m’accorder l’indulgence de votre jugement et j’en appelle à votre grande compréhension si d’aventure, les termes de cette adresse heurtaient vos sensibilités. La délicatesse de porter la parole d’un grand homme de surcroit interdit de parole m’impose une démarche qui observe un minimum de prudence. Mais en même temps, nul n’a le droit de se taire lorsque notre Nation s’engage dans une voie qui pourrait à terme compromettre son avenir. Tant de peuples ont péri faute d’avoir relevé les risques putatifs ou réels qui encombraient le chemin de leur Histoire. Or c’est peu de dire que notre pays, la Côte d’Ivoire, malgré les apparences, reste gagné par le doute. Comment peut-il en être autrement, lorsque certains de ses fils et filles, ces supposés leaders et tous ceux qui devraient porter l’espérance de notre peuple, semblent avoir opté pour la désagrégation de notre lien social.
Mesdames et messieurs, il revient de façon constante que certaines personnes en Côte d’Ivoire et ailleurs se délectent de l’emprisonnement du Président Laurent Gbagbo et font de son transfèrement à la CPI un objectif politique, malgré les risques certains que fait courir une telle entreprise à notre pays. Devant la persistance d’une telle attitude, je voudrais en appeler à la conscience de tous afin que chacun de nous évalue souverainement l’impact du harcèlement judiciaire dont est l’objet le Président GBAGBO sur la cohésion sociale. C’est pourquoi, je voudrais interpeller la société civile ivoirienne dans sa diversité, sur la situation de la Côte d’Ivoire qui reste intimement liée à celle du Président GBAGBO. Je pense notamment aux chefs religieux, rois et chefs traditionnels, aux femmes et aux jeunes et toute la masse des hommes de notre pays.
I/ Les Chefs religieux
Je sais que chacun de vous continue de prier pour notre pays et chacun reste préoccupé par la paix sociale en Côte d’Ivoire. Je vous sais infiniment gré au nom du Président GBAGBO Laurent, pour cette assistance soutenue à son endroit et à celui de toute la Côte d’Ivoire. Mais, Eminences de toutes les confessions religieuses, vous savez mieux que quiconque que l’Homme est la synthèse du spirituel et du matériel. C’est-à-dire que l’Homme n’atteint la plénitude de son accomplissement que lorsqu’il s’harmonise à la fois avec le spirituel et le temporel. C’est pourquoi, il est juste d’admettre que vous avez une responsabilité renforcée dans l’épanouissement total de nos compatriotes et de tous ceux qui nous font l’amitié de vivre avec nous en Côte d’Ivoire, et partagent de ce fait notre espérance commune. Le berger ne se lasse jamais dans la conduite de son troupeau. Vous aurez beau dire que vous avez suffisamment interpellé les uns et les autres mais cela ne vous dédouanera jamais, car votre mission quasi divine reste un sacerdoce c’est-à-dire, un service désintéressé, sans contrepartie en dehors de celle légitimement attendue du Tout- Puissant dont vous êtes les vicaires sur terre. Tout en reconnaissant vos immenses efforts pour l’avènement d’une Côte d’Ivoire pacifiée et réconciliée avec elle-même, vous restez encore redevables devant vos concitoyens qui attendent que vous preniez une position ferme contre toute tentative de transfèrement du Président GBAGBO à la CPI. C’est à la fois un devoir spirituel, un devoir moral et un devoir national. Parce que, une telle entreprise ne fera que perpétuer la chaîne de la haine dans notre pays.
II/ Les Rois et Chefs de villages.
Gardiens de notre riche tradition issue de plusieurs couches de sédimentation de notre histoire commune, vous êtes suffisamment instruits des grandes valeurs que comporte la recherche permanente de compromis entre les enfants d’une famille. L’humiliation d’un Chef dans toutes nos traditions appelle la malédiction sur la communauté. L’emprisonnement prolongé du Président GBAGBO en lui-même est déjà suffisamment dégradant. Son impensable transfèrement à la CPI, si contre tout bons sens intervenait, sonnerait le glas de toutes nos valeurs sociales dont vous êtes les garants obligés. Je voudrais particulièrement insister sur la responsabilité de mes parents du Nord. Je continue de croire et cela ne pourrait être autrement, quand je questionne l’éducation que cette grande société nous a inculquée, que vous avez déjà exprimé votre opposition à l’emprisonnement prolongé des enfants des autres régions de notre pays chez nous. Je me confondrais moi-même devant ma propre conscience si une telle démarche n’avait pas encore été entreprise de votre part. Tous ceux qui sont emprisonnés chez nous sont les leaders des autres régions de notre pays. Sont-ils pour nous, les trophées d’une conquête militaire lancée contre les autres parties de notre propre pays. Sinon, il est temps et juste, conformément à notre culture pacifique de dénoncer cette détention et d’en exiger la fin. Si d’aventure, le Président Laurent GBAGBO était transféré depuis nos terres vers les prisons européennes ou d’ailleurs, alors nous aurons rompu le pacte avec nos propres ancêtres. Nous serons devenus des hommes sans repères fondamentaux, sujets à toutes les aventures.
Je crois personnellement que l’un des problèmes profonds de notre Continent Noir trouve ses origines dans le fait que très souvent nous avons donné en esclavage certains des nôtres. L’abandon d’un sien au traitement méprisant d’un autre peuple est un acte abominable qui ne peut appeler que malédiction sur nous. Or le transfèrement du Président GBAGBO projeté est le prolongement de notre propension à abandonner nos propres enfants et généralement les plus doués et les plus vigoureux au traitement humiliant des puissances extérieures. Le Président Laurent GBAGBO que l’on tente ainsi d’éloigner définitivement de ses terres est celui qui s’est battu au lendemain de son élection, pour faire revenir au pays ceux des nôtres qui étaient en exil.
Majestés les Rois, Honorables Chefs de villages, vous avez le devoir moral de vous opposer à l’humiliation de l’un de vos illustres fils. Vous en avez la capacité. La question ne peut être soumise à la seule fatalité.
III/ Les Femmes
Femmes ivoiriennes et habitantes de la Côte d’Ivoire, au-delà de la diversité de vos sensibilités politiques, religieuses, de vos ordres et rangs sociaux, vous êtes unies par le destin à une mission divine. La fonction de procréation que Dieu vous a déléguée vous élève évidemment au niveau des divinités de notre monde. Elle accroît par la même occasion votre responsabilité dans l’accomplissement de l’Homme, en tant que créature façonnée par Dieu à sa propre image. Quelque soient vos ressentiments personnels et vos récriminations, vous ne pouvez souffrir de l’humiliation d’un être, fut-il votre pire ennemi. Parce que chaque gémissement d’un être humain rappelle les vôtres pendant l’accomplissement de la fonction divine qui se rattache à votre nature. Nul ne peut raisonnablement soutenir que le Président Laurent GBAGBO mérite l’humiliation qu’il subit déjà et celle plus grande à laquelle l’on veut absolument le soumettre. Imaginer et jauger la douleur d’une mère à laquelle l’on arrache son fils pour une terre inconnue. La douleur de Marguerite GADOH, 88 ans, contrainte à l’exil après avoir tout perdu jusqu’à son dernier pagne est également la douleur de chacune des femmes qui habitent la Côte d’Ivoire. Nous sommes tous témoin de l’Histoire récente de notre pays. Le Président GBAGBO s’est toujours rendu personnellement aux domiciles de ses adversaires politiques les plus déterminés pour partager avec eux la douleur consécutive du décès de leur mère. Mais voilà que l’on mobilise une grande énergie pour le séparer définitivement, de son vivant de la sienne, tentant de le priver ainsi de l’accomplissement du devoir le plus sacré qui incombe à chaque enfant d’être témoin oculaire du départ de celle qui lui a donné vie vers celui qui lui a conféré mandat à cette fin.
Je reçois régulièrement témoignage des prières intenses que vous formulez à l’endroit du Président GBAGBO, de tous les autres détenus et de la Côte d’Ivoire. Je vous exprime en retour au nom du Président GBAGBO ma profonde gratitude. J’en appelle à une plus grande mobilisation de votre part pour faire échec à ce que l’on peut qualifier d’attaque contre notre pays. La mise à l’écart forcé du Président GBAGBO du débat politique en Côte d’Ivoire est porteuse de risques pour la cohésion sociale. Elle risque de renforcer les rancœurs qui finissent toujours par détendre les liens sociaux dans une communauté. C’est pourquoi elle s’assimile à une attaque contre notre pays. Votre mobilisation de façon pacifique et suivant les moyens légaux au-delà de vos divergences, constituera un signal fort en tant que gardiennes de notre grande famille ivoirienne suffisamment éprouvée, en direction des promoteurs de cette entreprise dangereuse.
IV Les jeunes
Dans l’accomplissement de son plan pour l’Homme, Dieu a établi une chaîne infinie entre les générations. Chaque génération a le devoir de fructifier l’héritage reçu de la génération qui l’a précédée afin de le transmettre avec une plus value certaine à la génération qui lui succède. De ce point de vue, chacun est en plein ouvrage pour le compte du Créateur. C’est pourquoi, la hantise de notre finitude se contrebalance avec notre espérance de la perpétuation de notre nom dans les générations futures. Dans ce jeu de rôle, la jeunesse occupe une place de choix parce que légataire naturel et obligé de leurs aînés. Dans cette position, les jeunes ne peuvent observer seulement l’attentisme. Il est bon de rappeler que dans notre riche culture africaine, le légataire travaille déjà avant terme à l’entretien de l’héritage qu’il recevra de sorte à le bonifier et à le purger autant que possible des charges inutiles qui pourraient le déprécier au moment où il le recevra. La jeunesse ivoirienne l’a bien compris, c’est pourquoi elle a été de tous les combats pour sortir notre pays des serres des rapaces de tous acabits, qui tentent de prendre en otage son destin. Retenez que le monde entier vous admire pour votre engagement permanent à défendre votre héritage.
Chers amis, jeunes ivoiriens, malgré vos divergences idéologiques, politiques, philosophiques et religieuses, et au-delà de vos conditions sociales, vous êtes unis par le même destin. Vous avez tous part au même héritage. En le laissant se charger de passif grave, vous courrez le risque d’avoir un solde s’il n’est négatif, sera limité tout au moins dans une dimension congrue Vous avez donc le droit peut être même le devoir de surveiller les agissements de vos aînés afin que ceux-ci ne frelatent pas l’Histoire de notre pays que vous recevrez en héritage. Les humiliations entretiennent les rancœurs qui empoisonnent elles-mêmes notre existence. L’emprisonnement du Président GBAGBO, et la volonté affichée par certaines personnes de le faire transférer vers des prisons européennes constituent des faits aggravants qui pourraient si l’on y prend garde compromettre définitivement notre destin commun. Il faut que vous ayez une claire vision de cette réalité. La société ivoirienne est en crise depuis plus d’une vingtaine d’années par la faute de vos aînés qui sont incapables de surpasser leur égo qu’ils placent pour certains, au-dessus de l’intérêt de notre Nation. Il est temps d’exiger d’eux la rupture de la chaîne de la haine. Tout comportement ou tous actes de nature à renforcer cette chaîne de la haine et à la prolonger doivent être dénoncés et combattus. C’est pourquoi nous devons élever au rang de priorité nationale la libération du Président GBAGBO et des autres prisonniers. C’est une question vitale pour toute la jeunesse. Elle requiert donc sa mobilisation sans passion ni violence mais avec détermination. C’est une condition majeure pour purifier l’héritage que vous êtes en droit d’attendre de vos ainés.
V Les hommes
Notre responsabilité dans la déchirure de notre société ivoirienne est entière. Alors que nous avons reçu tout de ceux qui nous ont précédés, nous sommes incapables de garantir à la relève un avenir serein. Nous nous sommes laissés enivrés des désirs le plus fous qui cultivent en chacun de nous un égoïsme à la limite de la perversité. Nos émotions semblent avoir totalement submergé notre raison. Qu’avons-nous fait de l’héritage reçu ? Quelle Côte d’ Ivoire espérons-nous laisser à la postérité qui devient de plus en plus, à raison du reste, exigeante. Le mutisme que nous observons devant la dégradation continue de notre nation nous rend tous autant que nous sommes coupables devant le tribunal de l’Histoire. La chaîne de générations est avant tout une chaîne de responsabilités. Nous restons débiteurs vis-à-vis de générations futures du double de ce que nous avons reçu de nos devanciers. Est-il bon de rappeler que la nation est une communauté dont une bonne partie des membres n’est plus, quelques uns seulement vivent et la majorité des membres reste à naître. Il nous faut rompre maintenant avec le cycle de la haine. La politique de l’autruche est le plus grand danger qui guette notre existence. Faire semblant de ne pas voir le danger ne signifie nullement pas que ce dernier n’existe pas.
CONCLUSION
Qui peut raisonnablement penser en Côte d’Ivoire que l’emprisonnement du Président GBAGBO et celui des siens et la volonté affichée par certains de voir nos propres frères ou sœurs enfermés dans des prisons européennes fait avancer la Côte d’Ivoire ? En quoi sont-ils plus coupables que ceux qui veulent les conduire dans ces prisons ? Sommes-nous vraiment génétiquement esclaves au point que notre conscience définitivement soumise, nous condamne mécaniquement à renoncer à tout ce qui nous conduit vers la liberté ? Je ne peux croire à une classification des peuples selon une échelle produite par la fatalité. Refusons de nous donner en friandises pour les délices des occupants des palais repus du fruit de notre labeur et qui pensent que tout leur est dû. C’est en nous-mêmes, que nous trouverons l’énergie, la force et l’intelligence pour orienter dans le sens qui correspond à l’intérêt de nos peuples, le cours de notre destin pris en otage, avec souvent notre propre complicité. Quelle leçon de grandeur donnerons nous au monde entier si nous arrivons à dire ça suffit ! Nous allons nous-mêmes régler nos propres contradictions. Cela ne relève pas du domaine du rêve. Loin s’en faut. Mobilisons nous et nous verrons que le destin d’un peuple n’est jamais l’œuvre ni de la fatalité ni du hasard. Un destin se bâtit par des hommes et des femmes audacieux qui croient d’abord en leur capacité et qui demandent seulement à Dieu de bien les en inspirer. C’est seulement quand Dieu est convaincu de la volonté partagée de chacun des membres de cette communauté de bâtisseurs d’abandonner son égo au profit de l’intérêt commun, qu’il laisse découvrir sa générosité. Un peuple qui vend ses propres enfants à la gloire de d’autres peuples ne peut bénéficier des largesses de Dieu si tant est qu’il est juste. Nous avons le devoir sacré de dire non à une autre humiliation de l’un des nôtres et le Président GBAGBO n’en n’est pas l’un des moindres. Il mérite que nous nous mobilisions pour sa cause qui est également celle de nous tous entant que peuple engagé dans la bataille pour l’affirmation de sa dignité. Nous pouvons dire non sans violence. C’est d’ailleurs la qualité des grands hommes. Sur ce point, la vie du Président Laurent GBAGBO peut nous servir si nous faisons l’effort de dominer nos passions.
Que Dieu Bénisse la Côte d’Ivoire
Le Ministre KONE Katinan Justin
Représentant et Porte parole du Président Laurent GBAGBO